Les nouveaux slogans fleurissent tous les jours, inventant des néologismes. Mais avec quels mots ? Comment les marques se les accaparent pour les recycler ou les distordre pour le meilleur et parfois pour le pire ? Quels sont ceux qui dureront et qui harponneront le consommateur ou qui feront pschtt ? Souslelogo fait l’inventaire.
Contre toute attente, le « hashtag » -en passant de la 19ème place en 2014 à la 16ème place en 2015- fait durablement partie des 30 mots les plus utilisés par les marques dans leur signature ou leur langage publicitaire, selon la 5ème édition de l’Observatoire des slogans (voir ci-dessous), réalisée par Souslelogo (*). Une incursion bizarre mais pas complètement étonnante, car ce signe des temps numériques témoigne du succès de Twitter (même si ce dernier ne recrute pas aussi vite et autant de followers qu’il le souhaiterait) et des réseaux sociaux qui amplifient la diffusion des slogans.
Le numérique nécessite de nouveaux mots
Alors presque naturel que ce signe trône parmi des mots issus aussi du digital tels que « cybersexisme », « cyberviolence », « datavores », « influenceurs » reconnus par Le Robert… Preuve que les marques -et heureusement- vivent avec leur époque, celle du numérique qui nécessite de nouvelles locutions. D’autant que cette modernité assumée et revendiquée est quand même contre balancée par le retour en grâce de quelques jolis et précieux vocables comme « cachette » (Mamie Nova), « exutoire » (CMG Sports Clubs), « ricochets » (Orange), « héroïques » (Monoprix) ou « belle lurette » (BNP)… Loin d’être ridicules, ils créent une atmosphère désuète, pérenne et inoubliable donc rassurante et sympathique. « Ces mots n’ont rien d’extraordinaire si ce n’est leur contexte », précisent les auteurs de l’enquête « Ils émergent dans un monde vulgarisé à l’extrême. Un monde de gouines (Centre gai et lesbien), un monde chiant (Burger King), un petit monde de minikifs (Allo Resto) dans lequel avec un flemme engine, on se fait livrer des burgers bâclés. C’est dans ce vocabulaire malmöné (PMU.fr) par les supporters du PSG, ce monde peuplé de datavores (SFR) et de fayots (Pro Bono Lab), qu’il est urgent et efficace de communiquer avec élégance ».
La pub veut notre bonheur. Encore faut-il choisir ses mots avec bonheur !
Le classement réserve une autre surprise. Pointant du doigt que seuls une cinquantaine de mots sont majoritairement utilisés. Et en plus, à quelques exceptions près, toujours les mêmes depuis 5 ans que l’enquête est menée. Ignorant les milliers d’autres qui font la richesse de notre bon vieux français et ne permettant que quelques rares intrusions -notamment en raison de l’actualité- comme ceux qui ont le plus progressé l’année passée. A savoir : « Climat » (Cop 21), « 2015 » (coupe du Monde de Rugby, championnat d’Europe de basket…) ainsi que « taux » (exceptionnellement bas engendrant une bagarre entre banques et assurances). « Tous ces mots structurent notre langage et nous apprennent davantage sur son utilisation dans la construction des slogans qu’ils nous renseignent sur les modes », soulignent les commentateurs. Alors forcément, on retrouve sur le podium « être » et « faire ». Leur polysémie les rendant incontournables. A noter toutefois la percée de certains termes reflétant le besoin ambiant d’optimisme tels que « découvrez », « premier », « bon », « monde », « Français », « France », « peut », « vie », « bon », « nouvelle ». Un panel dans lequel « prix » recule de la 11ème à la 18ème place, indiquant peut-être que les priorités se déplacent aussi. Des ingrédients qui ajoutent immanquablement des nuances, une originalité, une absurdité drôle mais qui bien sûr ne seraient rien sans un assemblage logique qui par sa forme ou son sens rendra le slogan fort et mémorable.
Et parfois le néologisme fait sens comme -entre autres exemples- « Blouge », (Volkswagen en 2013) né de la fusion oxymore de deux couleurs que tout oppose. Plus qu’un jeu de mots, c’est un jeu de sens. Il résume l’indécision de l’acheteur partagé entre deux tentations : la « Tourolf » ou la « Golfinelle ». Ou encore L’Oréal (2015) avec lequel est vantée « la Bronde », une fusion de deux colorations. Il a fallu deux ans pour mettre la formule au point. Mais attention, car le faux pas n’est jamais loin comme le démontre la ritournelle du Club Med complètement sinisé avec « je bonheur, tu bonheurs… ». Et le « J’optimisme » de Carrefour. « Le bonheur est fragile » enseigne l’enquête « Les mots moches le font fuir. Ils nous dégoutent de la publicité, ce qui est le contraire du but recherché. On nous dira : peu importe du moment que ça marche. Nul besoin d’un beau marteau pourvu qu’il enfonce le clou. Le problème c’est que souvent le néologisme tape à côté ».
