À l’époque où les infrastructures priment souvent sur les modalités du vivre ensemble, il est important de comprendre comment les styles de vie influencent notre façon de concevoir et d’investir les espaces d’habitation, aussi bien à la maison qu’au bureau, en centre-ville ou en zone périurbaine.
L’urbanisme d’aujourd’hui ne peut s’envisager que dans le respect des conditions de l’habitat, donc des modes de vie qui iront avec. Il est indispensable de ne plus séparer mais de lier la compréhension des imaginaires, des usages, des représentations et des projections de la ville.
Rétablir des cadres et des repères
L’intérêt des styles de vie résidera alors dans le fait de rétablir des cadres, des repères, pour arriver à expliquer et à comprendre des phénomènes qui sont souvent mouvants et qui échappent à l’analyse. Et ce, même si les styles de vie sont aussi des compromis que le citoyen consommateur va faire entre des éléments contradictoires de sa vie. On parle souvent de l’opposition entre valeurs individuelles et valeurs collectives, entre obligations professionnelles et familiales, entre vie sociale réelle et vie sociale virtuelle. L’important aujourd’hui est de ne pas entretenir l’illusion que tout se mélange, donc que tout « se vaut ».
À force d’hybridation, il faut retrouver des délimitations, des frontières et des territoires pour mieux comprendre les phénomènes socioculturels. D’où l’intérêt méthodologique de décrypter et d’analyser les modes de vie de façon intuitive au départ, puis de les vérifier sur le terrain. Cartographier les « milieux » de vie des habitants permet de comprendre la dynamique de leurs valeurs et leurs choix et non de façon figée comme dans les CSP classiques.
Les goûts et les styles de vie sont déterminés par notre position sociale
Un double hommage peut donc être rendu quand on parle de styles de vie et de territoires. D’abord à Pierre Bourdieu, qui a créé un choc avec « La distinction » en 1979, en s’attachant justement à démontrer que les goûts et les styles de vie sont déterminés par notre position sociale : tout le monde ne fait pas le même sport ni n’a les mêmes pratiques culturelles, et cela s’applique à tous les champs de la consommation, que ce soit l’habillement, la décoration de chez soi, la façon de parler… Cet Habitus est la manière non consciente qui guide nos choix et fait que toutes nos pratiques ont un « air de famille » jusqu’à former un « style de vie » que l’on retrouve bien entendu dans la diversité des modes d’habiter. Malgré l’uniformisation des « tendances » de décoration, il est encore possible de lire le rapport à l’usage domestique des uns et des autres comme un signe de leur position sociale (cf. la place de l’écran TV dans les foyers, par exemple).
En outre, même si les pratiques culturelles ne sont plus entièrement déterminées par la logique des appartenances de classe (la musique et le cinéma en sont la preuve) et que nos sociétés sont de plus en plus fondées sur la pluralité des appartenances (générationnelles, ethniques, expérientielles…) l’éclectisme « à tout crin » a des limites : malgré la fragilisation et le brouillage symbolique des frontières, attention à ne pas disqualifier cette théorie. Jamais la culture n’a été aussi discriminante, donc merci à Bourdieu et aux styles de vie de nous le rappeler.
Retrouvez la suite de cet article dans la revue digitale « La ville, bienvenue à bord »
Adeline Attia et Virginie Gailing
Illustration : Charlotte Pollet
Et pour explorer les enjeux actuels à propos de l’attractivité des villes et des territoires rendez-vous à la conférence Urban Trends, EN SCÈNES LES VILLES, en partenariat avec INfluencia !
Quelles visions, quelles actions pour (r)éveiller les villes ?
1 – S’exposer c’est oser
Les enjeux du «destination branding» et du positionnement actuel des villes : extrait de l’étude menée par UBTrends sur l’identité des métropoles (Métropoles et agglomérations : comment décoder les territoires à l’heure des nouveaux découpages?) : Adeline Attia, Directrice d’UBTrends et Sylvie Delezay, sémiologue.
Témoignage-discussion avec deux élus : Anne Grommerch, Députée-Maire de Thionville et Xavier Lemoine, Maire de Montfermeil.
Cette première session sera animée par Gaël Thomas, Directeur de la Rédaction de Business Immo.
2 – Faire parler la ville autrement
Le digital en ville pour de nouvelles formes de communication : Albert Asseraf, Directeur général Stratégie, Digital et Marketing de JCDecaux.
L’exposition médiatique en questions : Martine Duteil, Rédactrice en chef Côté Paris (groupe Express Roularta Services).
La mutation marseillaise : présentation d’une réhabilitation réussie par Constructa Urban Systems.
3 – L’Art s’expose aussi en ville
Les nouveaux écosystèmes artistiques dans l’espace public et privé, ou comment créer de la valeur sur un territoire : table ronde élaborée en partenariat avec l’Observatoire de l’Art contemporain.