Même quand les mythes qui entourent leur pertinence sont dénoncés au grand jour, les influenceurs continuent de séduire les marques. Pour le consultant et auteur nord-américain Greg Satell, il faut mettre fin à leur impact marketing.
Influenceurs, que de stratégies commises en ton nom… La courtisanerie autour des opérations spéciales influenceurs n’a jamais été aussi forte. Mais sont-elles toutes efficaces et pertinentes ? C’est la question que s’est posée l’an dernier Salesforce Marketing Cloud en répertoriant les cinq principaux écueils qui se dressent sur le chemin de la réussite de ces programmes si prisés. Que faut-il bien cerner, analyser et comprendre, en amont comme en aval, pour façonner un Influenceur ? Heather MacLean du blog de Salesforce Marketing Cloud répondait en dénonçant cinq mythes.
Six mois plus tard, nous constations que même si les annonceurs ont du mal à mettre une définition précise sur le mot » influence « , il suffit d’être étiqueté dans cette catégorie pour aiguiser leur intérêt. Selon Augure spécialisée dans la communication et le Marketing d’Influence et à l’origine d’une étude menée auprès de 648 professionnels de la com et du marketing en Europe, 73 % ont entamé une relation avec des influenceurs depuis deux ans et plus. Avec déjà des résultats à la clé qui encouragent une augmentation des investissements dans ce domaine en 2014. La source est donc loin d’être tarie.
Une récente étude de Sensei Marketing réalisée auprès de 1 300 marketeurs en Amérique du nord a d’ailleurs démontré que 74% d’entre eux planifiaient d’investir dans le marketing d’influence dans les douze prochains mois. Pourtant il existe très peu voire aucune preuve que les influenceurs peuvent améliorer les performances de ceux qui les sollicitent, assène Greg Satell, ex-SVP chez Moxie Interactive, consultant en innovation et stratégie digitale et contributeur régulier de Forbes. Sur le blog de la Harvard Business Review, il a récemment énoncé les quatre raisons pour lesquelles il fallait « tuer » le marketing d’influenceurs. INfluencia a décidé de jouer les entremetteurs, pour relayer l’analyse de Greg Satell. Voici ses arguments dans le texte.
Ce n’est pas la bonne métaphore
S’il y a un responsable de l’intérêt pour le marketing d’influence, c’est bien Malcolm Gladwell. Dans son livre référence « The Tipping Point », il décrypte la fameuse » Law of the Few « , ou la loi des quelques-uns en langue » poqueline « . Le succès de toute épidémie sociale dépend lourdement de l’investissement des personnes qui possèdent des dons sociaux particuliers et rares. Nous connaissons tous des “ Connectors ” qui semblent connaître tout le monde, des “ Mavens ” qui possèdent une profonde connaissance et des “ Salesmen ” qui ont le don de la tchatche. Nous avons constaté leur influence sur nous, cela semble donc plausible qu’ils aient un grand rôle à jouer dans la propagation des idées.
Mais les épidémies sociales ne sont pas des phénomènes locaux. Ce sont de longues chaînes virales. Ce n’est pas parce que quelqu’un est bon pour partager une idée que les autres vont d’autant plus la partager. Or si une idée n’est pas partagée, elle ne va pas bien loin. Une métaphore plus juste serait celle de la ola dans un stade. Une attitude collective a besoin d’un collectif. Si Jack Nicholson ne se lève pas au Staples Center de Los Angeles, la ola continue.
Il n’y a aucune preuve scientifique de l’influence du marketing… d’influence
Des récentes enquêtes posent encore plus de questions sur les influenceurs. Dans une étude d’e-mails, il est ressorti que les personnes hautement connectées n’étaient pas nécessaires pour produire une cascade virale. Une autre sur Twitter montrait qu’ils n’étaient également pas suffisants, mais juste légèrement plus enclins à produire des chaînes virales. L’évidence empirique est claire : il est temps d’arrêter ce mythe autour des influenceurs. Jusqu’à ce que quelqu’un, quelque part, puisse amener des preuves que ces personnes « spéciales » peuvent améliorer nos campagnes, nous ne devrions pas gaspiller notre argent là-dedans.
Bon sens et expérience
Dans des récentes épidémies sociales comme le printemps arabe ou les deux révolutions ukrainiennes, des petits groupes connectés ont fini par faire tomber des régimes puissants. Cela n’a pas de sens que Hosni Moubarak et Viktor Ianoukovitch, qui contrôlent les médias et les grands organes de pouvoir, aient manqué d’influence ou même d’accès à des gens d’influence. Mais ils se sont retrouvés incapables d’arrêter les manifestations qui ont provoqué leur chute. Bien sûr, il est possible que les manifestants aient été dirigés par des personnes avec de rares dons sociaux et qui auraient trompé l’influence traditionnelle des dictateurs. Mais pourquoi ces dons les auraient-ils lâchés après coup ? En Egypte, les Frères musulmans, et non pas les manifestants libéraux ont gagné les élections. En Ukraine, le mouvement PORA! n’a pas évolué en un mouvement politique.
Le succès viral de Buzzfeed
Il y a peu de preuves que les stratégies d’influence, autre que les stars dans la publicité, soient viables. Mais tout n’est pas perdu. En 2001, Jonah Peretti a échangé avec Nike un e-mail devenu viral sur la Toile. Cela l’a fasciné et un an plus tard, il rencontra Duncan Watts lors d’une conférence. Ce fut le début d’une amitié puis d’une collaboration. Ensemble ils ont créé de nombreux projets, tous ont marché : les bons résultats ont été publiés dans la Harvard Business Review. Leur approche, appelée « big seed marketing », ne s’appuie pas sur un petit nombre de personnes spéciales, mais plutôt sur le pouvoir d’un grand nombre de gens ordinaire.
En s’adressant à une audience de masse et en les encourageant à partager, vous avez plus de chances que la chaîne virale prenne forme. Même si ce n’est pas le cas, vous augmentez les performances de toute façon. Jonah Peretti a continué en co-fondant le Huffington Post, qui a été vendu à AOL pour plus de 250 millions d’euros en 2011. Sa deuxième entreprise, Buzzfeed, est aujourd’hui évaluée à plus de 700 millions d’euros. Dans une récente interview accordée à Felix Salmon, il ne crédite pas les influenceurs mais bien « une constellation de choses connectées » pour expliquer la viralité de son contenu.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA