Quelle est la différence entre Miko, Frigo, Street, Wall’s ? Aucune, sauf le nom. Il s’agit de la même marque présente dans différents pays. Le temps des marques franco-françaises est révolu depuis des décennies. Pour séduire le consommateur, les marques internationales changent de nom, de forme ou d’identité visuelle. Tour du monde de ces marques polyglottes.
L’interprète
La mondialisation du 20ème siècle et son uniformisation a laissé place à la personnalisation du 21ème siècle. Lorsque le nom d’une marque a une signification évidente, il est peut-être préférable de le traduire. Pour les marques, cette pirouette linguistique est d’autant plus difficile qu’elle nécessite de challenger leurs typographies.
Les exemples des marques incomprises faute d’une bonne traduction sont nombreux. Lorsque C & C Group lance en Allemagne le whisky “Irish Mist”, il ne s’attendait pas à un tel rejet. La prairie irlandaise et sa brume évoquée par le nom du produit tourne au cauchemar pour un germanophone. “Miste” signifiant “fumier” en allemand. Ce cas d’école n’est pas isolé.
La recherche du nom fondateur de votre marque n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’une multitude d’enjeux et de contraintes. Au-delà des disponibilités, elle est influencée par les mœurs et coutumes d’une région. Avez-vous déjà “écouté” le son de votre marque ? Il est possible que la prononciation et le sens diffèrent d’un pays à l’autre (cf. la Pause Design : Le bêtisier des marques). “Beau” est la traduction de Peugeot dans le nord de la Chine mais cela signifie “prostituée” dans le sud. Pour éviter les confusions, les marques précisent la phonétique de leurs noms ou procèdent à des réajustements. Olaz (anciennement Oil of Olaz) remplace Olay en Italie, le “y” étant une lettre “exotique”, peu présente dans leur dictionnaire.
Kodak est intraduisible. Lors du naming de sa marque, George Eastman a identifié le “a” et le “o” comme deux voyelles à la prononciation identique dans toutes les langues. Elles sont encadrées par les “K” en hommage au nom de sa mère. Le “d” est choisi par hasard. Le résultat de cette improbable association est un nom qui n’existe dans aucun dictionnaire. Un choix audacieux, mais sans signification.
Une identité pour les uniformiser toutes
Tel le célèbre village gaulois d’Armorique résistant à l’envahisseur Romain, certaines marques locales d’un même groupe ne souhaitent pas changer de nom. En 2012, Pattex sonne le glas de la cacophonie visuelle de ses marques internationales. Au minimum, elles adoptent la structure visuelle de Pattex tout en conservant leurs noms, au mieux elles adhèrent totalement au nom et à l’identité de Pattex.
Au risque de perdre des consommateurs, il est préférable d’accompagner ce changement. Dois-je changer d’identité visuelle avant de changer de nom ? Il n’y a pas d’ordre… mais à moins d’une campagne publicitaire massive, il faut procéder par étape et remplacer progressivement les codes de la marque locale par ceux de la nouvelle marque.
Cette résistance à adopter immédiatement tous les codes d’une marque est justifiée. Les couleurs ont des significations particulières d’une région à l’autre. Les codes du marché français ne sont pas les mêmes que ceux du marché italien. “RIO mare”, une marque du groupe “Bolton”, par ailleurs détenteur de “Saupiquet”, a souhaité exporter la couleur dominante de ses produits en France. Mais cette couleur, issue de la chair du thon et du saumon, est-elle en phase avec nos attentes ?
The Anti-Crime Code is the law code
Certaines marques s’adaptent bien malgré elles. Jusqu’en 2001, l’Australie n’avait pas signé la Convention de Madrid sur la propriété intellectuelle. Faute de disponibilité du nom Burger King, le fast-food a opté pour l’un des noms de sa maison mère Pillsbury : “Hungry Jack”.
Depuis 1978, le français est la langue officielle du Québec ne laissant pas de place aux langues étrangères. Les marques se sont adaptées à tous les niveaux. Pas un seul produit ou service n’échappe à la case “traduction”. KFC (Kentucky Fried Chicken) devient alors PFK (Poulet Frit Kentucky).
Expresso
En quête de séduction, les marques s’adaptent aux différences culturelles. Il n’y a pas une solution évidente mais une multitude de bonnes solutions. Les marques sont vues avant d’être lues. Leurs noms changent et se traduisent mais leurs convictions graphiques perdurent, pour peu qu’elles soient suffisamment exclusives.