Parlez-vous art contemporain ? Viscéralité des tubes luminescents, ésotérisme des fibres textiles et horizontalité verticale du plastique ?
Pendant longtemps l’art contemporain a eu une image négative, l’image d’un art inabordable car trop élitiste. L’art contemporain était entendu comme un art conceptuel, et l’art conceptuel voulait dire…art conceptuel ! Que celui qui trouve la définition lève le doigt ! Mais aujourd’hui, et de plus en plus, le voile opaque se lève et l’art contemporain devient l’art des contemporains, l’art des gens, un art fait pour eux et par eux. En effet, en 2014, le rôle du public n’a jamais été aussi important. La nouvelle quête des artistes c’est le ressenti. L’œuvre d’art n’est plus la matière, l’œuvre d’art n’est plus un objet, l’œuvre d’art devient un moment, LE moment où le public interagit avec ce qu’il a en face de lui.
Si le statut de l’œuvre d’art change vers l’installation, le statut du visiteur lui aussi subit des mutations, ce dernier n’est plus cantonné au simple rôle de spectateur, il devient co-auteur, il devient narrateur et conteur. Comme il vit des expériences, il les raconte et demain le récit fera partie intégrante de l’œuvre. Au-delà d’un objet d’art, au-delà d’une projection c’est le futur souvenir de l’œuvre que l’artiste doit demain designer. Demain, la perte de repère haute en couleurs dûe à un brouillard artificiel vécu chez Olafur Eliasson sera aussi importante que l’installation.
La sensation magique d’infini étoilé ressentie dans le cube de Yayoi Kusama sera la clé de l’œuvre.
L’étonnement qui nous a pris de pouvoir toucher des vraies peaux tatouées au London Tatoo Museum sera la vraie raison de l’exposition.
Pour le philosophe Heidegger, « l’art est la mise en œuvre de la vérité » in L’Origine de l’œuvre d’art mais en 2014 la vérité n’est plus dans l’œuvre, la vérité est dans la relation. Et ça, le marketing l’a bien compris en se recentrant sur l’expérience. On pédale sur un vélo à l’exposition Happy Show pour faire apparaître des messages, on exécute des mouvements de gym tonique devant un distributeur pour avoir un Coca… Alors… qui copie qui ? Une chose est sûre, dans la société du « toujours-plus-loin » participer ne suffira plus à notre homo-narcissicus toujours en quête de sur-enchère.
Dans le futur, le public deviendra la matière première de l’art
Demain, nos cellules humaines seront exposées dans des galeries d’art faisant ainsi écho aux réflexions d’Amy Congdon, artiste-biologiste qui propose des bijoux sur la base de la décellularisation.
Et si demain, les expositions de portraits n’étaient plus une série de selfies avec filtres sépia mais des clichés-microscope de notre code génétique? A l’instar de la très controversée exposition « Our body, à corps ouvert, l’expo anatomique » qui mettait en scène 17 cadavres humains et plus d’une centaine d’organes, demain, avoir son squelette exposé au Louvre sera le comble de la postérité. Dans le futur, c’est à l’art qu’on lèguera son corps et plus à la science… Eurêka ?
Mathilde Gaist, Planneur stratégique