Alors que notre monde et nos interactions n’ont jamais été autant dictés par le digital, les entreprises se voient soudain dans l’obligation d’entretenir un dialogue constant, personnalisé et individualisé avec leurs clients, les engageant tout au long de leur durée de vie.
La nécessité de maîtriser cette transformation semble avoir créé un grand vide au sein de la direction, qu’il a fallu combler avec quelqu’un possédant les compétences appropriées. Il est ainsi difficile de reprocher aux chefs d’entreprise de s’être sentis contraints de recruter un CDO (Chief Digital Officer) pour les aider à définir une stratégie digitale. Le rôle du CDO a été beaucoup débattu au cours des dernières années. Il semblerait pourtant être la réponse pour les entreprises cherchant à s’adapter au monde digital. C’est ainsi que de nombreuses multinationales ont récemment annoncé la nomination d’un CDO, telles Nike, Morgan Stanley ou encore AOL.
Pourtant, le recrutement d’un CDO s’apparente davantage à une politique de l’autruche plutôt qu’à une initiative judicieuse ou stratégique. D’une part, cela envoie à la fois aux employés et au grand public le signal que l’entreprise ne sait que faire avec le digital, mettant à mal les compétences qu’elle a déjà développées dans ce domaine. D’autre part, à mesure que le digital s’étend à tous les points de contact avec les clients et que les entreprises prennent peu à peu leurs marques dans ce nouveau monde, la nomination d’un CDO revient à recruter un responsable de PowerPoint, voire de la respiration. Cela n’a pas de sens de confier à quelqu’un la responsabilité de quelque chose qui doit être le propre de tous. Par conséquent, si le CDO n’est pas la réponse pour faire entrer le digital partout dans l’entreprise, qui ou quelle est la réponse ?
Essence ou diesel ?
Commençons d’abord par nous intéresser à l’objectif du directeur marketing (CMO, Chief Marketing Officer), qui consiste à développer et faire évoluer la relation avec le client à travers tous les points de contact via des expériences personnalisées. Cela signifie qu’aujourd’hui, la fonction ayant le meilleur accès et la plus grande compréhension du client est le département marketing, l’essor du digital ayant d’ailleurs permis de lui donner encore plus de pouvoir pour piloter la relation client.
Traditionnellement, le CMO était un créatif, qui était aussi chargé de coordonner le travail avec les agences et de sous-traiter la production des campagnes. Toutefois, dans le monde digital, ce rôle s’est transformé. Les directeurs marketing sont désormais à la fois des artistes et des scientifiques orientés données, ce qui leur permet d’établir une nouvelle proximité avec le client.
Le digital s’est épanoui dans la fonction marketing car aucune autre équipe ne voulait en prendre la tête ni s’adapter aux changements. C’est pourquoi toute l’expertise s’est développée dans cette discipline au cours des dix dernières années. Le marketing agit ainsi comme un facilitateur des ventes, plutôt que comme une fonction complètement séparée du service commercial. Dans les entreprises déjà parvenues à ce stade, le besoin d’un CDO ne se fait tout simplement pas sentir.
Une étude Gartner souligne que le marketing est tellement lié à la technologie que d’ici à 2017, les CMO devraient dépenser plus que les DSI en technologies informatiques et analytiques, ce qui représente une évolution remarquable compte tenu du nombre d’entreprises qui estiment nécessaires de nommer un CDO. Le CMO a ici l’opportunité de s’affirmer comme le moteur du digital au sein de l’entreprise.
Un bouclier ?
Cependant, la décision de recruter un CDO est sans aucun doute liée au fait que les CMO considèrent leur orientation digitale comme leur point faible. Pour que la fonction marketing soit prise au sérieux dans le rôle de moteur digital de l’entreprise, les CMO et marketeurs doivent se montrer à la hauteur du défi et faire du digital leur point fort. Une récente étude d’Accenture indique qu’il appartient au CMO de faire ses preuves en tant que catalyseur pour aider son entreprise à saisir plus largement les opportunités du digital tout en la protégeant des menaces.
Il n’est donc pas surprenant que le poste de CDO continue de rencontrer un grand succès et que le nombre de responsables affectés à cette tâche soit croissant. Dans une récente étude de PWC, sur 1 500 entreprises interrogées, seules 6 % ont recruté un CDO mais 31 l’ont fait l’an passé, ce qui souligne l’importance qu’elles attachent encore à la présence d’un responsable du digital.
Toutefois, si vous aspirez à devenir CDO, réfléchissez-y à deux fois. Il est largement établi que le véritable marqueur du succès d’un CDO est le moment où son rôle devient superflu. Par conséquent, toute entreprise qui fonctionne bien sur le plan digital n’a pas besoin d’un CDO et, dans les années à venir, cela sera le cas de toutes les entreprises. Il n’y pas de pérennité dans le rôle ou la fonction, dans la mesure où le digital devient partie intégrante de tous les aspects d’une entreprise et de sa relation avec le client.
Pour l’instant, les entreprises ne peuvent être sûres qu’elles seront capables de s’adapter pour survivre dans ce nouveau monde. Accenture a interrogé des dirigeants pour savoir qui était responsable de la conduite de la stratégie digitale de leur entreprise, et il en ressort que cette responsabilité est confiée au CMO dans seulement 1 % des cas. Le digital n’étant plus une option pour le CMO mais un volet essentiel de sa stratégie, il est impératif que la direction réagisse en conséquence et offre aux marketeurs la marge de manœuvre nécessaire pour exercer leurs talents digitaux.
Dans ces conditions, comment les directions marketing peuvent-elles anticiper l’invasion du CDO ? Le CMO doit inévitablement s’intégrer au programme général de transformation digitale de l’entreprise. Pour ce faire, il lui faut :
– faire clairement comprendre à la direction qu’il saisit l’importance du digital et l’intègre activement dans tout ce qu’il entreprend
– mettre en place des équipes possédant de nouvelles compétences, capables de comprendre les clients et d’interagir avec eux sur tous les canaux – le marketing doit former et/ou recruter les talents nécessaires pour l’ère du digital
– démontrer une compréhension qui suscitera la confiance et le soutien de ses pairs et de la direction générale. Il incombe au CMO de se rappeler qu’en tant que responsable du digital ces dix dernières années, il est sans doute mieux placé que quiconque en interne
Alors que l’évolution vers un monde digital devient de plus en plus manifeste, la stratégie digitale d’une entreprise et sa stratégie en général sont désormais étroitement liées et ne font souvent plus qu’un. Les marketeurs doivent être conscients que le digital n’est pas qu’une corde de plus à leur arc mais un élément fondamental de toutes les activités de l’entreprise. Plus vite les mentalités changeront dans ce sens, plus vite les entreprises pourront confier au marketing le pilotage de la relation client dans le monde digital.