Le digital transforme en profondeur le métier de directeur de la création, qui doit désormais produire plus de contenus tout en intégrant la data et les logiques marketing. Une révolution culturelle qui requiert de changer en profondeur les modes et process de travail.
« Je consacre la moitié de mon temps à la conduite de changement », introduit Laurent-Cédric Verscheure, directeur général de Verbe, l’agence de stratégie de contenus de Publicis Consultants. L’écosystème digital bouleverse en profondeur les métiers de la création, soumis à un rythme effréné de production : « On est face à un nouvel environnement de travail et de nouveaux besoins : les créatifs doivent produire dix fois plus, et intégrer toujours plus de contraintes créatives, techniques et marketing », témoigne Laurent Nuyen, directeur de la création de l’agence digitale Digitas LBI. Les plateformes se sont multipliées imposant de nouveaux formats créatifs : vidéo sans le son de Facebook, format carré d’Instagram, Vine sur Twitter, filtres animés et stories sur Snapchat… Outre de nourrir la bête qu’est devenue le Web social, la digitalisation de l’ensemble des points de contacts et l’effacement de la frontière entre les parcours on et offline ont complexifié le travail de création, exigeant toujours plus de polyvalence, de réactivité et d’agilité, le tout en restant maître de la cohérence de la marque.
Place au contenu data-driven
Au volume de production, se rajoute l’impératif de la réactivité et la nécessité d’intégrer la data à part entière dans les réflexions créatives. « Le ciblage est devenu une obsession. Les contenus doivent répondre aux attentes des publics », affirme le patron de Verbe. Et pour ce faire, la data fait office de graal : en amont, pour détecter des insights pertinents et construire des briefs plus précis, en aval pour personnaliser les contenus en fonction des segments d’audience pré-définis par le marketing. Il faut partir de ce qui intéresse les audiences et non des messages de la marque pour créer de l’engagement. Si l’intuition créatrice a encore sa place, la rationalité est de plus en plus de mise.
La porosité avec les logiques de marketing à la performance est patente. « Les indicateurs de performance se généralisent dans les appels d’offre, y compris sur des sujets corporate ou B to B », donne en exemple Laurent-Cédric Verscheure. Acquisition, fidélisation, génération de leads… La création est au service de l’ « inbound marketing ». « On crée des typologies de contenus en fonction du parcours client, de l’awareness à l’engagement du consommateur et on mesure en temps réel les résultats et la conversion pour ajuster les contenus dans la séquence suivante », explique ce dernier.
Une question de posture plus que de compétences
Le créatif évolue-t-il vers le conseil marketing ? Davantage qu’une question de compétences à acquérir, l’enjeu est d’arriver à s’ouvrir à d’autres modes de travail, plus interactifs et collaboratifs. « Il nous faut être dans une posture d’agilité et de curiosité », scande Laurent Nuyen qui a lancé des formations adhoc pour sensibiliser les collaborateurs. La cross-fertilisation des compétences est clé pour le directeur de création : « Chacun doit être évangéliste de sa propre expertise auprès des autres, être dans une démarche de partage de son savoir tout en passant du temps à comprendre ce que font les autres partenaires du projet. On ne demande pas à un créatif de devenir un data-scientist mais de s’adapter à de nouveaux process qui intègrent la donnée ».
La transformation est culturelle plus que technologique. « Si on a aujourd’hui des outils collaboratifs de type cloud qui nous aident à gagner en rapidité, cela ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle soit pleinement utilisée. Le mode collaboratif n’est pas inné dans le secteur de la publicité qui s’est historiquement construite sur un système additif d’expertises ». Pour le directeur de la création, les agences de pub françaises sont à la traîne et en restent à produire un film et quelques briques digitales plutôt que concevoir un programme de contenu granulaire et personnalisé : « On est plus face à une posture de modernité qu’à une réelle croyance en un nouveau mode de travail. »
Les initiatives se multiplient
Néanmoins, les initiatives se multiplient ces derniers mois. Publicis Conseil a lancé début 2016 le Loft, un dispositif qui mélange les équipes de création et de production avec des experts extérieurs (youtubers, instagrammers…) tout en branchant les insights en amont et la médiatisation en aval. Pour sa campagne au printemps dernier, Coca Cola a demandé à son agence de créer plus de 100 visuels en amont pour exploiter ses prises de parole dans le temps et dans l’espace afin de nouer une relation dynamique et de rentrer en conversation avec ses audiences. Pour soutenir le lancement de Hello Bank, BNP Paribas s’est appuyée sur l’expertise data mais aussi éditoriale de Yahoo! pour bâtir un programme de contenus à la fois nombreux, engageants et ciblés.
L’expérience client en ligne de mire
En « work in progress », le modèle est en train de se construire à la confluence de deux démarches. D’un côté, la ‘big idea’ déclinée et adaptée sur l’ensemble des formats et canaux ; de l’autre, une série de ‘petites idées’ conçues pour adresser les audiences sur un mode granulaire. Dans ce nouveau paradigme publicitaire, le directeur de création s’affirme peu à peu comme un « creative strategist » dont l’art devient celui d’associer insights, contenu et plateforme de distribution, le tout sous forme de scénarii narratifs. Une transformation du métier qui répond aux attentes des annonceurs : submergés par le volume de contenus numériques à traiter, les directeurs marketing attendent de leur agence créa des solutions efficaces et pérennes comme le démontre l’étude réalisée par Accenture en avril dernier, « Content: The H20 of Marketing ». L’enjeu ? Offrir une expérience client qui soit cohérente, qualitative et homogène sur l’ensemble des points de contact.
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