La Silicon Valley pour la technologie, Los Angeles pour le contenu : la Californie est le berceau de la vidéo 360°, dernière tendance du contenu au format immersif. Puisqu’INfluencia a un pied dans le Golden State, nous avons voulu comprendre les enjeux et l’évolution d’un marché dans lequel la pub va très vite débarquer. Interview avec Marian Le Clavez, directeur stratégique de la start-up française, Giroptic, basée à Lille et San Francisco.
Le 18 avril dernier, YouTube retransmettait son premier streaming live 360°, confirmant la rumeur de son arrivée sur le marché du contenu de format immersif. Pour sa première, le premier distributeur mondial de vidéos a choisi le festival ultra hype de Coachella, en Californie. L’année précédente, c’est Facebook qui ouvrait sa plate-forme aux 360°, provoquant le schisme technologique entre B2B et B2C : d’un côté, le marché des caméras 360° professionnelles avec des acteurs comme Nokia et Jaunt; de l’autre, celui des caméras grand public où Ricoh, 360fly et des mastodontes comme Samsung ou Nikon annoncent leurs propres solutions. « Si tous ne sont pas directement dans la Silicon Valley, beaucoup y ont à minima un bureau », précise Marian Le Calvez, directeur stratégique de la start-up française, Giroptic, créatrice de la 360cam, et à ce jour auteur de la plus grosse campagne jamais réalisée sur Kickstarter.
Fondée en 2008, Giroptic est aujourd’hui installée à San Francisco en plus de ses bureaux lillois. L’emménagement californien était sina qua non, la Silicon Valley -pour la technologie- et Los Angeles -pour le contenu- constituent le poumon d’un marché pour lequel l’intérêt s’accélère. C’est de San Francisco que Marian Le Clavez nous éclaire sur les enjeux et l’évolution de la vidéo 360°, qui comme la réalité virtuelle va très vite se révéler un levier d’engagement très prisé par les marques et les agences.
IN : l’intérêt de Facebook et Youtube est-il révélateur d’un engouement populaire déjà présent pour les vidéos 360° ou bien ces acteurs anticipent-ils une demande qu’ils espèrent booster en démocratisant la distribution de ce nouveau format vidéo ?
Marian Le Calvez : la réponse se situe probablement un peu entre les deux. D’un côté, la vidéo 360° apparait comme une évolution logique de l’histoire de la photo et de la vidéo. Jean-Luc Godard, à travers l’un de ses personnage, disait « la photographie, c’est la vérité et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde ». Lorsqu’on cadre ses images, on ne montre qu’une partie de cette vérité. C’était une limite fondamentale de la prise de vue. La capture à 360° permet de saisir le moment dans son intégralité, aujourd’hui visuelle et sonore, demain probablement même sensorielle au sens large. La capture à 360° n’est d’ailleurs pas une nouveauté. C’est le concours de plusieurs évolutions technologiques, dont l’accessibilité au grand public, change aujourd’hui la donne.
La compatibilité de plateformes comme Youtube et Facebook avec ces nouveaux types de contenus est un signal fort que la tendance 360° naissante depuis quelques années arrive aujourd’hui à un seuil critique qui permet sa viabilité grand public. C’est évidemment un formidable accélérateur pour tout l’écosystème, aussi bien du côté des fabricants de solutions de captures (appareils photos, caméras), que des logiciels d’édition (image, montage vidéo) voire même des écrans qui y sont dédiés comme les casques de réalité virtuelle. On assiste aujourd’hui à la mise en place d’un cercle vertueux entre tous ces acteurs, chacun alimentant de facto la confiance globale et la viabilité de cette nouvelle façon de capturer et revivre ses instants.
IN : la croissance de vidéo 360 est-elle 100% dépendante de celle de la RV ?
MLC : la réalité virtuelle, que l’on pourrait définir comme le fait d’être intégralement et confortablement immergé dans une autre réalité est évidemment l’objectif ultime. Mais la marche ne sera pas franchie avec l’arrivée des premiers casques de réalité virtuelle qui viennent, ou sont en passe, d’être lancés sur le marché comme l’Oculus Rift, le HTC Vive, ou encore le Playstation VR. Nous ne passerons pas brutalement d’un monde d’écrans rectangulaires et de consultation passive de l’image, aux équipements dédiés à la réalité virtuelle avec lesquels nous serons à la fois acteurs et spectateurs. Même s’il est possible de lire une vidéo 360° dans un casque de réalité virtuelle, ces derniers sont pour le moment plus adaptés au monde du jeu vidéo ou d’environnements générés artificiellement que de la vidéo elle-même.
