13 février 2017

Temps de lecture : 3 min

Les Français en ont-ils marre de la bienveillance ?

Le baromètre des Valeurs des Français de Kantar TNS vient de sortir. Et première nouvelle : nos compatriotes n’aspirent plus vraiment à la jouissance immédiate…

Le baromètre des Valeurs des Français de Kantar TNS vient de sortir. Et première nouvelle : nos compatriotes n’aspirent plus vraiment à la jouissance immédiate…

La société française est difficile à sonder et les deux dernières années ont clairement chamboulé les tendances phares qui en 2014 révélaient une aspiration collective à la recherche individuelle de jouissance immédiate et d’ajustement opportuniste au réel. Rien que ça…

Deux ans plus tard le Baromètre des Valeurs des Français 2016/2017 réalisé par Kantar TNS révèle une véritable prise de conscience d’un peuple qui estime désormais qu’il est impossible de s’en sortir seul face à l’ampleur et à la globalité des dysfonctionnements d’un système usé par l’insécurité, le chômage, les inégalités, les périls environnementaux, la montée du populisme et les corruptions en tous genres. « Ce qui est frappant, c’est une vraie stabilité entre 2006 et 2012 où il s’agissait de faire face à un monde complexe et changeant avec une prise de conscience progressive que les crises successives étaient inhérentes au système. Les Français ont compris qu’il fallait composer avec », explique Thierry Millon, le directeur de d’Expertise Qualitative de Kantar TNS.

L’étude fait ressortir un esprit du « (Re) Faire collectif » au travers de trois tendances majeures qui vont conduire les Français vers un nouveau chemin. Celle qui a le plus retenu notre attention est une tendance sous forme de question : La fin de la bienveillance va-t-elle arriver ? A l’heure où les annonceurs se posent la question de la bienveillance dans leurs gênes de marque et surtout de savoir si elle va porter ses fruits, Kantar TNS se demande si cette fameuse bienveillance « lucrative » est encore légitime. Car les valeurs que l’on croyait universelles ne sont peut-être pas universellement partagées. Cette prise de conscience conduit en réaction les Français à se recentrer sur la défense et le renforcement de ces valeurs. Car être « passivement tolérant » et « bien-pensant » ne suffit plus à l’aune d’une reconnexion avec la réalité « dure », ressentie comme de plus en plus complexe et implacable.

La générosité ne va plus de soi mais est interrogée et réévaluée en fonction du nouveau cadre dans lequel elle s’opère : témoins les débats sur l’accueil des migrants, l’attitude à avoir à l’égard du djihadisme, les débats sur la nationalité, les « réactions » des consommateurs (boycott, nouveaux rapports de force avec les marques)… « La bienveillance est requestionnée. Fait-elle réellement partie de nos valeurs ? Doit-elle être un peu plus réaliste ? Et surtout n’est-on pas dans l’excès de bienveillance ? Il ne suffit plus d’être ouvert et humain. Il faut être réaliste, précise Thierry Millon – Les Français veulent une reconnexion avec la réalité. Ils veulent agir et être en phase avec le monde d’aujourd’hui. »

La bienveillance doit désormais faire face au réalisme, au pragmatisme et surtout au rationalisme… On ne parle pas dans ce cas précis de la bienveillance personnelle mais celle au niveau sociétal, plutôt social. Les Français prennent donc leurs distances avec la « bien-pensance » et le politiquement correct. Ils veulent se reconnecter avec une réalité « dure », ressentie comme de plus en plus complexe et implacable. Le baromètre en conclut qu’avec le recul de l’Etat providence, c’est un renforcement de l’autonomie et de la responsabilité individuelle qui émerge…

Deux autres tendances : la séduction des certitudes et le culte d’agir

La séduction des certitudes : dans un monde fortement déstabilisé, en cours de recomposition, le manque de certitudes renforce le sentiment de peur et d’insécurité. A l’inverse, les réactions souvent impulsives du politique face à l’événement à chaud, ne trompent plus et ne rassurent plus non plus. Résultat, pour certains, les cadres de pensée globalisants peuvent offrir une simplification rassurante, propice aux populismes de tous bords.

Il devient alors difficile pour le politique de concilier l’impossibilité d’avoir réponse à tout et le sentiment de sécurité que procure l’affirmation de certitudes. Sans parler de l’injonction faite aux acteurs des marchés de consommation, de dire ce qu’ils font et de faire ce qu’ils disent, de façon certaine et prouvée (marketing patriotique, marques qui prônent des valeurs fortes). Pour autant, cette attente de certitudes doit aussi se concilier avec la fin des idéologies politiques et l’idée de dépassement progressif du clivage gauche-droite traditionnel, ainsi que la perte d’audience et de crédibilité des grands partis, jusque-là dominants dans la vie politique française. D’où le statut d’outsider recherché par certains, et destiné à résoudre cette sorte de quadrature du cercle du positionnement politique, dans la France d’aujourd’hui.

Le culte de l’agir:  en réaction à un trop plein de débats d’idées, le maître mot est désormais l’action, le passage à l’acte. Dès lors, il s’agit de se confronter à la réalité et, tout en cherchant des solutions, de toujours rester en prise directe avec le réel. Seule la mise en œuvre réelle, l’efficacité et le résultat concret, comptent désormais pour évaluer et jauger de la valeur d’une idée, une pensée, une intervention. On privilégie donc le prosaïque, le pratique, non parfois, sans une certaine dévalorisation de la réflexion, de la conceptualisation, de la dialectique et du temps nécessaire. A méditer…

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