Face à l’évolution des pratiques des créatifs et des designers, Adobe a adapté son offre et même son modèle économique. John Travis, VP Marketing EMEA d’Adobe, explique comment le digital a bouleversé les stratégies clients de son groupe et les organisations pour répondre aux nouveaux enjeux.
INfluencia : comment Adobe a-t-il appliqué la transformation digitale à sa propre marque ?
John Travis : pour rester au plus près de nos points de contact et répondre aux besoins de nos clients, nous avons repensé notre business model et notre offre. Nous sommes passés en quelques années d’une situation où nous vendions des boites avec des outils valables pendant 18 mois à des services hébergés sur le cloud et accessibles par abonnement. Il a fallu comprendre comment évoluaient les besoins de nos clients, puis trouver les moyens d’accompagner les créatifs et les marques dans leurs nouvelles pratiques, qui passaient de plus en plus par le mobile et les réseaux sociaux. Tout cela nous a amenés à changer notre approche marketing car, aujourd’hui, la frontière entre le marketing et le produit est devenue floue. Nous n’envisageons plus nos clients en tant que qu’individus mais comme une communauté. Nous avons segmenté notre offre pour nous adresser aux grands comptes, aux clients intéressés par la photo, la ressource créative… L’expérience client doit permettre d’engager cette communauté et d’augmenter la productivité afin de répondre aux enjeux phénoménaux de la production de contenus, liés à l’explosion de l’offre médias sur tous les supports. Les créatifs qui utilisent nos produits aiment partager leurs idées et leurs travaux. Ils savent que cette communauté peut les aider à émerger, à trouver du travail ou des clients. Nous appliquons ce même esprit à notre marketing, qui doit alimenter en permanence la conversation.
IN : cette transition n’aurait pas été possible sans la data…
J. T. : le plus grand changement, avec la data, c’est que nous pouvons mieux prévoir le bon mix et, surtout, prouver nos résultats. Ce n’est pas parfait à 100 % mais, jusqu’à présent, nous n’avions jamais disposé de telles méthodes. La data a changé la manière dont nous sommes organisés, dont nous pensons, dont nous répartissons nos budgets… Nous avons centralisé la collecte des données pour pouvoir publier des tableaux de bord les plus pertinents. Ils permettent aux équipes d’adapter leurs actions en fonction des résultats qui remontent au fil de l’eau. Nous sommes passés à une culture du test et de l’optimisation en continu, et même chaque semaine si c’est nécessaire ! Il a fallu quelques années pour mettre en place cette dynamique, mais nous pouvons maintenant mieux analyser les performances de nos actions au regard des objectifs fixés.
IN : comment ce changement culturel s’est-il instillé dans toutes les strates de l’entreprise ?
J. T. : la transition digitale n’implique pas d’oublier tout ce qui a été fait par le passé. En revanche, elle nous oblige à nous organiser différemment pour revenir aux fondamentaux de la marque et faire en sorte qu’elle reste pertinente sur son marché. Ces évolutions ont pris du temps et n’ont pas toutes été faciles à mener, mais cette vision stratégique était portée au plus haut niveau de l’entreprise, par le CEO. Cela a été très utile pour convaincre les collaborateurs de la nécessité de mettre en place des équipes transverses dans lesquelles nous faisons travailler des gens issus d’univers et de métiers très différents. Ces nouvelles méthodes de travail sont aujourd’hui essentielles pour lancer nos nouvelles offres et mettre en place les campagnes marketing qui les accompagnent.
John Travis, VP Marketing EMEA d’Adobe lors du Design Advantage Forum
IN : vous dites la transition digitale d’Adobe est plutôt bien engagée, mais qu’il reste encore des choses à faire. Dans quel domaine en particulier ?
J. T. : il y a encore beaucoup de choses à faire car c’est un chantier en constante évolution. Nous devons continuer à faire évoluer notre marketing digital pour proposer une expérience client totale et unifiée sur les différents supports. Il faudrait aussi aider les gens à mieux comprendre tout ce que propose Adobe, car ils n’ont pas toujours une vision complète de notre offre. Nous allons aussi continuer à investir davantage en dehors des Etats-Unis et, quand c’est possible, procéder à des acquisitions pour gagner encore en compétence.