2 septembre 2014

Temps de lecture : 3 min

Les bonnes manières pour connecter marques et consommateurs

La permanence. Voilà qui agite les esprits des directions marketing et échauffe les creative technologists de tout bord : connecter les marques, les hommes, les objets, les environnements et entrer pour de bon dans l’ère du marketing en temps réel. Mais pourquoi, et comment ?

Article paru dans la revue digitale n°10 : La Ville, Bienvenue à bord

Dans une société pressée, dans laquelle la vitesse et la nouveauté sont érigées en progrès, la question revient sans cesse de savoir comment nous relier toujours plus efficacement au consommateur (à son détriment parfois). Nous n’en sommes d’ailleurs plus à penser comment le rejoindre là où il est, mais à imaginer comment faire corps avec lui.

Le mythe de la permanence

À grands renforts de données (big ou pas), d’applications, d’interopérabilité (dialogue machine to machine), l’on se prend à rêver d’un monde où le consommateur-utilisateur ne fait plus qu’un avec ce qui l’entoure dans la ville, dans lequel machines, marques et infrastructures réagiraient en un tout dynamique et intelligent.

Les objets connectés sont le dernier signe en date de cette mouvance et chacun y va de sa petite idée pour se rendre indispensable à un utilisateur qui désirerait (on peut en douter) s’équiper tel un Robocop avec bracelets, lunettes, frigo sur le Web, et pantalon mesurant le nombre de pas journaliers. Bien sûr, il n’y a que ceux qui cherchent qui trouvent, et nous balbutions évidemment dans cette nouvelle ère de services, d’interaction et d’objets compagnons. Mais la réalité cherche à rejoindre un mythe : celui de la permanence et de l’intelligence artificielle pour mieux répondre à un utilisateur jugé trop distant et pas assez productif. Un doux rêve ? Pas vraiment.

La guerre de l’interface

Chacun s’accorde à dire que l’on maitrise aujourd’hui de nombreux composants de « l’Operating System » : data, algorithmes inductifs, intelligence artificielle, terminaux plus sophistiqués ou wearable, capteurs, biométrie, commandes vocales, visuelles, et protocoles de communication web et machine to machine. Le problème clé ? L’intégration de ces composants, et la définition de l’interface de commande. Quelle sera-t-elle ? La maison, la ville, le mobile (ou dérivés) ou bien l’homme lui-même ?

Chacun raisonne à partir de son point de vue, mais tous ont ceci en commun : la quête d’une connexion « seamless » avec l’utilisateur. Les industriels qui rêvent de placer leur produit enrichi de service design, les villes qui cherchent à faciliter les besoins de leurs usagers et puis il y a le monde universitaire, MIT en tête, et les géants de la hi-tech : Amazon, Facebook, Google et consorts.

Ces derniers ont en main un jeu différent, supérieur, en investissant des domaines qui nous semblent surréalistes : réalité augmentée, intelligence artificielle, robotique. Une R&D orientée homme/machine qui vise comme but ultime à… la fusion de ces deux derniers : le transhumanisme. Le mot est lâché. Même s’il est source de fantasmes, l’idée est là. En attendant l’homme bionique, le but du jeu est bel et bien de réduire les zones de frottement pour développer une nouvelle forme de dialogue, intuitive et symbiotique. Rappelons-nous après tout que depuis 40 ans, nous ne connaissons guère que le clavier pour avoir la main sur la technologie.

Redéfinir l’identité

Internet – ville virtuelle avec ses agoras, ses rues, ses commerçants et ses avancées technologiques – façonne toujours plus la ville réelle. Le commerce est un bon repère de cette tendance inventive : drones, magasins intelligents, datas sans cesse plus fines et mieux exploitées… Au doigt et à l’œil. Dans cette logique, l’objet n’est qu’une étape. Ce qui est stratégique, c’est l’acquisition de connaissance sur chaque utilisateur, et la disponibilité dynamique de cette connaissance en temps réel.

Pour que le marketing en temps réel soit vraiment rendu possible, il faut l’émergence de nouveaux algorithmes, plus puissants, complexes, et surtout totalement individualisés. Des algorithmes nominatifs, tels des compagnons évoluant selon les contextes, intérêts, âges et lieux et en soi la base d’une nouvelle identité matinée de données numériques. La question sera alors de savoir si nous pourrons faire sans eux.

Bonnes manières

Avant que nous ayons un Hal 9000 personnel qui organise notre vie de tous les jours à partir de notre mobile, de notre maison ou de notre bureau, il va se passer un moment, Dieu merci… En attendant, nombreux sont ceux qui nous prédisent des lendemains qui chantent, dans lesquels le digital va changer le monde. Il faut dire que la promesse reste forte : santé, transport, banque/assurance, distribution, nouvelles formes de travail, communications, éducation ; les initiatives se multiplient, à raison. On vit une époque formidable et comme toujours, l’homme s’émerveille de ses capacités techniques. Espérons qu’il ne s’oubliera pas dans ce gigantesque effort tendu vers la technologie.

Les enjeux sont majeurs pour lui : droit à l’oubli, à la déconnexion, à la confidentialité absolue de ses données, à l’obsolescence dans la consommation, à l’accès numérique et à l’équipement… À l’accélération technologique doit correspondre une accélération sociale dans laquelle l’utilisateur sait comment vivre et faire avec ces avancées, sans y laisser sa liberté d’action ou de choix. Un vrai problème de bonnes manières, en somme.

Guillaume Anselin

Illustrations : Amélie Carpentier

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