Aujourd’hui être un citoyen du monde ça craint sévère… Les peuples, dont les Français, craignent une homogénéisation des cultures donc une perte d’identité. Description d’un changement d’époque au travers des yeux de « prosumers » dans l’étude « Fierté nationale et crainte du futur » par BETC et Havas Worldwide…
Alors que notre identité paraît menacée par une mondialisation à marche forcée. Alors que des partis politiques volent les mots républicains ou patriotes et qu’à cela s’ajoutent une crise économique mondiale, une géopolitique devenue instable et une guerre contre le terrorisme interminable : les problématiques, qui suscitent notre inquiétude face au futur, ne manquent pas. Ainsi, partout dans le monde l’opinion publique s’accorde à dire que le pire est à venir. Et en même temps avec l’abondance des tuyaux de communication qui mènent vers une surexposition de l’individu aux maux de nos sociétés, normal de ressentir une forme de déprime mondialisée…
Notre meilleur mécanisme de défense face à toutes ces crises ? Nous tourner vers le passé, vers toutes les choses qui nous sont familières. Nous assistons à un repli sur les valeurs traditionnelles, sur le cercle familial, sur l’intimité de notre religion, et aujourd’hui, sur le caractère familier de notre pays : à l’échelle mondiale, 75% des prosumers, qui sont les principaux influenceurs et éléments moteurs du marché, sont fiers de leur pays. Comme en France où l’écart significatif entre prosumers et « mainstream » (77% contre 58%) suggère une nouvelle ère de fierté nationale chez les Français. Cette tendance est également partagée par les millennials : à l’échelle mondiale, 69% sont fiers de leurs pays (de même que 69% du mainstream). Cependant quelques exceptions existent comme au Brésil ou en Afrique du Sud. Les révélations de corruption et les bouleversements politiques ont mis le public dans l’embarras : 54% des prosumers brésiliens et 45% des prosumers sud africains ont honte de leur pays.
Le vrai patriotisme
Nous sommes entrés dans l’ère de néo-patriotisme, une ère sous tension. D’un côté, nous assistons au retour du versant du nationalisme sous couvert de patriotisme. Ce dernier répand des soupçons au sein même de nos communautés : à l’échelle mondiale, 71% des prosumers se sentent concernés par le manque de patriotisme de leurs concitoyens. De l’autre côté, nous voyons apparaître une version plus positive d’un patriotisme branché et cool. Le néopatriotisme est perçu comme un acte citoyen qui consiste à aimer et valoriser ce que son pays fait de mieux tout en le partageant avec le reste du monde. Par ailleurs, les éléments rendant les citoyens fiers de leur patrie varient selon la culture, affectant par conséquent la dynamique de leur pays. Pour certains, comme la France, les États-Unis, le Mexique et le Royaume-Uni, la fierté nationale s’appuie sur leur passé et plus particulièrement sur leur histoire. Pour d’autres, comme l’Allemagne, la Chine ou le Cambodge, la fierté de leurs citoyens est motivée par leur présent et surtout par leur succès économique. Ceux qui combinent ces deux aspects, comme la Chine ou Singapour, bénéficient d’une dynamique optimale tandis que leurs citoyens sont plus à même de se projeter de façon positive dans l’avenir.
L’identité nationale est le nouveau cool
Quatre millennials sur dix craignent que le monde ne s’homogénéise en une unique culture. Internet est aussi pointé du doigt : 43% des prosumers pensent que la mondialisation, aidée d’Internet, amoindrit la singularité de la culture de leur pays. Ce constat a permis un retour de la dimension nationale comme un moyen de résister à l’homogénéisation et de maintenir sa spécificité. Partout dans le monde, les gens considèrent leurs symboles nationaux avec une ferveur renouvelée : 89% des prosumers mondiaux et 66% des prosumers français respectent le drapeau de leur pays tandis que 89% mondialement et 66% des prosumers français pensent qu’il est important pour leurs enfants de connaître l’histoire et les symboles de leur pays (drapeau, hymne national… etc.).
