Connecté chaque minute de sa vie jusque dans sa façon de consommer et de participer, le consommateur est de plus en plus impliqué dans une co-création à forte valeur ajoutée. Quels enseignements en tirer et quels impacts pour les métiers des entreprises ?
La phénoménale accélération du digital amplifie et stimule l’intelligence collective, déplaçant le pouvoir vers ce que nous appelons l’« üser », autrement dit l’utilisateur des services. Elle n’épargne plus aucun métier et présente un défi pour les dirigeants en place, confrontés à un risque croissant de perte de contrôle… Sauf s’ils acceptent de se reposer sur leurs üsers pour les intégrer aux processus de création de leurs offres ou d’animation de leurs marques.
Le développement du digital change les façons de faire et constitue un des plus gros réservoirs d’innovation, car il remet en question les façons de faire et les business models, comme le montre par exemple le processus Lean Startup que General Electric (GE) déploie aux États-Unis : ses FastWorks projects visent à accélérer les temps de développement avec l’aide des clients ; et Predix Cloud (plateforme de data cloud industriel ouverte à partir de 2016 à toute entreprise cliente souhaitant améliorer la performance de ses équipements) a pour objectif de migrer les développements vers le client final via l’Internet des objets (GE dispose déjà de 250 000 machines connectées : turbines, réacteurs d’avions, moteurs d’éoliennes, appareils d’imagerie magnétique…) pour en améliorer la maintenance. Économie prévue : division par cinq des développements.
La présomption de compétence
La parano ambiante a généré une défiance généralisée à l’égard des soi-disant experts, nous incitant à nous fier davantage à nos pairs. Si les trois quarts des consommateurs se renseignent sur Internet avant d’acheter, et deviennent aussi « experts » que les « sachants », une source potentielle de tension entre eux est la remise en question du conseil apporté. L’individualisme en réseau devient un contre-pouvoir, et a entraîné des comportements contradictoires des consommateurs, infidèles zappeurs impénitents, se mêlant de plus en plus de ce qui ne les regarde pas, autrement dit de la conception des offres qui leur sont proposées et dont ils découvrent qu’ils peuvent en être les co-auteurs, mais également les ambassadeurs. Au cœur de ce que nous avons appelé la « bl-EGO-sphère »1, un blogueur peut se forger une autorité qu’un énarque a mis des années à acquérir. Cette tendance, Michel Serres l’a dénommée « présomption de compétence ».
Ce mouvement incite les entreprises à délaisser un modèle capital centric pour faire valoir un modèle talent centric. Les portes de ces mêmes entreprises s’ouvrent pour inviter les üsers que sont consommateurs, experts extérieurs, autres entreprises ou start-up à co-créer leur futur, et les offres 360° qui vont (bien) avec.
Une (r)évolution dans les R.H.
La formation d’une telle armée créative puisant tous azimuts porte à conséquences… La première nous fait affirmer qu’il ne sert plus à rien de demander aux consommateurs ce dont ils ont besoin, il est bien préférable de leur proposer de co-créer la réponse à leurs insatisfactions. La seconde met l’individu au cœur des débats du dialogue digital ou real life : l’üserisation dont il s’agit ici touche autant les marchés BtoC que BtoB. Préférons désormais parler de HtoH (pour Human to Human). Troisième conséquence : associer l’üser à la définition d’offres permet de déplacer la création de valeur vers l’aval, générant ainsi potentiellement des économies d’échelle. Quatrièmement, donc, cette üserisation des marchés va entraîner de nouveaux postes en entreprise puisqu’il faudra gérer finement cette horde créative débridée. La démocratie participative se manage en mode cruise-control. Bref, l’üserisation amène la RH-évolution !
Avec le digital, le moins que l’on puisse dire est que ce déplacement de la chaîne de valeur s’accélère, plus ou moins à l’insu des entreprises parfois. Le cas d’école d’Uber (présent désormais dans 300 villes dans plus de 60 pays et valorisé 50 milliards de dollars) a démontré le potentiel gigantesque du concept de transfert de valeur. Innovation collaborative, participative, crowdsourcing ou bien open innovation… nous l’avons dénommée la CACO (Création Assistée par COllaborateurs et COnsommateurs). Il s’agit dans ce mouvement d’une reconfiguration positive, où ce ne sont pas tant les marketers qui vont mener la danse, mais aussi les RH.
Retrouvez la suite de cette article en libre consultation dans la revue digitale N°16