Comment définir, dans une période de transformation, un nouveau business model rentable en phase avec de nouveaux usages et un paysage médiatique bouleversé ? Mais surtout comment redéfinir ce qu’est un éditeur en pleine révolution numérique. Réponses avec des pontes du secteur qui préfèrent marcher plutôt que crever…
Le monde des médias vit un tel bouleversement qu’il est désormais impossible d’avoir une vision claire de ce qu’est un éditeur. Certains assimilent même Google, Apple, Facebook et Amazon, le fameux GAFA, à des éditeurs. C’est dire la confusion qui règne aujourd’hui dans l’industrie des médias. Pourtant, assimiler ces nouveaux acteurs n’est pas non plus une hérésie certains étant désormais des producteurs de contenus. Mais celà restant anecdotique face à leur rôle de distributeurs de contenus.
Confrontés à l’éclatement des frontières historiques de leurs activités et aux nouveaux usages (réseaux sociaux, multi supports, délinéarisation des contenus, programmes à la carte), ils doivent réinventer les modèles de commercialisation et de financement (monétisation, recettes publicitaires), ainsi que les stratégies de communication et de quête d’audience. Ils doivent donc in fine repenser leur identité. « Un publisher doit devancer les attentes des lecteurs, des internautes et des mobinautes… Il faut proposer des contenus, des services et des e-commerce qui créent de la valeur. D’abord pour les lecteurs, ensuite pour l’éditeur. Pour y parvenir il faut donc en permanence adapter son offre, ses marques, ses innovations à un triple objectif. Dans un premier temps, émerger dans la bataille de l’attention. Puis créer et capter la valeur pour enfin engager le consommateur afin de le fidéliser. Cela devient possible grâce à des marques fortes, des innovations qui amènent une rupture et une maîtrise de la technologie », explique Philippe Schmidt, directeur exécutif de Prisma Media Solutions.
Révolution culturelle
Pour la présidente de la régie, Team Media, Corinne Mrejen, la responsabiltié des éditeurs est plus élargie : « historiquement, il s’agissait d’assurer la réalisation, la diffusion et la gestion d’un produit physique comme un journal ou un magazine. Aujourd’hui, ce métier comme de nombreux autres a « pivoté ». Les éditeurs sont désormais les chefs d’orchestre de plateformes de marques. Il s’agit en l’occurrence d’assurer la production de contenus originaux qui sont différenciés selon une profusion de canaux de consommation que cela soit du papier ou du numérique, et en réponse à un usage particulier. C’est une véritable révolution culturelle à laquelle nous avons assisté durant la dernière décennie : le passage d’une approche « content & product centric » à celle qui met les usages au cœur du système (« user / use centric »). L’éditeur est aujourd’hui le garant, de même qu’il a toujours en charge les valeurs de sa marque, le développement de ses revenus et la gestion de son P&L.
Raphaël de Andreis, PDG, chairman & ceo France d’Havas Media Group, s’attache à parler d’ambition au travers d’une ligne éditoriale forte. Il faut clairement affirmer son caractère pour sortir du lot et surtout se faire respecter par les annonceurs. Car l’audience ne fait pas tout. La puissance et l’indépendance de la marque média est stratégique comme il le précise : « Il faut se baser sur cette ligne éditoriale pour poser un regard critique sur un contenu afin de décider ou pas de le diffuser et de le promouvoir. L’enjeu de l’éditeur est d’attirer sous sa « plume » le plus de talents possible. D’ailleurs cette fonction résiste brillamment aux évolutions des contenus. On dit un éditeur de livres, mais aussi de presse, de musique, de chaînes de télé, de chaînes Youtube/DailyMotion, de sites, de jeux video… le monde aura toujours besoin de regards face à la démultiplication des contenus ». Et en citant YouTube, il met justement le doigt sur ces nouveaux acteurs qui sont d’abord vus comme des distributeurs de contenus alors qu’ils ont tendance à glisser doucement vers celui d’éditeur voire vers un cumul de casquettes.
Contenu tout-terrain
Informatifs, divertissants ou serviciels, pour Aurore Domont, présidente de Media.Figaro, la mission d’un éditeur est avant tout d’engager son audience par des contenus variés et en adéquation avec sa consommation média. « On doit être capable de piloter une grande marque media dans le temps et de garantir l’accessibilité de ses contenus, partout, tout le temps. Être éditeur, c’est avant tout proposer son point de vue sur le monde, assumer sa responsabilité vis-à-vis de ses audiences sur la qualité des contenus proposés. Cela repose sur les talents journalistiques, les plumes, qui animent la rédaction pour offrir des contenus uniques, différents et anglés. La mise à disposition de la matière éditoriale doit s’adapter aux nouveaux usages et comportements des audiences et donc pouvoir se décliner sous toutes les formes d’écriture (social, vidéo,…) et sur tous les canaux (mobile, tablette, desktop, …) ».
L’éditeur d’aujourd’hui et de demain ne peut être confiné dans un cadre précis. Son champ d’action, avec le numérique, est devenu infini et le potentiel de développement est tel que seules les idées et la lecture de notre nouvelle société freinent son développement. Une chose est sûre : un contenu puissant, intelligent, indépendant et qui « challenge » les autres industries permettra aux meilleurs éditeurs de s’imposer. Mais quand on parle de bon contenu, encore faut-il savoir pour qui ses acteurs le produisent : les lecteurs ou les annonceurs ?
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