Quel futur pour la démocratie ?
Avec la fin de la guerre froide, le capitalisme a été accepté comme le meilleur système économique qui soit. Aujourd’hui, de façon similaire, la démocratie est perçue comme la meilleure forme de gouvernance, sans aucun doute possible : mondialement, 77% des prosumers pensent que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement. Mais les gens ne font plus confiance aux politiques et à leur autorité : 69% des prosumers s’inquiètent de la disparition de leaders dignes de confiance et 78% pensent qu’il est difficile pour un(e) homme/femme politique intègre (qui ne mente ou ne triche pas) d’être élu aujourd’hui.
Il y a à disposition tous les outils qu’ils faut pour démêler le vrai du faux. Cependant, la vérification des faits n’est plus tellement le cœur du problème. Soit nous ne votons pas, soit nous votons pour un candidat dont nous savons qu’il/elle a menti par le passé comme bien d’autres avant lui/elle. Les faits paraissent ennuyeux face à des histoires bien plus palpitantes, particulièrement lorsqu’elles sont accompagnées de promesses héroïques. Nous avons besoin d’un leadership reboot : 64% des prosumers préfèreraient un leader qui gouverne de façon inclusive et participative en fondant ses décisions sur la volonté du peuple
Un nouveau pacte digne de 1984 : sécurité contre liberté
Que se passe-t-il lorsque la peur prend le dessus et que la probabilité règne en maître ? Les gens peuvent-il encore faire preuve d’ouverture ? Actuellement, cette possibilité semble compromise tant notre sécurité est devenue la première des priorités. Nous attendons de nos gouvernements qu’ils assurent notre sécurité, et nous sommes prêts à les aider : à l’échelle mondiale, 53% des prosumers sont prêts à renoncer à certain(e)s de leurs droits/libertés personnels.les afin de se sentir plus en sécurité. Renoncer à notre vie privée est un mince prix à payer pour assurer notre sécurité : 54% des prosumers seraient favorables à l’installation de caméras de surveillance dans les espaces publics pour contrôler les actions des individus afin de renforcer la sécurité nationale. Et tant que nous y sommes, quitte à renoncer à nos propres libertés, c’est aussi plus simple de sacrifier les droits des autres au passage. Ainsi, 39% des prosumers seraient en faveur d’une implantation systématique de puces électroniques à tous les citoyens coupables d’un crime afin de pouvoir les surveiller/pister. De même, 33% seraient d’accord pour incarcérer tout terroriste présumé, même s’il n’a pas commis d’attentat. Dans cet état de peur et d’insécurité, les gens sont tiraillés entre leurs idéaux et la réalité. 85% des prosumers considèrent que l’égalité de tous devant la loi est un droit de l’Homme fondamental tandis que 44% seraient en faveur d’interdire l’entrée aux migrants venant de pays connus pour abriter des terroristes.
Ces résultats démontrent la faiblesse actuelle de notre modèle sociétal. Pourtant, au-delà d’une époque angoissante, nous en vivons une autre qui est passionnante où le numérique inspire de nouveaux services, où la science est en train de faire des bons de géants, où des nouveaux emplois se créent tous les jours. Une société, quoi que l’on puisse en dire, plus humaine, poussée par une jeunesse qui ne se résigne pas et qui est tournée vers un avenir radieux. Mais tout cela, il faut pouvoir l’expliquer, savoir user de pédagogie pour démontrer que notre civilisation ne se perd pas mais évolue et sans pour autant perdre l’authenticité des pays qui la composent. Et quand on parle de pédagogie elle vaut aussi bien pour les différents peuples qui avancent à pas forcés, les industries qui ne laissent personnes respirer et même ces fameux barbares, qui ne pensent pas à regarder derrière eux, aveuglés par leur réussite numérique. Attention à ce que l’innovation ne nous mène pas vers une nouvelle révolution du peuple…