A l’invitation d’Adobe Stock, l’artiste 3D Benoit Challand et le photographe Benoit Lapray ont questionné le rapport entre l’utile et l’esthétique à travers deux œuvres : Ecosystem Underpressure et Illuminati. À l’occasion des Chatons d’Or, le festival de la nouvelle économie créative qui se tiendra le 13 juin à l’Espace Niemeyer, nous avons voulu croisé leur regard pour en tirer des enseignements.
Les chatons : Comment vous êtes-vous dirigés dans la voie artistique ?
Benoit Challand (BC) : J’ai toujours voulu faire de la 3D pour la qualité rendue par le volume, la perspective et la lumière. J’ai donc travaillé de mon côté sur ma compétence 3D pendant que je travaillais dans une agence de création. Je me suis mis à mon compte en 2013, quand mon fils est né. C’est petit à petit que je suis venu à ne faire plus que de l’image, à travailler le détail et la composition.
Benoit Lapray (BL) : Après m’être cherché dans une école d’arts appliqués et une école de communication journalistique, j’ai pris une année sabbatique, multiplié les petits boulots et acheté mon premier appareil photo. J’ai alors décidé d’apprendre ce métier par l’alternance, sur le terrain. J’ai travaillé pour des studios et des photographes, puis ma série The Quest for the Absolute a explosé grâce à Behance et je me suis consacré à mes séries et à des shootings en tant que freelance.
Les chatons : En quoi ton œuvre est engagée ?
BC : J’ai voulu matérialiser l’écosystème par une plateforme pétrolière, qui use les ressources jusqu’à saturation. Cet épuisement représente l’impact des prouesses technologiques de l’Homme sur la planète. Le style coloré et le côté ludique doivent piquer la curiosité et inciter à observer les détails de la composition pour montrer les relations de causalité mises en scènes, comme la pollution qui se déverse dans les océans et les fumées toxiques rejetées dans l’atmosphère. La planète est une toupie pour montrer que l’on joue avec notre planète, les tuyaux, échelles et liquides sont liées car tous les éléments le sont. Le système solaire montre que notre écosystème est relié à d’autres, la fusée symbolise elle le fait que l’impact de l’Homme s’étend au-delà de la Terre.
BL : C’est une œuvre qui défend une idée et pointe du doigt une évolution de la société, elle est en cela engagée. Nous vivons avec l’Internet embarqué. Chaque instant est rentabilisé pour aller sur les réseaux. Mes images finiront sur une banque d’images et seront potentiellement dédiés à la communication, mais c’est une œuvre engagée dans le choix de son titre, Illuminati. C’est un jeu de mot sur l’information provenant de ces écrans qui nous illuminent, et l’aspect mystérieux, secret attaché à ce mot. On choisit, utilise et alimente le contenu véhiculé par les réseaux sociaux, on l’absorbe et on appartient ainsi à cette grande communauté. C’est ce titre qui me fait prendre position et oriente sa compréhension vers le second degré esthétique : ces images sombres de gens rangés, figés devant leur écran.
Les chatons : Pour vous, l’utile l’emporte-t-il sur l’esthétique ?
BC : Je réponds à des questions en tant que designer, alors qu’un artiste amène à se poser des questions. Je vois des œuvres ou des pubs où le fond se suffit à lui-même mais pour moi sans la forme, le message ne fait pas sens. La forme est l’outil du designer pour délivrer le message. Le designer doit apporter du fond, c’est son métier. L’esthétique est essentielle pour donner de la puissance au message même si parfois le fond peut se suffire à lui-même.
BL : Pour qu’une œuvre devienne emblématique, le fond doit l’emporter sur la forme. Mais la forme ne doit pas être délaissée pour autant. Avec l’art contemporain et les installations, qui nécessitent d’être initiés pour en saisir le concept, l’utile avait pris le pas sur l’esthétique. On revient à un équilibre désormais avec un art qui doit servir une idée en la rendant esthétiquement belle et accessible. C’est ce que j’essaye de faire : rendre accessible des concepts grâce à la forme.