Malgré un lancement en grande pompe hier soir et du glamour à tous les étages, difficile de ne pas voir en Tidal une nouvelle lubie de son créateur, Jay Z. Derrière une louable intention, un gros plouf très prévisible constaté par Dumdum.fr
Tidal, c’est quoi ? C’est le nouveau joujou de Jay Z. Mais c’est aussi, selon son propriétaire, un futur mastodonte du streaming. Jay-Z a racheté, il y quelques mois, pour 56,2 millions de dollars le service de streaming musical norvégien Wimp, qui est propriétaire de Tidal Hifi. Avec une idée derrière la tête, redorer le blason du streaming (en proposant par exemple une meilleure qualité de son), et pourquoi pas, faire la » nique » à la concurrence. Aux Etats-Unis, ses adversaires s’appellent Rhapsody, Deezer (certes, un outsider, tout juste arrivé sur le marché américain et relativement méconnu), et Beats Music, désormais propriété d’Apple. Pour jouer dans la cour des grands, de quoi bénéficie Tidal ? Franchement, de pas grand chose. Mais c’est beau.
Madonna, Daft Punk, Kanye West, Nicki Minaj, Arcade Fire, Jack White, et Beyoncé, of course. Des stars en guise de soutien, mais également d’actionnaires (il fallait les voir sur scène, hier, signer les uns après les autres un document qu’on imagine moyennement officiel, dans un joli coup promo mais un brin ridicule), voilà ce qui a marqué les esprits. Jay Z a tué le concept du keynote, renvoyé en coulisses Steve et son col roulé, Tim et son absence de charisme. Jay Z devrait animer toutes les conférences. Merci. Sauf que que derrière le glam et les paillettes : hum…
Tidal, c’est quoi ? C’est une meilleure qualité audio, déjà. Et c’est là le grand argument. Problème : si mon petit cousin se souciait vraiment de la qualité de son mp3, il n’aurait pas fait les belles heures de eMule. Le grand public se moque bien, malheureusement, de la qualité du son. Il se sert, là où c’est gratuit. Imposer dix euros par mois pour de la musique en illimité, Spotify essaye encore. Alors, arriver avec un service plus cher en vantant la qualité ? Mouais. Comme l’explique le site Les Numériques : “ En échange d’un abonnement mensuel de 19,99 €, son principal argument est de proposer une large audiothèque de 25 millions de titres dans une qualité sans perte grâce au codec FLAC et son bitrate de 1411 kbps. 75 000 vidéo-clips en haute définition complètent cette offre ”. Des considérations qui dépassent largement le mélomane lambda. Quant aux clips, YouTube propose déjà tout ce qu’il faut, et en HD. Bien suffisant. Et gratuit, encore une fois. Or, la gratuité sera toujours gagnante.
Autre non-argument : du contenu édité par des spécialistes. Autrement dit, une playlist concoctée par (la stagiaire de) Jack White. Enfin, pour parler des chiffres, le HuffPost rapporte : “ 25 millions de pistes audio, 75 000 clips de musique et des interview d’artistes… Elle pourrait aussi accueillir en exclusivité certains produits ”. Pourrait. Certes, le dernier single de Rihanna est absent de Spotify mais bien présent sur Tidal. Pour le reste : non, on n’y trouve pas le nouveau Kanye West (malgré quelques fakes bien sentis). On y trouve la même chose que chez la concurrence. Les Numériques confirme : “ sur cette version Web, on retrouve la plupart des fonctionnalités disponibles sur les services les plus populaires comme Deezer, Spotify ou Qobuz : playlists en fonction des styles musicaux, de l’humeur ou du moment de la journée, recommandations personnalisées, nouveautés, stockage et constitution de playlists personnalisées… Une intégration sympathique de tout le contenu hors-ligne est proposée directement dans le menu de gauche pour y accéder directement sans avoir à chercher dans la section Ma Musique”. Rien de bien nouveau sous le soleil, donc. Quant aux exclus, comme le rapporte le site Consequence Of Sound : » La première apparition télé des White Stripes, le film des Daft Punk Electroma… ». Et quelques playlists, donc.
Alors, jouons les Nostradamus. Aucun des artistes présents sur scène, hier, lors de la présentation de Tidal ne retirera son catalogue des autres plateformes de streaming pour être en écoute exclusive sur Tidal. Pourtant, on parle de Jay Z, Kanye West, Daft Punk, Rihanna… On est sur Spotify, on continuera à les écouter sur Spotify. Et au-delà du glamour, et de la sympathie que l’on peut avoir pour un Jay Z apparemment honnête quand il déclare vouloir remettre l’artiste au coeur du streaming, donner une » nouvelle direction » à la sphère musicale » d’un point de vue créatif et commercial « , on a le sentiment de voir les riches parler aux riches, une niche parler à une niche. Alors oui, Tidal, c’est beau, Tidal, c’est dans le vent. Comme le nouveau MySpace, l’espace de deux semaines, après le rachat par Justin Timberlake. Un peu aussi comme Pono et ce vieux Neil Young souhaitant lui également remettre la qualité au coeur des débats. Et alors que le streaming peine à imposer un seul et unique véritable leader mondial, la course reste ouverte. Mais difficile, à part ses actionnaires, de voir avec quels atouts Tidal se pointe sur la ligne de départ.