8 novembre 2015

Temps de lecture : 4 min

Essana O’Neil : cette instagirl qui ne voulait plus être un cliché

Petit tremblement de terre dans le landerneau des instagramers. Une des leurs dénonce le système et la mise en scène de leur vie qui en découle. Mais qui est coupable ? Les réseaux sociaux ? Les marques ? Les usagers ? Sandrine Plasseraud la DG de l'agence We Are Social France livre sa version...

Petit tremblement de terre dans le landerneau des instagramers. Une des leurs dénonce le système et la mise en scène de leur vie qui en découle. Mais qui est coupable ? Les réseaux sociaux ? Les marques ? Les usagers ? Sandrine Plasseraud la DG de l’agence We Are Social France livre sa version…

En 1988, une toute jeune Vanessa Paradis, devenue phénomène de société à l’âge de 14 ans avec son premier disque Joe le taxi, menace de tout arrêter. Le succès et la surexposition qui l’accompagne devient synonyme de jalousie démesurée… Egalement exposée depuis son plus jeune âge à la pression médiatique, on ne compte plus le nombre de dépressions dans laquelle la « pop idol » Britney Spears est tombée depuis les années 2000… Cette semaine, c’est au tour de la jeune influenceuse australienne EssenaO’Neil, de craquer, non pas devant l’enfer de la pression des médias mais devant celle de son public sur les réseaux sociaux.

J’ai décidé de me retirer de la vie d’Instagram…

Dans une vidéo publiée le lundi 3 novembre et ponctuée de pleurs, Essana, « Instagirl » de son métier, annonce à ses 200 000 abonnés YouTube qu’elle se retire des réseaux sociaux et dénonce le supplice d’une vie à travers les filtres Instagram.

A l’instar de ces milliers de jeunes filles qui, depuis l’explosion du réseau social photographique Instagram, livrent leurs quotidiens, leurs humeurs, leurs vacances de rêve en photos à leur million de followers, Essana fait partie de cette nouvelle génération de mannequins, des top models nés sous l’ère du web social et surnommés « Instagirls » par l’édition américaine du magazine Vogue.

Dans sa vidéo de 17 minutes, Essana raconte les coulisses de sa vie qui faisait rêver son demi million de followers et dépeint une réalité beaucoup moins glamour, la vie d’une jeune adolescente qui rêvait d’être parfaite, d’être aimée, et qui depuis l’âge de 12 ans a cherché une approbation sous la forme de likes et de vues de la part de la communauté. Aujourd’hui âgée de 19 ans, son constat est amer, elle dénonce des années perdues à vivre une vie fictive, où chaque photo nécessitait une centaine de poses, où chaque photo était en réalité une photo de promotion pour un produit, des photos pour lesquelles elle pouvait être rémunérées jusqu’à 2000$…

Savoir encaisser les critiques

Ignorons volontairement dans cet article l’énorme « poule aux œufs d’or » que représentent ces Instagirls et leurs communautés pour les marques parce que le sujet de l’éthique et de la transparence des « publi-reportages » sur les réseaux sociaux nécessiterait une tribune dédiée, et revenons sur Essena…

A deux mille dollars la photo, on peut se dire qu’il y a pire comme vie, encore faut-il assumer la rançon de la gloire, à savoir la jalousie. Parce que oui, tout comme Vanessa Paradis qui à 14 ans menace de tout arrêter lorsqu’elle se fait huer au Midem, Essena n’a pas supporté la critique. Et alors que beaucoup de célébrités se tournent vers les réseaux sociaux pour mieux maitriser leur image, pour échanger directement avec leur public sans pâtir des « ragots people », ces plateformes sociales ont aussi permis une démultiplication des critiques de la part de jaloux et/ou haters…

Sur les internets, le troll qui faisait rage sur les forums a en effet laissé place aux « haters » sur les réseaux sociaux. Avec l’avènement des réseaux sociaux, la citation de l’auteur Gustave Le Bon : « Les foules ne connaissant que les sentiments simples et extrêmes » dans son manifeste « Psychologie des foules » prend, plus d’un siècle plus tard tout son sens…

Le scénario de la campagne pour la marque de sport Under Armour pensée par l’agence New Yorkaise Droga5, Grand Prix Cyber aux Cannes Lions est basé sur cet insight des haters qui officient sur les réseaux sociaux. Face aux violentes critiques à l’égard de son hégérie Gisèle Bündchen (« Elle est si maigre ! », « Reste dans le mannequinat », « Depuis quand le mannequinat est un sport » ?), la marque et son agence imaginent la campagne I Will What I Want où Gisèle frappe un punching-ball alors que les phrases de ses détracteurs sont projetées sur le mur derrière elle pour démontrer que les critiques ne l’atteignent pas.

Ce n’est clairement pas le cas d’Essena, exposée à un âge où l’on est en pleine construction de sa personnalité et son cas illustre la pression que se mettent les adolescents dans la mise en scène d’une vie parfaite sur les réseaux sociaux. Il sera intéressant de voir si le comportement de la future génération, cette fameuse Genération Z qui prône les réseaux cachés/secrets/éphémères ne sera pas à l’opposé…

Pour ce qui est d’Essena, il y a une certaine forme d’incohérence dans sa démarche puisqu’en publiant cette vidéo, elle s’est exposée au monde. Alors prenons du recul, la jeune femme ne semble pas bête et il semblerait que cette vidéo où elle dénonce les médias sociaux ne soit qu’une façon de vivre ces fameuses quinze minutes de célébrité à la Andy Wahrol et ainsi donner un écho à son nouveau projet Let’s Be Game Changers… Et puis il est toujours bon de se poser la bonne question : qui ment dans cette histoire ? Les réseaux sociaux, ses acteurs ou ses utilisateurs ?

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