Dans le dernier ouvrage de Christophe Chaptal de Chanteloup, « Le manifeste du faire », le design making tient une place déterminante. Il revient sur ce concept qui nous pousse à regarder différemment notre environnement.
« Et voilà, encore un design + quelque chose » pourrait se dire le lecteur, considérant que le vocable design a connu suffisamment d’avanies et qu’il n’était peut-être pas nécessaire de lui en faire subir davantage !
Le design making ou la priorité au faire
Oui, effectivement, c’est un dérivé de plus… mais empressons-nous d’ajouter deux éléments qui militent fortement pour l’emploi du terme design making :
– il n’y a pas de démarche visant à « designer » spécifiquement les modèles économiques des écosystèmes;
– le design étant un très efficace facilitateur dans la chaîne de la conception-production-distribution, les termes design et making forment un duo légitime.
L’écosystème, clé de voûte du design making
La raison pour laquelle les écosystèmes se développent à une telle vitesse tient pour une large part aux évolutions technologiques -et en particulier l’Internet- qui ont profondément revisité la nature du besoin et la manière d’y répondre. Il n’y a pas encore si longtemps, se procurer un bien réalisant correctement une tâche basique, par exemple, un aspirateur ou un stylo, suffisait à générer un honnête niveau de satisfaction. Aujourd’hui, c’est l’expérience client qui prédomine -soit l’ensemble formé par l’offre et son environnement, tout le long de son cycle de vie.
Ainsi, ce n’est plus seulement le produit ou le service qui importent, mais l’univers dans lequel est convié le client ou l’utilisateur. Par conséquent, faire dans un contexte d’écosystème ne consiste pas à concevoir un « simple » bien ou service, mais à imaginer, produire et distribuer une solution globale prenant en compte l’ensemble des besoins de l’ensemble des parties prenantes. C’est là qu’intervient le design making : construire les modèles économiques de ces solutions globales de ces écosystèmes.
Le design making et les 5 valeurs clés des écosystèmes
L’émotion : avant toute chose, un écosystème doit susciter de l’intérêt et générer de la sympathie -c’est-à-dire savoir se placer sur le terrain émotionnel.
La valeur d’usage : un écosystème est sensé apporter de la valeur d’usage -autrement dit, un réel service rendu au client ou à l’utilisateur, en fonction de ses besoins. Les progrès conjugués de l’Internet et de la géolocalisation sont de puissants facteurs d’optimisation de la valeur d’usage. À partir de la position géographique donnée d’un individu, il est possible de mettre à sa disposition un volume considérable de données en temps réel, sur lesquelles, avantage indéniable, il peut interagir.
L’ambition tarifaire : les écosystèmes se mouvant dans un univers concurrentiel, l’ambition tarifaire correspond à la capacité à se décaler par le haut d’un prix moyen de marché. Du moment que la proposition est jugée comme la meilleure du marché par le public cible -que cela soit une réalité ou un ressenti- l’ambition tarifaire connaît assez peu de limites. Et c’est toute la magie des écosystèmes que d’être en mesure de se montrer attractif en dépit -et peut-être du fait- d’une politique particulièrement sélective !
L’intelligence opérationnelle : la consolidation des phases de conception-production-distribution facilite notablement l’émergence d’écosystèmes :
– qu’elle soit le fait de « simples » particuliers déployant les facilités offertes par les outils du numérique -logiciels et imprimantes 3D en particulier- et capables d’imaginer, de fabriquer et de vendre une proposition à partir d’une plateforme idoine.
– ou qu’elle soit le fait de professionnels qui tirent parti de l’accélération drastique du tempo entre la génération de l’idée et la mise sur le marché de la proposition correspondante.
Le revers de cette consolidation est la précision accrue avec laquelle il faut agir sur un nombre important de leviers si l’on veut être en mesure de proposer un écosystème « valable » -l’on en revient alors au fameux tryptique : coût-qualité-délai, qui n’est pas autre chose que l’intelligence opérationnelle avec laquelle est conduit un projet.
L’éthique : il s’agit ici des valeurs -voire l’absence de valeurs- à partir desquelles se bâtissent les écosystèmes. Ces valeurs pouvant être nombreuses, j’ai choisi de les désigner sous un vocable générique, l’éthique, que Le Petit Larousse définit comme étant « l’ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un ».
En conclusion, on peut considérer que le design making est à la fois :
– une philosophie : élaborer les modèles économiques des écosystèmes, dans le respect de certaines valeurs (le design) ;
– un principe d’action : passer de l’idée au marché (le making).