7 mars 2017

Temps de lecture : 3 min

Une application contre le « manterrupting »

Depuis deux ans le "manterrupting" s'est imposé dans les débats sur le féminisme ordinaire. Parce que les hommes coupent la parole aux femmes en entreprise et dans le débat public, BETC Sao Paulo invente une application qui recense ces interruptions.

Depuis deux ans le manterrupting s’est imposé dans les débats sur le féminisme ordinaire. Parce que les hommes coupent la parole aux femmes en entreprise et dans le débat public, BETC Sao Paulo invente une application qui recense ces interruptions.

Que l’homme qui ne s’est pas déjà fait engueuler par sa femme parce qu’il l’interrompt trop souvent (quand il l’écoute vraiment) lève le doigt. Si vous avez votre index raide comme un « i », vous devez vous sentir seul comme Robinson sur son île. Car si le mâle incapable de faire deux choses en même temps est un mythe sexiste, celui qui coupe la parole aux femmes ne l’est pas. Ce travers est tellement systématique en réunion et lors d’un débat ou autre prise de parole publique, que depuis deux ans il est affublé d’une appellation officielle : le manterrupting. Pour apporter des preuves par l’exemple, BETC Sao Paulo lance une application de recensement.

Disponible sur iOS et Android, Women Interrupted est capable grâce à des algorithmes de déterminer combien de fois une voix féminine a été interrompue. Inspirée par la goujaterie historique de Donald Trump, qui a coupé la parole à Hillary Clinton à 51 reprises lors du dernier débat de l’élection présidentielle américaine, l’appli compile toute la data de l’utilisatrice pour déterminer la moyenne d’interruption au bureau par un collègue masculin. L’outil digital est censé permettre aux hommes et aux dirigeants d’entreprise de se rendre compte du problème, facteur de découragement et d’inhibition chez certaines femmes.  » Cela peut ne pas paraître très grave mais cela reflète des soucis profonds d’inégalité des sexes au travail et dans la société. Cette application est un moyen de prouver que les interruptions sont un problème réel et alarmant « , commente la co-CEO de BETC Sao Paulo, Gal Barradas. Tout en précisant que Woman Interrupted est une opération bénévole dont le seul but est de détecter et exposer le manterrupting dans le quotidien des femmes.

La stratégie de l’amplification, la réponse des ex-conseillères de Barack Obama

Evidemment l’application fonctionne mieux dans un environnement sonore calme et certifie de ne pas enregistrer et stocker les conversations. Une fois un nombre minimum de données recueillies, le site web de la plate-forme affichera une carte du monde qui, en temps réel, montrera où et à quelle fréquence les utilisatrices sont interrompues. Pour donner de la visibilité, l’agence brésilienne a profité de la Journée internationale de la femme, ce mercredi 8 mars, pour commander à des artistes féminines des affiches militantes aux slogans originales :  » toutes les voix naissent égales « ,  » Après la liberté de parole, nous voulons la liberté de parler jusqu’au bout « , ou bien encore  » Il est difficile de convaincre quand on ne peut pas aller au bout de sa phrase » .

Apparu au début de l’année 2015 sous la plume de Jessica Bennett, une chroniqueuse pour le New York ­Times et le magazine Time, le manterrupting est devenu un combat qui s’est imposé dans les débats sur le féminisme ordinaire. Le 12 janvier 2015 Sheryl Sandberg, la numéro 2 de Facebook et l’universitaire, Adam Grant publiaient une tribune dans le quotidien newyorkais pour dénoncer la difficulté de la prise de parole féminine dans l’entreprise. » Nous avons tous deux vu ce phénomène se perpétuer, encore et encore. Quand une femme prend la parole dans le milieu professionnel, elle se retrouve en position d’équilibriste. Soit elle est à peine écoutée, soit elle est jugée trop agressive. Quand un homme dit la même chose, tout le monde hoche la tête pour saluer sa brillante idée. Les femmes en concluent que mieux vaut en dire le moins possible « , regrettaient-ils alors.

Aux Etats-Unis, les conseillères de l’ancien président Barack Obama avaient carrément mis au point une stratégie, dite de « l’amplification » : dès qu’une femme propose une idée, une autre femme répète la même idée quelques minutes plus tard en rappelant le nom de sa collègue.  » Quand une femme émet une idée-clé, les autres femmes la reprennent en l’attribuant à son auteure « , résumait un article publié dans le Washington Post en septembre 2016. Cela oblige les hommes qui sont dans la salle à reconnaître la contribution de cette intervenante, et cela les empêche de revendiquer cette idée comme la leur « . Selon celles qui ont depuis quitté la Maison-Blanche, la tactique a fonctionné.

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