Dans la forfanterie de toutes les études décryptant nos habitudes et comportements alimentaires, celles qui croisent audit de la demande changeante mondiale et panorama de l’innovation de l’offre internationale sont rares. C’est ce qui rend l’étude, Food 360 du SIAL, présentée à Paris cette semaine, suffisamment intéressante pour qu’on se penche dessus.
Le Consommateur c’est comme le Français en politique, tout le monde parle à sa place en fonction de ce qui l’arrange. D’un « C » majuscule il en devient un nom propre qu’on ressort comme caution à chaque argumentaire, un titre honorifique déshonoré par ceux qui sont censés le servir, une place publique de lieux rendus trop communs. Mais quand nos dirigeants politiques nous prennent pour alibi sans autre fondement que leur seule interprétation subjective électoraliste -et c’est le jeu d’une démocratie transformée en foire de com- les marques et la pub se justifient par les études.
Ah ! Ces glorifiées études, cautions ultimes de véracité, que de suppositions et assertions énoncées en leur nom, que de budgets tapés en leurs chiffres… Pour, par exemple, décrypter et dépeindre nos comportements et habitudes alimentaires, elles ont le don de se multiplier comme des Pokemon tout de Go. Mais certaines heureusement sortent du lot. En croisant les attentes de la demande mondiale avec un panorama international de l’innovation de l’offre, l’étude exclusive Food 360 du SIAL réussit à s’extraire de la nasse. Comment ? En expliquant les nouveaux paradigmes qui, de Rio à Pékin en passant par Paris et Dubaï, se retrouvent dans l’assiette du consommateur de 2016. Et seront exposés au SIAL Paris, édition 100% inspiration qui se tiendra du 16 au 20 octobre prochains à Villepinte.
Différent d’un rapport de prospective sur les nouvelles tendances alimentaires, Food 360 permet de confronter les réponses produits du marché aux changements comportementaux des épicuriens prudents, écologiques et paradoxaux des cinq continents. « Le monde change et tout le monde aspire au bien manger, mais l’approche est-elle pour autant homogène? Entre Innovations technologiques et digitales et retour aux basiques, notre planète food oscille. Quel rôle pour l’innovation pour faire face au défi mondial du 21ème siècle : nourrir de manière qualitative et durable les quelques 9 à 10 milliards d’habitants dans le monde ? Transparence, équilibre, qualité des ingrédients, impact environnemental… autant de nouvelles donnes au cœur des innovations d’aujourd’hui », synthétise Nicolas Trentesaux, directeur de SIAL Group pour résumer les enjeux de cette étude riche en enseignements.
INfluencia pose la main sur le frigo et ouvre les placards de nos envies et préoccupations alimentaires. Réalisé dans neuf pays en Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud, le troisième volet de l’étude Food 360 réalisée par TNS Sofres en synergie avec le cahier de tendances alimentaires Futur Food de XTC world innovation. Voici l’alimentaire de 2016 narré en douze tendances et quatre actes. LA table des douze tendances de l’ailmentaire…
Circuit court et produits locaux, une réalité qui dépasse largement le » vilain » bobo qui fait ses courses…
Premier acte, les basiques sont toujours incontournables. Le constat de TNS Sofres et XTC sert l’histoire d’un retour aux sources dans l’assiette : les consommateurs se tournent inévitablement vers des « valeurs sûres » comme le plaisir, le terroir ou l’authentique. La qualité gustative arrive souvent en tête des critères d’achat particulièrement en Europe et aux Etats-Unis. Les Russes (83%), les Français et les Britanniques (77%) mais aussi les Espagnols (76%) et les Allemands (75%) apprécient de s’accorder des « petits luxes », des « purs moments de plaisir ». Du mariage entre racines et nouveautés émerge une nouvelle vague design « food art » voire « Neo mix & match » -une nouvelle forme de fusion food qui s’inspire de la mode. Certains fabricants surfent dessus pour stariser l’ordinaire avec des produits aux allures cosmétiques ou intégrant des ingrédients inhabituels. A l’exception des Allemands, une vaste majorité des consommateurs a faim de découvrir de nouveaux produits alimentaires. Toutefois, si presque tous les Asiatiques ont déjà mangé des aliments à base d’algues et qu’un Chinois sur trois a déjà consommé des insectes, les Français sont nettement moins nombreux à avoir franchi le pas (respectivement 32% et 14%).
