Vous n’aurez pas manqué de le remarquer : le fitness est devenu une vraie religion. Si vous n’en êtes pas encore disciple, vous avez sûrement ce ou cette ami(e) qui ne jure que par sa paire de Nike, son bracelet connecté et qui partage exploits et progrès sur Instagram.
Le fitness a parfaitement épousé le digital et fait partie des industries qui remodèlent nos modes de vie à grand renfort d’innovations technologiques. Le partage et la data sont les deux articulations de ce style de vie qui évolue dans une étrange contradiction : alors que le fitness et l’effort physique tirent leur satisfaction des résultats d’efforts de longue haleine, le digital s’épand dans le plaisir de l’instantané. Ce paradoxe temporel raisonne particulièrement chez les marques qui tentent des missions d’influence ou d’infiltration au sein de ces chapelles de la bonne forme.
Une communauté tirée par le haut par un engagement puissant
La communauté fitness se découpe aujourd’hui en familles rattachées soit à une personnalité du milieu (Kayla Itsines, Shawn T), soit à une discipline en particulier (crossfit, weight lifting, running). Toutes ont développé leurs propres codes et langage. La « fit girl » poste principalement 4 types de contenu : des photos de plats diététiques, des photos de son corps, des citations, et des vidéos d’elle en train de s’entraîner.
La mise en scène de l’effort, voire de la souffrance, intensifie les réactions des fans. Et ces mêmes followers sont les témoins des efforts fournis, dont ils garantissent la constance et pansent les plaies. L’engagement est donc maximal et ces investissements créent d’ailleurs des vocations : on voit de nombreuses femmes changer de carrière pour se consacrer entièrement au monde du fitness, guidées par le désir d’aider leurs pairs. Elles deviennent alors coach sportif ou nutritionniste.
Instagram, le média de la transformation
Terre d’inspiration, Instagram est bien-sûr le réseau social de prédilection du fitness. C’est ici qu’explose le nombre d’influenceurs sportifs et de communautés fleurissantes. On y retrouve nos différentes chapelles organisées en hashtags, comme le mouvement #strongnotskinny qui préfère la force à l’apparence physique, #BBG (nom du programme suivi Bikini Body Guide), #bbggirls (nom donné à celles suivant ce guide), #kaylapose (pose spécifique à Kayla Itsines), #deathbykayla (exprimant la difficulté de l’entraînement) ou encore #sweatbykayla (nom de l’application mobile basée sur les guides). Les jours de la semaine y sont catégorisés : le lundi est #legday (les jambes), mardi est #TransformationTuesday (photo avant-après), mercredi est #WomanCrushWednesday (partager le compte d’une autre instagrameuse inspirante)…
Le risque obsessionnel
Si la plupart des fans de cette discipline y trouvent un nouvel équilibre, certaines passionnées se perdent en comportements obsessionnels : elles s’imposent, par exemple, de rentrer chaque aliment ingéré dans leur application compteur de calories. Si cet objectif est atteint, c’est l’objectif des macronutriments qui n’est pas satisfaisant. Elles angoissent du succès qu’aura leur prochaine contribution Instagram au sein de la communauté. Si l’objectif de likes et de mentions est atteint, c’est le nombre de followers perdus qui conduit à la déception. Elles souffrent de la différence entre l’image qu’elles produisent d’elles-mêmes en ligne et la réalité. Elles sont ainsi conduites à l’isolement, et la quête d’une vie saine devient un quotidien narcissique source de stress.
Croisée affinitaire avec la nutrition
Les fitness addict se doublent souvent en spécialistes nutrition. Objets connectés, applications mobiles et sites spécialisés donnent la possibilité à n’importe qui de comprendre, analyser et contrôler ses habitudes alimentaires quotidiennes. Les programmes s’adaptent même aux objectifs de chacun (perte de poids, prise de masse, etc). C’est la démocratisation véritable du coaching personnel. Les calories ne sont plus sources d’obsession. Les sucres lents ne sont plus un blasphème. La nourriture industrielle et le sucre ajouté sont en revanche proscrits. Les végétariens deviennent végétaliens et les protéines ne sont plus uniquement corrélées au body building. A mesure que les stéréotypes et clichés s’affaissent, le savoir est réappris.
Les marques qui se différencient
Les appareils design haut-gamme, les technologies derniers-cris, la mode « athleisure » et une pléiade d’autres objets ont fait leur apparition dans les salles de sport, avant d’être plus lentement digérés dans notre quotidien. Pour percer dans ces communautés hyper-aspirationnelles, les marques doivent redoubler d’énergie et d’inventivité -mais surtout montrer patte blanche.
Des personnalités aspirationnelles fabriquées
C’est un parti-pris qui demande une vraie vision créative et une grande dose de transparence. Il s’agit de personnifier la marque pour que les utilisateurs puissent l’associer à plus qu’une entreprise. De se connecter aux fans dans un rapport d’égal à égal. C’est la stratégie de Nike qui a choisi des athlètes pour représenter chaque catégorie sportive. @kirsty-godso a par exemple été désignée comme Nike Master Trainer : elle partage ses entraînements, ses produits de mode préférés (tous Nike, bien-sûr) et ses voyages. Son compte Instagram est un mélange de photos professionnelles et de photos prises avec un smartphone.
Des collaborations transparentes avec des piliers de la communauté
Une approche plus coûteuse consiste à activer un influenceur existant. C’est le cas de @rrayme qui ne fait, aujourd’hui, presque que du placement de produits -que ce soit de la nourriture, des accessoires de mode ou des applications. Elle reste cependant complètement transparente sur ses collaborations desquelles résultent codes promotionnels ou offres spéciales. Les fans de digital fitness sont, à leur manière, des experts marketing par leur expérience de « personal branding ». Et à ce titre, ils accueillent volontiers une démarche transparente de la part des marques et des influenceurs.
Epouser des passions communes, attiser l’aspiration
Enfin les plus grandes marques se différencient en devenant des repères émotionnels par discipline. Nike a pavé ce chemin en organisant depuis de nombreuses années les fameux Nike Runs, des courses à travers le monde entier. Reebok a, plus récemment, créé une course à pied très particulière : la Spartan Race. Cette dernière rencontre un succès si vif que des produits dérivés ont d’ores-et-déjà vu le jour : un programme sportif et nutritionnel, un podcast, une série de livres pour enfants, une ligne de vêtements, … C’est tout un univers expert et authentique que créent ces marques, pour des communautés qu’elles habitent sans gouverner.