24 février 2015

Temps de lecture : 4 min

Découvrez Earthship ou le design logique et innovant

Dans la toundra de l’Ouest américain, au Nouveau-Mexique, EarthShip incarne le design logique, rationnel et écologique du logement du futur. INfluencia a rencontré les pionniers d’une cause finalement très évidente.

Dans la toundra de l’Ouest américain, au Nouveau-Mexique, EarthShip incarne le design logique, rationnel et écologique du logement du futur. INfluencia a rencontré les pionniers d’une cause finalement très évidente.

Cette habitation étrange aux allures de maison spatiale pour extra-terrestre sédentarisé, David Vincent ne l’aurait pas combattue. Cette machine holistique porteuse d’indépendance et de liberté, Thomas Moore l’aurait rêvée en utopie politique pour l’accroissement de la conscience de masse. Cette maison gaudienne à l’architecture surréaliste, chantre de la « biotecture » écologique de demain, René Magritte l’aurait peinte sans chapeau mais avec la pipe. C’est dans un décor alambiqué à la Dali, entre steppe sibérienne, désert de l’Ouest américain et plaine volcanique, que la EarthShip nourrit ces fantasmes imaginaires.

Au nord de l’état du Nouveau-Mexique, à flan de montagne et dans la quiétude ascétique de la cité néo-hippie de Taos, la maison autonome et recyclée, développée depuis 1990, par l’organisation privée EarthShip Biotecture, incarne le design logique et rationnel du logement du futur. L’idée de son créateur, faux gourou sexagénaire charismatique et guide omnipotent, est partie d’un constat si évident que le commissaire Bourrel aurait dit « bon sang, mais c’est bien sûr » : L’homme vit dans des habitats dépendants de ressources en eau et en énergie qui les épuisent par des coûteux et inefficients réseaux centralisés. En même temps que ces ressources disparaissent, les déchets, eux, s’amassent. C’est donc avec des bouteilles de verre, des canettes et des pneus que se construit chaque EarthShip.

Il faut rouler dix minutes après le centre-ville, passer une brasserie en tôle, un aérodrome en désuétude et traverser le canyon de Taos pour entrer dans un monde de visionnaires et d’idéalistes, pionniers d’une seule estampille : le bon sens. « EarthShip prône l’architecture durable pour tout le monde. Le concept et la façon, dont EarthShip Biotecture l’implémente, répondent à la question de l’accessibilité de tous à une structure qui prend soin de nous et de notre environnement, en partie en nous rendant moins dépendant du système économique actuel », explique Grégoire Durrens, un ingénieur français élève à l’académie EarthShip, crée en 2011 et qui chaque année forme plus de 500 apprentis à ses méthodes de construction.

Rendre l’homme plus libre pour le faire grandir

Depuis plusieurs mois, Grégoire, qui espère dans les trois ans devenir le premier diplômé français de l’académie, s’est imprégné de la philosophie et des valeurs de EarthShip. Est-il convaincu qu’il s’agit du design écolo et durable de l’habitat de demain ? « Du point de vue de la mode dite « écolo », oui. Mais le mot perd peu à peu de sa valeur ici, on préfère l’adjectif « logique ». Il s’agit d’un design logique et rationnel au vu de ce qui s’annonce. EarthShip Biotecture veut concevoir des maisons capables de résister au contexte économico-environnemental qui s’installe à grands pas. Ajouter à l’acte de construire et d’habiter des solutions positives pour l’environnement d’une part et à moindre coût d’autre part, s’avère donc extrêmement pertinent. Il est plus que probable qu’on ne puisse pas s’en passer. Le design de notre époque et de demain doit intégrer le recyclage de matériaux ».

Réutiliser, mutualiser, recycler : le triptyque constitue le socle de la pensée EarthShip. Pour son ingénierie la matière première est simple, la sortie de terre beaucoup plus complexe. Si « pour grandir, l’esprit doit être libre » et que « permettre à l’Homme de subvenir au vital urgent, et ce, de manière quasi immédiate, diminue le stress », dixit Grégoire Durrens, EarthShip propose une solution architecturale pour couvrir ces besoins de manière locale, automatique et gratuite (hormis la construction), sans dommages causés à court ou à long terme à l’environnement. Pour répondre aux besoins vitaux -l’air, le maintien de la température du corps, l’eau, le sommeil et la nourriture- EarthShip se fonde sur six principes techniques : chauffage et climatisation passifs, c’est à dire sans autre source d’énergie que le soleil; récupération d’eau de pluie; production d’énergie solaire et éolienne; gestion locale des eaux usées; utilisation de matériaux recyclés; production de nourriture.

« L’esprit de récupération est addictif »

Dans le paysage actuel de la construction, à un moment où le changement de mentalité et de culture est sine qua non, la force d’EarthShip est de réunir les ingrédients nécessaires à la diffusion massive de ces techniques indispensables à la pérennité de l’habitat humain de demain. L’esprit “open source” et l’outil éducationnel créé à Taos, notamment via l’académie, basés sur des décennies d’expérimentations, ont permis la création d’un mouvement. Michael Reynolds a toujours refusé de breveter sa technique pour justement assurer la diffusion la plus large possible. Surtout que ses maisons autonomes s’adaptent à tous les climats.

« Il y a aujourd’hui 150 EarthShips à Taos et à peu près 1500 dans le monde comme au Malawai, en Haïti, sur l’île de Pâques et aux Philippines », énonce le grand manitou Michael Reynolds, qui dans sa bataille contre le conformisme a été exclu de l’ordre d’une profession qu’il embrasse sans compromis. Depuis 2007, la France accueille une EarthShip, dans le village de Ger en Normandie. C’est la seule du pays. La Belgique, l’Ecosse et les Pays-Bas ont également expérimenté, à minuscule échelle, la maison autonome. Pourtant, pour peser son attraction au trébuchet, il suffit d’écouter Tom, instructeur chez EarthShip qui, avec sa femme, a quitté Los Angeles il y a dix ans pour installer leur famille dans la « Messa ».

« Le seul enjeu, c’est le temps »

« Quand ma femme et moi sommes arrivés ici, à Taos, on était vraiment séduits par cet aspect des EarthShips. Nous nous arrêtions sur le bord de la route pour récupérer du bois jeté et d’autres matériaux considérés comme “détritus”. C’était une réelle motivation. Bien sûr, pendant la construction de la maison, qui a 1500 pneus incorporés dans le mur, on s’est rendus maintes fois au magasin de construction local, mais c’est enthousiasmant d’entrer dans cette mentalité de récupération. C’est presque addictif ! ». Grégoire Durrens pose donc la question en épilogue: « Nous disions que l’Homme a de tout temps cherché à améliorer sa condition matérielle, pourquoi notre époque y arriverait-elle mieux que toutes les précédentes tentatives ? ».

En construisant bientôt une EarthShip entre deux gratte-ciels de Manhattan, Michael Reynolds entend répondre à ceux qui pensent que ses constructions ne peuvent pas répondre aux défis d’un futur ultra urbanisé. Evidemment ce projet un tantinet trompe l’œil ne peut pas donner les garanties que le modèle EarthShip peut loger une cité de plusieurs millions d’habitants. A priori, les contraintes d’espace laissent penser le contraire. Mais « le seul enjeu actuel pour nous, c’est le temps », assène Michael Reynolds, persuadé que sa biotecture deviendra la norme.

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