Une base de seulement 50 mots mais structurante
On pourrait toutefois reprocher à cette base de 50 mots « structurante » de rester somme toute assez réductrice avec comme conséquence de faire tourner en rond les prises de parole. Car en appauvrissant et en réduisant ces dernières au plus petit dénominateur commun, le risque est de donner le sentiment de moutonner. Cependant elle semble nécessaire face aux néologismes, qui tout en revisitant l’orthographe, ne sont pas toujours très heureux sous couvert d’oxymore, de jeux de mots, de barbarismes et de mots valises. Au rang desquels : « biotonomes » (Biocop), « malbouffophobes », « dindemaster » ou « chouettemaster » (Ticketmaster), « apéronomie » (Leffe), « aoutiennes » (Ford), « container » (à la place de prison) pour RSF, « Euuuuuuhhhh » (VW), … « Chaque année les néos sont de retour (…) », détaillent les auteurs « ils sont venus nous intriguer, nous choquer, nous séduire. Le plus souvent en vain. Nés en 2015, la plupart ne passeront pas l’été 2016. Artificiels, ces mots font mal aux oreilles et dénués de sens, ils glissent dans l’oubli, ni buzzés, ni likés ».
Une remarque qui vaut pour une catégorie particulière : ceux qui brandissent le nom du produit ou de la marque comme « Mamifique » (Mamie Nova), « Libertea » (Liptea), « Alineaversaire » (Alinéa). Selon l’étude, ces néologismes sont des pubologismes « conçus par d’obscurs rédacteurs ou d’anonymes logiciels, ils veulent sortir la marque de l’ombre ». Un artifice qui laisse dubitatif. Et de prendre pour exemple « Biotonome » de Biocop pour s’interroger : « qui est concerné en premier par l’autonomie ? Qui a envie d’être ainsi étiqueté Biotonome? La sensibilité écologique est plutôt publiphobe. Biotonome et son logo ont un fort gout de promo pour biocop. Sans compter le risque de confusion avec le concurrent direct Bio c’bon. Dommage car le manifeste biocop est juste, clair et bien formulé ». Argumentant a contrario : « Souvent pour durer, mieux vaut un nom provocant et simple: le mouvement des Anonymous, Occupy Wall Street, Nous sommes les 99%, les entrepreneurs « pigeons », et même les « zèbres » d’Alexandre Jardin ».
L’emblématique « Das Auto » disparait
Parmi les marques ayant créé une signature et non un claim ou une accroche, l’étude distingue celles qui sont nées en 2015 comme le magazine Humanoïde avec « La technologie est l’opium du peuple »; de celles qui existaient mais qui se dotent d’une signature pour la première fois, comme le musée Grévin avec « Grévin : l’art du vraisemblant ». L’occasion aussi d’énumérer les signatures qui disparaissent comme la fameuse « Das Auto » de Volkswagen. A juste titre car pour beaucoup car devenue obsolète et inutile compte tenu de l’actualité de l’entreprise et du comportement fautif de ses dirigeants. Mais d’aucuns pourront juger cette disparition injuste eu égard au travail de longue haleine des marketers et des publicitaires pour la construire.
L’anglais reste à sa place
Quant à l’utilisation de l’anglais, s’il a franchi la barre des 16% depuis 2014 en vertu d’une mondialisation certaine, sa progression s’opère lentement et stagne parfois même dans certains secteurs. Et selon les enjeux son pourcentage d’utilisation peut varier d’un indice de 1 à 15. « Il y a bien sûr encore beaucoup d’exceptions ! », confirme l’enquête « C’est le cas de toutes les marques qui n’ont pas à sortir de l’hexagone pour prospérer et n’ont donc pas à se poser la question : comment résumer mon positionnement à une seule expression compréhensible par tous mes publics sur tous mes marchés ? ».
Néanmoins la langue de Shakespeare entre dans l’élaboration des signatures quand il s’agit de multinationales d’origine étrangère présentes en France, de tourisme ou qu’on brigue un développement à l’international. C’est aussi la langue usuelle des marques internationales qui ne cherchent pas à s’adapter aux marchés locaux. Pour d’autres comme dans le BtoB ou l’électronique, il permet de s’adresser à tous les publics non francophones et pour lesquelles le monde est la seule frontière. De plus, il confère un statut mondial aux marques françaises qui y aspirent ou qui viennent de l’acquérir tandis qu’il aide celles qui ciblent les jeunes qui la considèrent comme la langue « la plus tendance ». Une utilisation qui doit donc se faire avec raison car dépendante des enjeux comme le résume l’observatoire : « Quand on s’adresse à la ménagère de 50 ans pour lui vendre une confiture, on continue à lui parler français, quand on s’adresse à son ado de fils pour lui vendre des chaussures de sport, on lui parle en anglais, de même lorsqu’un industriel vend à un autre industriel des équipements aéronautiques ou ferroviaires ».
In fine, si les néologismes inventés par les marques sont plus ou moins heureux, ils sont la preuve que la publicité est un langage qui sait récupérer et associer les mots pour créer des slogans. Une façon créative de faire rayonner le français, une langue bien vivante et moderne. Et pas seulement en France.
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Les mots de la publicité qui ont le plus progressé par rapport à l’année précédente
Les mots des slogans publicitaires ayant été recensés pour la première fois en 2015