Moi, Barbara, 2015. Active. Urbaine. 30 ans. Un appart’. Une Mini. Un iPhone. 450 amis Facebook. 10 fois moins dans la vraie vie. Un portrait a priori bien actuel dans lequel tout un chacun – au moins ceux d’entre vous dont la génération s’appelle Y ou Z – se reconnaît. Pourtant, en 2045, on le trouvera so #Old ! D’ailleurs, le hashtag lui-même sera dépassé.
À tout juste 60 ans, les seniors côtoient désormais sur leur lieu de travail les nouveaux arrivants de la génération « beta », pour qui Facebook ou l’iPhone ne sont que les reliques du passé de leurs parents. Alors pour aborder votre soixantaine sereinement, vous, les sexagénaires de demain, vous aurez deux options.
Comme Barbara, devenez une « Hyper-techno »
Issue d’une génération ultra-branchée, elle aborde la vie avec style. Ne reculant devant aucune nouveauté, elle s’essaye à tous les nouveaux concepts qui mettront piment et mouvement dans son quotidien de sexagénaire toujours au top. Bercée dans sa jeunesse par le mouvement YOLO, elle se réclame aujourd’hui du « Fight for Pleasure ». À 60 ans, plus le temps pour l’ennui, place à la passion et au plaisir ! C’est cette vie qu’a choisie Barbara.
Plus active que jamais, Barb’ entame sa troisième reconversion professionnelle. Une véritable slasheuse. Après un passage dans la communication, elle a ouvert une boutique de créateurs de mode tactile pour les plus de 60 ans avant de monter un club de fitness digital – ce nouveau type de lieu où vous enfilez une paire de lunettes Oculus pour faire des joggings sur l’Anapurna – en plein cœur du quartier chic du Google City Center, où elle réside en coloc’ avec ses copines sexa toutes plus branchées les unes que les autres.
D’ailleurs, au programme ce samedi : brunch imprimé en 3D entre copines dans ce petit bistro parisien ouvert par deux anciens pontes retraités d’Amazon. Comble du chic, elles sont ensuite allées se faire tatouer le tout dernier smartphone d’Apple dans leur salon spécialiste du tatouage augmenté. Plus tard dans la soirée, on les a aperçues sur le « rooftop » de l’hôtel Net-à-Porter qui avait invité toute sa communauté de sexagénaires pour un défilé privé hologrammé de la collection seniors de Céline. Cinq minutes d’Hyperloop plus tard, elles se retrouvent dans ce nouveau nightclub très select, réservé aux seniors, où les jeunes serveurs humanoïdes, développés par le Dr. Hiroshi, sont tous plus sexy les uns que les autres. Barb’ et ses copines vivent à 100 à l’heure et elles ne veulent même plus les trois semaines de vacances en août dont elles rêvaient autrefois ! Maintenant elles se donnent rendez-vous dans des centres de voyage en bas de chez elles. Ici, les ultrasons sont transformés en sensations : une technologie qu’on appelle haptique, développée par le laboratoire japonais Miraisens. Il lui suffit alors de cliquer sur un bouton pour se retrouver en plein milieu d’un repas de Noël familial à plus de 6 000 km, le temps de faire un bécot au petit dernier de sa fille. Bref, rien n’est impossible pour les Hyper-techno dont la vie ne semble régit que par une seule chose : l’épicurisme augmenté !
Comme Cédric, devenez un « Eco-retro »
Vous l’aurez compris, les Eco-retro, c’est tout l’inverse des Hyper-techno. C’est un peu la génération rebelle, celle qui se réclame du slow mouvement. Ils nous parlent d’ « happy authenticity » et se revendiquent d’une certaine « nostalgie augmentée ».
Comme Cédric, de plus en plus de sexagénaires ont rejoint le mouvement. Ils optent pour un mode de vie moins connecté, un retour à la technologie « tradi » aux fonctionnalités allégées, pour plus d’intimité et moins de stress. Saturés par la vie augmentée, ils revendiquent plus de simplicité, d’humanité et de naturel. Avoir un iPhone, oui, mais dans sa version 2007. Pour Cédric, être rétro quand on est vieux, c’est un statement, un clin d’œil à ces hipsters d’aujourd’hui qui ont ressorti leur 3310. En matière de mode, exit les vêtements connectés des grandes marques (so mainstream !), Cédric recherche plutôt les petits créateurs vintage qui proposent des collections eco-recyclées à partir d’objets du quotidien (un peu comme le faisaient Ekocycle et H Brothers dans les années 2015).
Définitivement à contre courant, il a horreur des « smart cities » où tous les gens sont ultra-connectés, pressés et si sédentaires. Cédric, lui, c’est un nomade ! D’ailleurs, il vient de craquer pour cette Ecocapsule d’occasion des années 2020 – cette même caravane retro-futuriste que dans son enfance – qui lui permettra de se poser où bon lui semble, notamment en pleine nature. Il l’aime encore, lui, la nature. Vous devriez le voir lors d’un dîner entre amis. Ne l’invitez pas si vous avez l’habitude de cuisiner à l’imprimante 3D les bonnes recettes algorithmiques de Marmiton. Les bons petits plats de Cédric sont bios, frais et ne sont élaborés qu’à partir de fruits et légumes récoltés sur les mûrs et toits végétaux de son immeuble, comme au bon vieux temps ! Les mêmes que vous retrouverez dans la petite épicerie bio qu’il vient d’ouvrir, où aucun produit n’est vendu sous packaging bien entendu ! À vrai dire, certains de ses potes sexa s’amusent même un peu de son mode de vie de « vieux ». Imaginez-vous, il a même gardé ses Google Glass alors que plus aucun opticien – aujourd’hui, ils sont tous agrées Oculus – ne veut les réparer ! Bref, Cédric ne fait rien comme les autres, mais il l’assume. Il ne quitte plus sa vieille Google Car et part encore en vacances avec SolarImpulse alors que la réalité virtuelle permet maintenant de voyager sans se déplacer ! Pour lui, prendre son temps, c’est normal. Ses vacances d’été, il les passe carrément au mois de juillet (so 2010 !) dans l’hôtel Facebook, un hôtel dans lequel les nouveaux retraités peuvent vivre pleinement leur nostalgie. Comble de éco-retroissme, il fait encore ses courses par smartphone…quand tout le monde imprime ce dont il a besoin, directement à la maison ! A toute évidence, pour la communauté éco-retro, le « bien-vivre » c’est le « vivre pour de vrai et pour le vrai » !
Vive la vie des seniors pleins de vie !
Exit les vieux jours passés isolé dans la maison de retraite de Compiègne, un « vieux » en 2045 vit avec plein d’envies et de convictions (on ne parlera d’ailleurs plus de vieux) ! Loin de leur mode de vie actuel, les seniors de demain prépareront leur « seconde jeunesse » plutôt que leurs « vieux jours ». Prêts à croquer la vie à pleines dents et plus que jamais intégrés à la société, ils seront avant tout à la recherche de leur épanouissement personnel qui passera pour certains par un bonheur programmé à coup d’algorithmes ou par un « back to basics » pour d’autres. En tout cas, que vous voyiez la vie en « ultra-augmentée » comme Barbara ou en « moderne-authentique » comme Cédric, une chose est sûre : vous, les seniors de demain, n’êtes pas prêts de vous ennuyer.
Tom Sicard, assistant planneur stratégique