« Près de 8 Français sur 10 estiment que les produits alimentaires qu’ils consomment sont « moins sains » que ceux du temps de leurs parents », c’est le constat accablant qui ressortait d’une étude de 2014 sur le rapport des français à l’alimentation, rapportée par Les Echos. Près de 60% des personnes interrogées estimaient même que la situation ne ferait que s’aggraver dans le futur.
Alors que près de 400 d’entre elles s’affichaient au Salon de l’Agriculture, force est de constater que les marques ne répondent toujours pas aux attentes des consommateurs en matière de confiance. Dans une enquête d’octobre 2016, Ipsos révèle que 51 % des Français se disent toujours inquiets sur la qualité des produits alimentaires. Dans le détail, ils sont « minoritaires à considérer que les marques se préoccupent réellement de leur empreinte locale (38 %), de l’environnement (35 %), de la pérennité des ressources naturelles (30 %) ». Mais alors d’où vient cette défiance de la part des Français ?
Quand la crise vient casser l’image d’Épinal, entretenue par la tradition publicitaire du secteur
Parmi les marqueurs de cette perception, on peut tout d’abord évoquer la longue liste des crises qui ont rythmé les 20 dernières années en France. Vache folle, grippe aviaire, lasagnes à la viande de cheval : ces événements marquants, rassemblés au sein d’une étude CERTOP-CREDOC, ont sans aucun doute été d’importants facteurs d’inquiétude pour les français.
Ces crises ont été d’autant plus marquantes qu’elles sont venues se heurter à des années de communication publicitaire construite autour de l’authenticité des produits, à grand renfort d’images positives ou de mascottes rassurantes. Des images faisant appel la plupart du temps à un imaginaire rural ou traditionnel, idéalisé, effaçant au passage la réalité des process industriels jugés trop rebutants pour les consommateurs.
Publicité VS réalité = dissonance cognitive
Les différentes organisations environnementales ou de lutte contre la maltraitance animale ont ensuite parfaitement compris comment exploiter l’effet que pourrait provoquer sur le consommateur la confrontation entre l’imaginaire mythifié construit par la publicité et les dérives des pratiques industrielles.
Des campagnes de Greenpeace contre l’exploitation du thon par Petit Navire aux vidéos de L214 sur la production des œufs Matines, la rhétorique est similaire : la marque et sa communication vous mentent, et nous allons vous montrer ce que vous ne devriez pas voir. D’autres vidéos, particulièrement efficaces, remontent la chaîne de fabrication d’un produit (les bonbons type Haribo par exemple) et ce qu’on trouve au bout n’est jamais bien plaisant.
Pour un consommateur qui découvre les process de production industriels tels qu’ils ont évolué (notamment dans le secteur animalier, depuis que les abattoirs ont quitté les grandes villes), c’est un véritable électrochoc, et les réseaux sociaux jouent un rôle considérable dans la rediffusion ad nauseam des images. Dès lors, crise après crise, révélation après révélation, on assiste à la montée en puissance de phénomènes de « food bashing » qui peuvent, sous la pression de l’opinion, devenir de vrais enjeux business.
Par exemple, sur le sujets des œufs de poules élevées en cages, le secteur a bien été forcé de trouver d’autres manières de produire pour répondre à la demande des consommateurs. Un mouvement du marché sans précédent, « surtout à mettre au crédit du renforcement des campagnes des associations ».
Communiquer sur et par l’engagement, un moyen de regagner la confiance
Pour autant, les marques « sont clairement reconnues pour les efforts récents que beaucoup d’entre elles ont pu faire », rassure l’IFOP, même si la marge de progression pour répondre aux attentes de leurs consommateurs reste énorme. Plusieurs marques se sont déjà engagées dans des démarches de transparence, pour regagner la confiance des consommateurs : c’est le programme LU’Harmony autour des pratiques agricoles et des engagements de la marque au sein de la filière blé, c’est l’OpenLab de Nutella pour partager les bonnes pratiques en matière d’huile de palme durable, ou encore le programme de portes-ouvertes que vient de lancer le géant Nestlé avec #CestMoiQuiFabrique.
En termes de communication, des leviers finissent par apparaître : valoriser les producteurs et fournisseurs, faire preuve de plus de transparence sur les matières premières, parler du savoir-faire traditionnel qui perdure tout en étant plus lucide sur la raison d’être des produits, mettre en avant le soutien que l’entreprise apporte au tissu local ou son impact « positif ».
Encore d’après l’IFOP, les Français considèrent que les marques doivent accorder de l’importance à l’environnement (87 %), à la pérennité des ressources naturelles (86 %), à leur empreinte locale (84 %) et aux conditions de vie des producteurs (84 %). Mieux, on continuerait d’attendre d’elles qu’elles s’engagent sur les enjeux environnementaux et sociétaux, bien loin devant les autres secteurs. Au delà des efforts de transparence, le véritable changement consisterait donc à remettre cet engagement au cœur même de la stratégie de communication. En résumé : communiquer sur l’engagement (local, citoyen, environnemental), et par l’engagement.
Le succès de la marque de lait C’est qui le patron, qui connait une progression de ventes « parmi les plus importantes constatées ces dernières années dans la grande distribution », prouve qu’il est possible de faire bouger les lignes en embarquant le consommateur dans une démarche militante.
Pour certaines marques, changer la manière de concevoir les produits et revoir l’ensemble de la chaîne de valeur pourrait être une question de survie, d’autant que les nouvelles générations imposent leurs pratiques de consommation et privilégient définitivement les marques éthiques, dont les valeurs entrent en résonance avec les leurs. Ce changement supposerait d’ouvrir les portes de son entreprise pour tout montrer, tout dire, et d’avancer en mode « open source », sans promettre d’être parfait mais en s’engageant à faire mieux et à faire plus. C’est tout l’enjeu des prochaines années pour le secteur de l’agroalimentaire.