Depuis l’été 2012 aux USA et une première loi de réforme de l’immigration, le check-in sur les réseaux sociaux devient une arme de légalisation pour les immigrés sans papiers.
En politique le timing anodin est une fable, il n’existe que dans les livres pour électeurs crédules. Condamné après les élections législatives du 4 novembre à terminer son second mandat avec une opposition parlementaire républicaine ultra hostile, Barack Obama a décidé deux semaines plus tard de jouer unilatéralement de son pouvoir constitutionnel. En décidant seul la légalisation d’environ 5 millions d’immigrés officiellement clandestins, le président des Etats-Unis savait que son décret serait interprété par ses nombreux ennemis politiques et personnels comme un pied de nez quasi monarchique.
Ce dont le locataire de la Maison-Blanche ne se doutait sans doute pas, c’est que pour justifier de leurs années de présence sur le sol national, les sans-papiers en quête de légalité utiliseraient les réseaux sociaux comme pièces à convictions. L’information est sérieuse, elle émane d’un nouveau rapport publié par Nextgov, dont les conclusions offrent une perspective inattendue sur l’utilité méconnue d’une fonctionnalité pourtant si banalisée : le check-in. Sur Facebook, Foursquare et Yelp, elle indique automatiquement l’endroit dans lequel vous venez d’arriver. Evidemment, toutes les données sont conservées par chaque réseau social et c’est bien cette data là dont se servent les immigrés clandestins pour prouver la durée de leur résidence aux Etats-Unis. Une des conditions à la légalisation émises par le décret présidentiel exige en effet une présence discontinue d’au moins cinq années dans le pays. Mais comment un sans-papier qui depuis des années vit caché des administrations, des assurances, des compagnies d’électricité et de téléphonie, peut-il en quelques jours réunir les preuves officielles nécessaires ? La tâche n’est même plus herculéenne, elle relève de l’impossible. C’est là que le « check-in » intervient.
Tout a commencé en 2012 avec une première réforme
Vous l’avez compris, il suffirait donc pour un immigré sans papier de se géolocaliser dans un cinéma ou un restaurant via un réseau social pour solliciter une régularisation chez l’Oncle Sam. Ou quand Facebook, Yelp, Foursquare et d’autres plateformes peuvent en un clic permettre à des millions de résidents illégaux de consolider leur futur en toute tranquillité d’esprit, sans la boule au ventre de l’expulsion. Aussi difficile à croire que cela puisse paraître, c’est une vérité actuelle et factuelle. Elle est brillamment relatée par Michael Grothaus dans un article passionnant publié sur le site de Fast Company.
Accepté comme une preuve tangible et validé par le service gouvernemental d’immigration et de citoyenneté, le check-in n’a pas encore non plus été introduit dans une nouvelle directive sur les preuves de résidence. L’imbroglio juridique profite pour l’instant aux clandestins que Barack Obama veut remettre dans le circuit légal. Deux ans avant l’annonce du décret présidentiel, présenté comme un dispositif temporaire, le gouvernement réussissait à faire passer le Deferred Action for Childhood Arrivals. Cette loi permet à chaque immigré sans papier entré sur le territoire avant juin 2007 ou avant ses 16 ans de recevoir un permis de travail de deux ans et l’assurance de ne pas être renvoyé, sans pour autant se voir accorder un visa ou un accès à la nationalité.
Le check-in n’est plus l’apanage des ados
Si nous évoquons cette réforme importante instiguée par la Maison Blanche, c’est qu’elle a lancé le phénomène du check-in comme preuve de présence physique. Dans une interview accordée à la chaîne ABC News, David Leopold, ancien président de l’association des avocats américains d’immigration, mettait en exergue la flexibilité des services d’immigrations, « qui ont été très aidants en acceptant des formes alternatives de preuves, sans être trop restrictifs ». Dans Fast Company, Michael Grothaus mentionne un avocat newyorkais, qui lui a confirmé que depuis l’annonce du décret Obama, trois immigrés clandestins, dont un quinquagénaire, l’ont contacté pour lui demander si le check-in faisait office de preuve. Le mot est donc passé, y compris chez les plus âgés, ce qui est une nouveauté. Il faut savoir qu’outre-Atlantique, une grande proportion des revenus inférieurs à 20 000 euros annuels provient d’immigrés sans papier.
Ironiquement, ce sont eux qui aujourd’hui profitent des innovations technologiques, alors que chaque année depuis une décennie l’industrie de la technologie digitale confirme son incapacité à toucher et faire profiter les plus modestes. En 2013 aux Etats-Unis, 45,3 millions de citoyens vivaient en dessous ou sur le seuil de pauvreté – 19, 1456 euros pour une famille de quatre.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA