8 mai 2017

Temps de lecture : 6 min

Le snack content peut-il dévaloriser la production de contenu ?

Deux mois après le lancement de LIVE, la nouvelle méthodologie globale social media de McCANN France, l'agence Rébellion propose de la création de snack content illimité sur les réseaux sociaux à un tarif forfaitaire mensuel.

Deux mois après le lancement de LIVE, la nouvelle méthodologie globale social media de McCANN France, l’agence Rébellion propose de la création de snack content illimité sur les réseaux sociaux à un tarif forfaitaire mensuel.

En lançant en début d’année une nouvelle offre globale pour répondre aux enjeux du social média dans la pub et le marketing, le groupe McCANN France confirmait un postulat: pour renforcer l’engagement des marques, les agences sont en pleine transition d’ajustement. Deux mois plus tard, Rébellion annonce le lancement de son Studio Social Media. Cette nouvelle offre auto-proclamée « inédite et innovante » prend le pari de répondre aux besoins sociaux des annonceurs en proposant du snack content illimité à un tarif unique mensuel.

Sans engagement, le Studio Social Media assure la création de contenu digital illimité à un prix mensuel annoncé, en l’occurrence 4800 euros par mois. Pour 6000 euros , Rébellion ajoute la stratégie pour une solution globale de gestion des réseaux sociaux. Comment cela marche-t-il ? D’abord par l’anticipation, nous explique l’agence: un planning des temps forts de communication sur 6 mois à 1 an est établi afin d’anticiper et préparer des publications pertinentes et créatives pour chaque marque. Par la réaction ensuite, en permettant une réactivité totale pour répondre instantanément à l’actualité, aux #TT les plus chauds de la journée.

En recevant le communiqué de presse, notre premier réflexe a été de juger cette nouvelle offre comme très pernicieuse. Nos procès n’étant heureusement jamais staliniens, nous avons donné la parole aux accusés, Nicolas Boccaccio et David Aït-Ali, directeurs associés de Rébellion.

INfluencia: n’avez-vous pas le sentiment avec cette offre d’ouvrir la boîte de Pandore de l’industrialisation de la création de contenu ?

Nicolas Boccaccio: ce n’est pas une réponse industrielle, c’est une réponse concrète qui est pensée autour de la création. Nous avons observé qu’en mettant autour de la table des profils très différents (concepteurs rédacteurs, DA, motion designers, photographes) se créait une véritable émulation créatrice de valeur. L’émulation permet de créer beaucoup d’idées qui sont idéales pour du snack content, à consommer tout de suite, sans vocation à avoir une importante durée de vie. Par ailleurs, plus concrètement, nous limitons le nombre de clients à 10 pour cette première année car nous savons qu’au-delà, avec nos équipes, nous allons perdre en créativité et ça c’est plutôt l’essence d’un travail d’artisan. Pour finir, cette offre n’est pas là pour plaire aux autres agences mais aux clients.

IN: sans avoir de limite, le client peut a priori demander n’importe quoi. Il doit donc forcément y avoir un quota à ne pas dépasser, non ?

David Aït-Ali: nous avons déjà commencé le Studio Social Media en test avec 2 marques et pas de souci de ce côté-là. Cela dit nous imaginons bien que ce problème pointera le bout de son nez, mais nous sommes aussi convaincus que nous pouvons faire cela de manière intelligente. Quel intérêt aujourd’hui pour une marque de gaver ses utilisateurs de contenu toute la journée ? On sait très bien que c’est contre-productif. En tout cas, si nos clients ne le savent pas, c’est à nous de leur expliquer.

IN: est-ce injuste et réducteur de percevoir votre offre comme de l’usinage de contenu tarifé ?

DA-A: encore une fois, cette offre est pensée d’abord pour le client, pas pour notre ego. Nous savons que les clients ont parfois des CM en interne qui sont par exemple sous l’eau car ils font du SAV toute la journée. Le but du Studio Social Media c’est aussi de donner à ces équipes un contenu de qualité, que malheureusement ils n’ont pas toujours le temps de créer.

NB: si dans usinage vous entendez mauvais qualité, alors oui c’est réducteur et c’est une erreur. Si dans usinage vous entendez que nous avons réuni des équipes créatives dans un lieu de production dédié avec des moyens de production à leur disposition en permanence au service de leurs idées, alors peut-être, mais c’est ce principe là, qui fonctionne.

IN: quelle est la valeur ajoutée de votre offre pour un annonceur, à l’heure où le qualitatif reprend la main sur le quantitatif ?

