Théorisées depuis le début des années 70, les pratiques du designer connaissent une notoriété croissante liée à la naissance du terme « Design Thinking » au début des années 2000. Depuis, la vulgarisation l’a transformé en une sorte de Graal de l’innovation. Par Nicolas Minvielle, Professeur Associé et Responsable du Mastère Spécialisé « Marketing, Design et Création » à Audencia Nantes Ecole de Management.
Si les manières de penser du designer (designerly ways of thinking) représentent la construction académique de ses pratiques, le design thinking représente pour sa part le discours et la pratique du métier hors de son contexte d’origine. En d’autres termes, le design thinking est une approche promue auprès d’un public de non spécialistes pour lui permettre de s’approprier la logique et certains outils chers au designer. On peut ainsi relever certains éléments appartenant à la pratique du design qui irriguent de plus en plus souvent les champs de l’innovation, du management et de la stratégie.
Tout d’abord, la notion d’usager est au cœur de l’approche : on pourrait traduire le terme design thinking par « conception centrée usager ». Une telle approche est loin de positionner le design comme un élément cosmétique qui vient clore la démarche de conception d’un produit ou service. Au lieu de cela, le designer (ou le design thinker en l’occurrence) doit baser sa démarche sur l’observation des usages, pratiques ou rituels des clients afin de construire une offre adaptée. Le designer et le design thinker partagent la capacité à évoluer dans un univers de contraintes fortes. Qu’il s’agisse de limites d’usage, de budget ou de marketing, les deux approches visent à fournir des solutions technologiquement, économiquement et socialement viables.
Le design thinking en entreprise est également une technique de résolution de problèmes. Là où la pensée stratégique et managériale classique vise à trouver rapidement une solution, le designer ou design thinker commence par reformuler la problématique en plusieurs questions. Après avoir hiérarchisé ces interrogations, il sera en mesure d’y répondre. Ceci lui permet d’ouvrir le champ des possibles et de faire en sorte que les les solutions proposées soient radicalement différentes de ce que l’analyse classique aurait pu offrir. Cette capacité d’ouverture et de différenciation explique sans doute l’engouement dont bénéficie cette approche depuis plusieurs années.
Enfin, le recours aux maquettes est un élément clé de la démarche. Loin d’être l’apanage d’un processus de conception de type design produit, les maquettes peuvent jouer un rôle important dans plusieurs sphères de l’entreprise : le management, l’organisation, la stratégie… Elles possèdent un triple intérêt. Non seulement elles permettent d’explorer l’éventail des possibles et de mobiliser les équipes et parties prenantes autour de la problématique, mais elles peuvent aussi valider des hypothèses de manière définitive.
Pourtant, le design thinking ne peut être défini comme la panacée de managers en quête d’inspiration. Il permet aux dirigeants de changer de cap en injectant des pratiques du designer dans le champ des sciences du management. A ce titre, il s’agit indubitablement d’une évolution positive pour ces dernières ainsi que pour les organisations qui les appliquent.