29 mars 2016

Temps de lecture : 5 min

« Certaines agences n’ont aucun esprit d’équipe »

Rigueur, discipline et créativité, le football et ses techniques managériales peuvent-ils s'appliquer au fonctionnement des agences de communication ? Loïc Chauveau, fondateur de l'agence Brand Station explique comment il a su insuffler un schéma tactique et fédérer son équipe autour des valeurs du sport le plus populaire du monde...

Rigueur, discipline et créativité, le football et ses techniques managériales peuvent-ils s’appliquer au fonctionnement des agences de communication ? Loïc Chauveau, fondateur de l’agence Brand Station explique comment il a su insuffler un schéma tactique et fédérer son équipe autour des valeurs du sport le plus populaire du monde…

Gestion des joueurs, mercato ou bien encore crise interne, peut-on diriger une agence de communication comme un club de football ? Un patron peut-il encadrer ses équipes comme Laurent Blanc au Paris Saint Germain, Jürgen Klopp à Liverpool ou encore Coco Suaudeau en son temps ? Peut-il être un homme capable de fédérer ses troupes à l’approche d’un brief ultra important ou bien encore de galvaniser ses équipes quand le moral est en berne ? Imaginez votre supérieur hiérarchique déambuler dans l’open space, un doigt en travers de la bouche, bavarder stratégie et mise en place tactique avec son fidèle adjoint. Un adepte du tableau noir, de la séance vidéo et des longs moments de solitude…

En France, le fondateur de l’agence de communication Brand Station profite de son addiction au football pour appliquer certains préceptes du ballon rond à ses méthodes managériales : philosophie de jeu, aspect psychologique, esprit d’équipe, stature de la fonction… Disciple de Marcelo Bielsa, coach éphémère de l’OM mais gloire éternelle à Marseille, Loïc Chauveau nous a reçu dans l’intimité du vestiaire de son agence et livre quelques recettes de la gestion de « son club ». Kick off.

INfluencia : comment le football inspire-t-il votre quotidien en tant que patron d’agence ?

Loïc Chauveau : j’ai beaucoup pratiqué le football, et j’y ai appris une chose importante, que l’on peut encore constater aujourd’hui chez les plus grandes équipes européennes ou internationales : avoir les meilleures individualités, avoir les meilleurs joueurs à leur poste -mais qui, aussi fameux soients-ils mettent une « mauvaise ambiance dans le vestiaire »- ne  permet pas forcément de gagner un match ou un championnat. La vraie valeur d’une équipe se trouve dans sa capacité à jouer ensemble, les uns pour les autres. Dans le fait de mettre ces individualités au service du collectif. Et pour que ce dernier devienne une vérité, il faut créer toutes les conditions pour que chacun se sente appartenir à ce collectif. Personne ne doit être laissé sur le banc de touche sous peine de briser l’osmose.

Il existe des agences où il n’y a aucun ou très peu de cet esprit d’équipe, et où chacun joue plutôt l’un contre l’autre. Certains managers considèrent que se « tirer la bourre » entre collaborateurs est une manière de les entraîner vers le haut, de les pousser à se dépasser. Je trouve que c’est une perte d’énergie folle, un gâchis immense. De mon côté, je veux que mes équipes s’entraident, qu’elles se complètent plutôt que d’être en compétition permanente. On réfléchit, en ce moment, à abandonner le principe de teams créatifs, afin qu’il n’existe plus la moindre forme d’individualité dans l’agence. Que chacun soit là pour aider l’autre, faire avancer le projet qu’on a en commun, combler les lacunes des autres. Je me fiche royalement d’avoir le meilleur buteur du championnat. Je préfère des succès, comme ceux que nous connaissons actuellement à l’agence, remportés sans avoir de « stars » ou de divas dont il faut chaque jour supporter les caprices.

INfluencia : suite à la victoire de l’Equipe de France en 1998, on découvrait, via le documentaire « Les Yeux dans les Bleus », l’intimité du vestiaire et certains discours du sélectionneur Aimé Jacquet ont à jamais marqué les esprits, notamment avec l’incontournable « Muscle ton jeu, Robert ! ». Avez-vous déjà mené des causeries de ce genre à vos équipes ?

