La publicité et la communication des entreprises prennent-elles un peu trop souvent pour modèle les Etats-Unis au point de perdre un pan de notre identité ? La question est posée dans un ouvrage baptisé : » la communication américanoïde ».
Les mots ont un sens… S’interroger sur l’influence d’un modèle nord-américain, dans la publicité française est clairement une question légitime. On le voit bien, les annonceurs aidés consciemment ou inconsciemment par les publicitaires utilisent sans aucun quota, les codes d’une société américaine devenue depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale et la mise en place du Plan Marshall un modèle de référence. Un modèle parfois utilisé jusqu’à la caricature où les vocables et autres formulations en langue anglaise sont omniprésents. On appelle cela l’ »américanoïsation » de notre société. Un terme différent mais non éloigné de l’américanisation. Un terme développé dans un livre baptisé : « La Communication américanoïde », écrit par Christian Joli, traducteur-interprète et consultant en communication.
Quel intérêt y-a-t-il à prendre en permanence un pays et une culture sclérosés par la consommation et la surconsommation de média ? Une société ou l’entertainment monopolise la culture américaine au point d’en faire émerger une inculture et qui finit par voter pour Donald Trump. L’essai décrypte la présence de la langue et de la culture nord-américaines dans notre communication, mais aussi dans les messages publicitaires. L’idée n’est pas de sortir un pamphlet anti américain voire même chauviniste mais plutôt de tendre un miroir critique et de nous interroger sur ce qui motive réellement nos emprunts -parfois malhabiles et à contresens de notre langue et de notre culture- au monde anglo-saxon. Parlons-nous de chocs culturels ou d’une stratégie calculée qui mènerait vers de simples résultats commerciaux ? Précisions avec l’auteur d’un vrai problème ou pour les plus optimistes d’un phénomène de société…
INfluencia : utiliser les vocables et autres formulations de langue anglaise peut-il avoir une répercussion sur notre culture ?
Christian Joli : bien entendu. Quelques exemples. Cela se fait insidieusement, aujourd’hui, les hommes mettent un genou à terre pour demander une femme en mariage. Tout le monde s’étreint (hug) et se tape dans les mains à l’américaine (high five) dans les feuilletons et messages publicitaires français. À propos de mariage, le paronyme anglais « marriage » représente le couple, l’union, le foyer. Tandis que « mariage » en Français se dit wedding en anglais. Or, dans les doublages de feuilletons et dans certains articles, on entend et lit « Je veux sauver mon mariage » au sens de « foyer ». De même que la loi stipule que les documents commerciaux soient rédigés en français, il est anormal que, depuis des années, la marque des décimales soit remplacée par le point anglo-américain dans les tarifs, la P.L.V et les rayons des magasins. Car les décimales se marquent d’une virgule en français. Bien entendu, les termes américains intraduisibles peuvent enrichir notre langue. Signalons qu’une commission gouvernementale propose des traductions pour les mots étrangers, majoritairement anglo-américains, et que l’A.P.F.A promeut la langue française dans le monde des affaires francophone.
IN : se servir des codes de la société américaine (villes, grand espaces, etc ) peut-il générer un complexe d’infériorité ?
C.J. : il est vrai que nombre de Français considèrent l’Amérique comme le phare du monde et qu’ils sont beaucoup à donner des noms américains à leurs enfants. L’ignorance de la langue anglaise les amène alors à opter pour par exemple « Steeve » ou « Rayane » (respectivement Steve, diminutif de Stephen, mal prononcé par les Français, et Ryan). Partant de là, on peut déceler un complexe d’infériorité diffus dans la société française. Pour beaucoup, ce qui est bien, c’est ce qui se fait « à l’américaine », sans que soit connues correctement les pratiques américaines.
IN : que penser des agences qui prennent constamment la culture et les paysages américains pour vendre des produits français aux Français ?
C.J. : on parle de « localisation », c’est-à-dire d’adaptation au marché visé et à sa culture. Il y a donc là une contradiction. Je pense que cela vient du fait que les grandes agences sont dirigés par des baby-boomers fascinés par la Grande Amérique.
IN : en matière de communication, sommes-nous vraiment en retard sur les Américains ?
C.J. : pas du tout. En dehors de ce que j’appelle la génuflexion culturelle, les agences françaises sont estimables et florissantes. Et internationales, pour certaines d’entre elles.
IN : que valent les théories mercatiques françaises par rapport à celles venues des USA ?
C.J. : les besoins des individus, au moins dans le monde occidental (et partout ailleurs), sont les mêmes et les ressorts de l’acte d’achat sont les mêmes de part et d’autre de l’Atlantique.
IN : que pouvons-nous opposer/proposer à votre théorie de « communication américanoïde » ?
C.J. : peut-être une réflexion sur l’opportunité de concevoir des messages adaptés à la langue et à la culture française. Baptiser d’un nom « américanoïde » ou anglais des produits français destinés aux Français n’est nullement gage de succès. Pas plus que de les mettre en scène dans Monument Valley ou les rues de Manhattan.
IN : les résultats commerciaux seraient-ils meilleurs avec une communication plus proche de notre culture ?
C.J. : il me semble. Dans les années 1950, les Renault avaient des noms français, par exemple (Ondine, Prairie, Dauphine, etc.) et la marque représentait un bien plus fort pourcentage de pénétration du marché français qu’aujourd’hui.
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