Baguenauder est un art très influençable : il dépend de l’environnement autour de soi. Certaines villes donnent envie de marcher, d’autres non. Pourquoi ? Deux études nord-américaines apportent des éléments de réponse.
Que celui qui voyage beaucoup ose dire que toutes les villes du monde se prêtent à la flânerie des balades à pied ! Rome, Paris ou New York sont, par exemple, des amies du curieux piéton, a contrario Los Angeles, Johannesburg, Sao Paulo ne donnent pas envie d’être arpentées. Certains éléments intrinsèques et donc structurels à chaque ville expliquent le degré d’amicalité pédestre de ses rues, que ce soit son étendue géographique, sa densité d’habitations et de commerces, l’accessibilité de ses transports en commun. Mais deux études nord-américaines sur le design urbain, publiées coup sur coup, mettent en exergue trois autres facteurs contextuels : la transparence, l’imaginable et le mobilier urbain.
Donner aux piétons le désir d’arpenter certaines agglomérations, que ce soit une mégalopole comme New York ou une ville de taille moyenne comme Salt Lake City, c’est possible ! En répondant à la question de savoir si oui ou non il existe des solutions de design pour rendre les rues plus attractives pour le piéton, un professeur de l’université d’Utah innove et offre une nouvelle perspective aux acteurs des smart cities de demain. En utilisant la même méthodologie : comptabiliser les piétons sur un temps donné dans divers endroits de la ville, l’universitaire Reid Ewing et un groupe de chercheurs étudiants ont pu dresser des conclusions sur leurs motivations de marcheurs.
Pour la capitale de l’état de l’Utah, quartier général de l’église mormone, les résultats de l’étude ont été publiés dans le Journal du design urbain. Elle se base sur l’analyse des activités piétonnes pendant 30 minutes dans 179 artères du centre de la ville américaine. Sur les cinq critères audités, deux possèdent une corrélation statistique avec le nombre de piétons : la transparence et l’imaginable. Pour Reid Ewing et son équipe la transparence se définit par « le degré de perception par les gens de l’activité humaine et de ce que la rue contient au-delà de son aspect physique ». Dans le cas de Salt Lake City, la proportion de façades vitrées au premier étage et l’utilisation active de l’espace à même le sol justifient la présence des marcheurs. Cela rend un endroit distinctif et mémorable. Donc in fine une son identité visuelle.
Le mobilier urbain, la touche newyorkaise
Publiée elle dans le Journal of Planning Education and Research, la même étude effectuée à New York sur 558 pâtés de maisons constate deux points communs avec Salt Lake : primo l’utilisation active de l’artère, en l’occurrence liée à la présence d’un immeuble très fréquenté, d’un parc, de restaurants, d’une ou plusieurs écoles ; secundo le nombre de vitrines au niveau de la rue. Mais la Grosse pomme possède quand même sa propre particularité. Laquelle ? Le mobilier urbain. Comprenez par là des éléments interactifs – des arrêts de bus, des tables et des chaises, un distributeur, des vendeurs, un râtelier à vélos – aussi bien que des objets plus inertes – des feux de signalisation, des distributeurs de journaux, des boîtes aux lettres…
« Pour résumer simplement, nous constatons que certaines rues génèrent un trafic pédestre plus important que d’autres. Ce constat met en avant une densité, une destination et une diversité d’usages harmonieux. On appelle cela les trois variantes du design qui mène vers une lecture de l’usage pédestre d’une agglomération », soulignent les auteurs. Au-delà des chiffres et des informations constatées, cette étude démontre qu’une ville peut être interprétée de différentes manières. On réapprend ainsi à lire et découvrir une ville que l’on pensait maitriser.