L.C. : on en fait tout le temps. Ça participe à ce que j’évoquais tout à l’heure concernant le collectif. On a tendance à beaucoup faire d’apéros financés par l’agence, notamment après chaque gain de budget. Je trouve ça important de fêter ensemble ces victoires, d’en faire un véritable momentum pour tous, de créer une envie collective de tout gagner, d’être les meilleurs. Je crois pouvoir dire aujourd’hui que les 23 personnes qui bossent au quotidien chez Brand Station détestent perdre !

Récemment, nous sommes également partis à Barcelone tous ensemble. J’y ai loué un grand loft et invité toute l’équipe pour un week-end de quatre jours. On a fait des visites, mangé, bu, mais surtout vécu ensemble. Et on a justement fait une « causerie », le dernier soir : quel avenir pour l’agence ? Quelles nouvelles ambitions après ces deux premières années ? J’aime partager avec l’ensemble des équipes la vision que j’ai du futur de l’agence, le projet qui m’anime à l’instant T. Ça permet, je pense, à chacun de s’approprier ce projet et de le porter, collectivement, mais aussi de le faire évoluer. C’est aussi l’occasion de laisser la parole à tout le monde, afin de parler de ce qui peut être optimisé. C’est là, quelque chose d’important : on a un mode de fonctionnement très accès sur l’échange, la discussion. Je veux que chacun se sente bien au quotidien afin que le collectif fonctionne au mieux.

INfluencia : quel est l’entraîneur qui vous inspire le plus dans votre approche managériale ?

L.C. : Marcelo Bielsa. C’est un immense entraîneur qui reste pourtant humble et discret, là où bien d’autres qui n’ont pas son niveau en font des tonnes. Il a un côté vrai, entier, il n’a pas hésité à claquer la porte de l’Olympique de Marseille quand il a considéré qu’on faisait preuve de malhonnêteté vis-à-vis de lui. Au-delà de ses valeurs, c’est un immense bosseur. Il passe sa vie dans les tribunes, à superviser des joueurs, ou enfermé dans des pièces à regarder des replay de matchs et d’entrainements, à analyser ce qui peut être amélioré tactiquement, à détecter le potentiel de chacun. C’est enfin quelqu’un d’extrêmement exigeant mais de très protecteur, qui sait faire grandir des joueurs prometteurs pour en faire de véritables champions. C’est un véritable modèle pour moi, j’espère incarner dans mon métier tout ce qu’il est dans le sien, et retranscrire cette passion au quotidien.

INfluencia : et un modèle d’équipe ?

L.C. : je parle souvent de Brand Station comme du Borussia Dortmund. Nous n’avons pas une assise financière immense vis-à-vis des grosses agences établies depuis de très longues années dans le secteur. Du coup, à la manière du projet Dortmund, on recrute de très jeunes talents qu’on forme, auxquels on apporte un maximum de bagage. On leur donne la possibilité de s’exprimer sur de très grosses compets, pour de très belles marques. L’agence est donc pour eux un véritable tremplin, un centre de formation, pour lancer leur carrière, tout comme le Borussia l’est pour les jeunes espoirs du football. Je conçois Brand Station comme une écurie de futurs champions et le succès de certaines campagnes comme le chausson Lego, Café Grand’Mère ou encore l’application Milka nous a permis d’étoffer notre effectif avec des éléments chevronnés. C’est ce mélange de fougue et d’expérience qui doit nous mener vers l’excellence.

INfluencia : le football, et le sport en général, peut-il aider une jeune entreprise à se développer et bousculer la hiérarchie ?

L.C. : je suis fatigué de lire des articles et des interviews sur cette fameuse génération Y qu’il serait impossible de manager, qui serait constituée d’enfants gâtés qui n’en feraient qu’à leur tête et n’auraient envie de bosser que par intermittence. Je pense également que le management ne s’est pas adapté, et que le côté « grand chef qui donne des ordres que tu dois à tout prix respecter sans broncher ni réfléchir » ne marchera en effet plus jamais.

Les managers de certaines entreprises pourraient très largement s’inspirer du management sportif, au-delà du football. Mais également du management qui existe dans la plupart des start-up. Car, dès qu’on fonctionne différemment, je vous assure qu’un groupe de petits jeunes peut faire des miracles. Je pense que Brand Station en est d’ailleurs un bel exemple, la moyenne d’âge à l’âge est de 25 ans et pourtant nous gagnons bon nombre de compétitions et disposons déjà de quelques belles campagnes à notre actif.

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