La bonne nouvelle, c’est que la vidéo 360° représente la parfaite étape de transition entre la vidéo traditionnelle et la réalité virtuelle dont nous sommes aujourd’hui témoins des premiers balbutiements. En premier lieu, les vidéos 360° peuvent être lues aujourd’hui sur tous les écrans existants. Les casques ou lunettes comme les Google Cardboard, Homido et le Samsung Gear VR permettent également d’utiliser son téléphone comme un écran de réalité virtuelle simplifié. Même si elle profite évidemment du fort engouement pour la réalité virtuelle, la vidéo 360° n’est donc pas directement dépendante de celle-ci et représente la bonne technologie au bon moment. L’année 2016 marquera assurément son déploiement et sa démocratisation.
IN : Facebook et Youtube sont-ils également aujourd’hui impliqués, via des start-up, dans la fabrication de caméras 360° ou se contentent-ils de distribuer le contenu ?
MLC : Facebook et Youtube ont une approche agnostique par rapport aux entreprises qui fabriquent des caméras. Même si les deux semblent parfois s’aventurer sur le terrain de la captation -Google avec le projet Jump, Facebook avec Surround 360- la guerre entre les géants s’effectue sur le terrain du contenu. Peu importe l’appareil utilisé pour la prise de vue, tant que le contenu généré arrive sur leur plateforme. Les initiatives comme Jump ou Surround ont essentiellement pour vocation d’expérimenter et de booster la production de contenus qualitatifs pour favoriser l’adhésion du public à la réalité virtuelle. S’ils ne s’impliquent pas directement dans les start-up ou entreprises qui produisent les caméras, ils sont en revanche extrêmement attentifs à la relation qu’ils entretiennent avec eux. D’abord, pour s’accorder sur les standards technologiques afin d’assurer la compatibilité entre les contenus produits et leurs solutions d’hébergement et de diffusion; ensuite, pour s’assurer que les solutions soient les plus qualitatives possibles; enfin, évidemment pour valider aussi que le partage vers leurs plateformes soit le plus simple possible. C’est une relation gagnant-gagnant car les contenus ainsi partagés et rendus accessibles facilitent l’adoption de ce nouveau format et encouragent à s’équiper soi-même d’une caméra 360°.
IN : il n’y a pas de vidéo sans caméra donc quel est l’impact depuis quelques années des évolutions technologiques sur l’intérêt du public pour le 360 ?
MLC : les technologies de captations 360° photos puis vidéos étaient depuis quelques années de plus en plus utilisées par les professionnels. Giroptic a d’ailleurs été fondée, il y a près de 8 ans, pour répondre aux demandes de marchés comme celui de l’immobilier et de la visite virtuelle. Au cours des différentes générations de caméras sur lesquelles nous avons travaillé, nous avons pu balayer les différentes solutions de capture à 360° : soit une seule optique très grand angle ou équipée d’un miroir mais qui propose un champ de vision limité; soit plusieurs optiques ou caméras pour capturer l’intégralité de l’environnement mais qui nécessitent une phase de traitement logiciel spécifique avant toute utilisation. Conscient de ces limites, nous avons développé et breveté une technologie unique de fusion en temps réel des images dans la caméra elle-même.
C’est la technologie que nous avons intégrée dans notre première caméra grand public, la 360cam tout juste lancée. C’est la première du genre à produire des images 360° directement compatibles avec les logiciels vidéos standards et les plateformes d’hébergement, sans aucun besoin de traitement intermédiaire. Il ne s’agissait pas d’enfermer l’utilisateur dans un écosystème que nous maîtriserions, mais au contraire de simplifier au maximum l’utilisation de la caméra et la liberté de choisir ses outils pour exploiter et partager ses contenus. La clé de la démocratisation du 360° réside dans l’intérêt que chacun trouvera à l’usage de sa caméra, à la consultation et au partage de ses contenus. Mais aussi à la simplicité et au plaisir d’utilisation tout au long de l’expérience. C’est le pari que nous avons fait avec notre 360cam.