Deuxième acte, les consommateurs sont beaucoup plus regardants sur la nature et les caractéristiques des aliments. Ils sont presque deux tiers à vouloir de la simplicité pour éviter les ingrédients suspects (plus de 70% en France, Asie et Moyen-Orient). D’ailleurs 63% des consommateurs font de plus en plus attention à l’origine des produits, le critère qui les rassure le plus. Persuadés que l’alimentation peut engendrer des risques pour la santé notamment en Chine (93%), en Asie du sud-est (85%) et en France (79%), plus de six personnes sur dix sont également attentives à la composition des produits sur le packaging. Dans ce contexte d’exigence et de prudence, l’achat direct en circuit-court (40% en France) et chez les producteurs locaux (presque 75% en France, Allemagne et Espagne) sort de la niche des bobos parisiens, n’en déplaise à Nicolas Sarkozy et sa fameuse tirade : » L’agro-écologie, des bobos qui font leurs courses à la ferme « . Du côté de l’offre, la naturalité est le principal levier pour garantir le plaisir de consommer sainement. Moderne, elle se veut fonctionnelle : les super-aliments (super fruits, super légumes, super graines) et produits fermentés (keffir, kombucha) sont utilisés pour leurs bienfaits spécifiques et multiples sur l’organisme.
Le développement durable : oui sur le papier, non dans la pratique
Troisième acte narré par l’étude, la volonté claire du consommateur plus engagé de protéger la planète et respecter le bien-être animal tout en mangeant bien ? Près de 85% des consommateurs ou plus dans tous les pays, sauf la Russie, jugent important de réduire le gaspillage tandis que 81% estiment aussi important l’achat de produits alimentaires plus respectueux de l’environnement -surtout en Chine,en Asie du Sud-Est (plus de 90%) et en France (86%). Pour répondre à cette pénétration du développement durable dans les comportements d’achat, des sociétés optimisent les restes et les invendus -comme par exemple la plate-forme digitale Too Good to Go- et d’autres limitent les contenants.
Porté par le sens de l’histoire, le principe du « vrac », zappeur d’emballage permettant d’acheter au gramme près ce dont on a besoin, gagne donc logiquement un terrain considérable dans les pratiques quotidiennes. En effet, l’attention portée à l’environnement est holistique avec 77% de consommateurs déclarant important le fait d’acheter des produits alimentaires plus respectueux du bien-être animal, notamment dans les pays européens. Voilà pour l’intention. Dans la pratique, comme souvent, c’est une autre histoire. Parmi les quinze plus importants critères qui encouragent à acheter un produit plutôt qu’un autre, son impact environnemental figure en effet à la dernière place des priorités des Moyen-orientaux. Les Français font à peine mieux (14ème).
L’e-commerce alimentaire ne décolle pas en Europe
Dernier acte du roman 2016 de nos assiettes par Food 360, la montée en puissance des nouvelles technologies, dont l’impact sur nos habitudes reste quand même assez faible. Dans l’univers de l’alimentaire ou des boissons, seuls 26% des consommateurs envisagent d’interagir avec la marque online mais 8 sur 10 recherchent des recettes sur la Toile. Quand il s’agit d’échanger sur les marques et les produits alimentaires au sein d’une communauté en ligne, seulement 34% des Espagnols et environ 20% des Français s’y adonnent, contre 62% au Moyen-Orient. De même, l’e-commerce alimentaire est bien plus répandu en Chine (86%) et en Asie du sud-est (76%) qu’en Allemagne (30%) ou en France (44%).
Quid des objets connectés en cuisine ? Ils sont très populaires en Chine (49%) et en Asie du sud-est (45%), beaucoup moins en Europe, notamment en France (11%) et en Allemagne (8%). Pour les industriels, les nouvelles technologies peuvent aider à produire ou personnaliser les aliments. Les particuliers pourront ainsi créer et fabriquer les produits qu’ils mangeront en famille. Un utilisation en plein essor qui va aussi leur permettre de mieux connaître les produits qu’ils achètent. En scannant un étiquetage ou un aliment, ils pourront, par exemple, découvrir sa teneur en pesticide, en graisse, son nombre de calories ou toute autre information nutritionnelle.
En attendant les robots, l’agriculture urbaine, le super-consommateur et l’économie de l’anti-gaspillage dont l’avènement guidera l’innovation alimentaire dans les dix prochaines années, XTC world innovation, le SIAL et TNS Sofres nous ont déjà permis de mieux comprendre ce qui guide nos comportements alimentaires. Mais n’oublions jamais dans notre opulence de nantis que selon la FAO en 2013, près de 30 % de la population mondiale est mal nourrie. Faisant encore et toujours écho à Gandhi selon lequel « si Dieu devait apparaître aux affamés, il n’oserait leur apparaître que sous forme de nourriture ».