On peut s’en persuader : à force de donner du sens à leur offre, à leurs messages, les marques incarnent de plus en plus solidement des valeurs hautement morales. Comment dès lors, se montrer critique à l’égard de leur communication ?
Jadis pour apprendre à faire le bien, il fallait aller à l’église, à la mosquée, au temple… peu importe, mais c’est au rayon religion que ça se passait. Les foules pratiquantes apprenaient à respecter leur prochain, à tendre l’autre joue si nécessaire, à donner à ceux qui avaient moins. Or l’imaginaire associé aux dites religions a drastiquement évolué. L’actualité qu’elles créent évoque davantage la guerre que l’amour et n’ont plus rien à voir avec un opium censé apaiser l’humanité encore sujette à de bas instincts agressifs.
Les marques ne sont pas tout à fait bénévoles
Dorénavant pour faire le bien, il faut compter sur les entreprises et les marques. Depuis un bon moment déjà, elles élargissent leur mission commerçante en répondant à un mot d’ordre en trois lettres : RSE. Les débuts furent assez maladroits : on ne compte plus les arbres plantés par des sociétés dont la raison d’être avait peu à voir avec l’horticulture. Si l’initiative était digne, ses acteurs n’étaient pas forcément qualifiés. Faute de cohérence, de légitimité, ces actions ont déclenché quelques bashing catastrophiques. Puis, au fil de la chute des scores de confiance accordée aux institutions, de celle du pouvoir d’achat qui intime de consommer mieux plutôt que plus, une attente a grandi, le sujet a mûri et… Ce n’est plus l’efficacité d’un bénéfice qui est proposé par les marques, c’est de la bienfaisance intitulée « utilité ».
Il n’est plus seulement question de se régaler avec un smoothie mais d’aider une association à secourir les sans-abris, de même le team-building efficace s’exerce en faveur d’une belle cause ou bien encore les marques viennent à la rescousse des pouvoirs publics pour fournir aux citoyens des services ou des loisirs… C’est une mobilisation générale pour rendre le monde meilleur ! Pas de doute, les marques « s’engagent » pour « engager » leurs consommacteurs : il faut bien que préférence se fasse… L’engagement sociétal devient la concrétisation ultime de la vision d’une marque, aussi indispensable à son expression que son…logo.
Nike développe le vélo libre-service à Portland : légitime pour une marque qui a toujours promis un déplacement confortable.
Une « cause » bien plus qu’une promesse
Quelles sont les raisons de cette accélération ? Du passage d’une posture exclusivement marchande qui voulait satisfaire un « j’achète donc je suis » à des engagements hautement caritatifs ? Répondre à la quête de sens d’un monde en crise, fournir des justifications honorables au consommer moins mais mieux et surtout, activer un levier qui rassemble : or une communauté ne s’agrège qu’autour d’un consensus. Quoi de mieux que le bien pour le bâtir.
Dès lors l’hypothèse de l’extinction du publiphobe est posée ! Qui pourrait se montrer critique vis-à-vis d’une profession qui aura opéré une telle transformation ? Perçus comme les créateurs de besoins superflus, de pollueurs des beaux espaces, les gens de communication sont en train de devenir les catalyseurs de la fraternité. La communication détient un pouvoir immense. Tout le monde le savait. On peut croire maintenant qu’il peut s’exercer à des fins très utiles.
Paul sensibilise sur les inégalités entre les hommes et les femmes avec des pâtisseries. Des gâteaux sur lesquels sont affichés des statistiques qui illustrent les différences entre les hommes et les femmes, comme les écarts de salaires ou la part des femmes présentes dans le gouvernement. 5% des revenus récoltés avec la vente de ces pâtisseries sont reversés à la Fondation FILIA. Ce n’est plus seulement la vie d’une cible qu’il faut améliorer, c’est le monde tout entier !
Pourquoi les femmes auraient-elles toujours la plus petite part du gâteau ?