DA-A: attention, le Studio Social Media n’est pas du tout là pour remplacer le contenu « haute couture ». Nous continuons nous mêmes de pondre des contenus différents qui font l’ADN de Rébellion. Le studio Social Media est une offre spécifique. Elle est là pour donner du contenu là aussi spécifique aux réseaux sociaux. Pas pour remplacer toute forme de publicité.

NB: la qualité c’est un prérequis ! Cependant les annonceurs ne souhaitent plus aujourd’hui transposer les budgets pub à du social media, ce n’est ni rationnel, ni pragmatique. Les réseaux sociaux doivent être plus nourris, c’est un fait. De plus les consommateurs ne veulent plus avoir uniquement l’équivalent des contenus pub mais des contenus plus aspirationels, plus crafts, plus authentiques, plus sincères qui vont rendre la marque plus humaine et plus proche d’eux.

IN: à trop vouloir répondre en permanence aux exigences du consommateur, la pub ne va t-elle pas perdre la main et laisser sa cible lui dicter presque entièrement ses stratégies de création de contenus ?

DA-A: c’est une question qui ne se pose pas qu’au problème du snack content, non ? Mais je pense qu’il y a toujours eu dans le monde de la pub comme ailleurs ceux qui suivent les études, les sondages etc… et ceux qui donnent la mesure. Parfois ces derniers sont tellement en avance qu’ils se plantent complètement. Par exemple, aujourd’hui nous avons l’impression chez Rébellion que c’est le moment de lancer de notre Studio Social Media, les clients y sont prêts et même l’attendent. Peut-être que nous nous trompons, mais aux premiers retours, ce n’est pas l’impression que nous avons.

NB: la pub entend ce que dit le consommateur et le retranscrit avec les messages que souhaite porter la marque. Cela va dans le sens de l’histoire. Cette communication plus horizontale a été amenée par les réseaux sociaux et c’est très sain pour une marque de redevenir authentique, transparente, sincère (voir l’exemple de Fleury Michon). Les consommateurs sont plus engagés envers elles et au contraire c’est une ère de dialogue marque/consommateur plus qu’un dictat, quel qu’en soit le sens.

IN: mais avec le tout-snacking, la pub n’abandonne-t-elle pas la louable ambition de tirer le consommateur-citoyen vers le haut ? Ou alors vous ne considérez pas le snacking comme pernicieux à moyen ou long terme pour la hauteur et la réflexion intellectuelle du peuple  ?

DA-A: nous pensons sincèrement que celui-ci peut tirer le consommateur-citoyen vers le haut s’il est bien pensé. C’est peut-être cela le vrai challenge de demain, plutôt que d’essayer de revenir en arrière.  Nous pensons aussi sincèrement que le snack content peut tout à fait vivre à côté d’autres types de communication. Sinon Rébellion serait une agence de snack content. Et ce n’est pas le cas. Nous sommes une agence de communication et de publicité qui a en son sein une offre snack content, chiffrée, illimitée et sans engagement. C’est la nuance.

NB: le snacking, ce n’est pas de la pub. Dans le meilleur des mondes, la marque, qui écoute son consommateur, va mettre en œuvre une stratégie de communication portée et dynamisée par la pub mais qui va vivre dans le temps sur les réseaux sociaux. Le rôle du snack content c’est de faire vivre la marque aux côtés de ses consommateurs. S’il n’est pas séduit par ce qui lui est proposé, il ira voir ailleurs, obligeant donc la marque et les agences à donner du sens en permanence. Il en va de la pub comme du snack content.

IN: une jeune start-up comme Récital, lancée par Gilles Moyse, ex-Rocket Labs, veut révolutionner la production de contenu dans les médias par l’intelligence artificielle. A force de snacker, les agences de com’ ne préparent-elles pas le terrain pour les bots qui remplaceront les rédacteurs social ?

DA-A: c’est hyper intéressant comme débat. Nous ne croyons pas beaucoup aux barrières à l’innovation. Elles finissent par être brisées. Par contre, le challenge sera de toujours faire cela mieux qu’un bot. Dans un milieu aussi concurrentiel que le nôtre, de toutes façons avons-nous d’autres choix que de penser que nos idées sont meilleures que celles d’à côté ?

NB : un robot n’est par essence pas créatif. Je pense que la data a un véritable rôle à jouer pour imaginer des contenus en phase avec les attentes des consommateur mais que l’IA est et restera incapable de cela. Nous, Rébellion et notre offre Studio Social Media, nous sommes des artisans qui proposons une offre créative et pragmatique face aux attentes de nos clients, en aucun cas une start-up qui fonctionne avec des algorithmes. Nous avons foi en notre rôle et notre métier, nous voulons juste bouger les lignes. Ce que les acteurs importants n’oseront pas faire car ils ont beaucoup à perdre, nous tout à gagner.

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