Les récents changements politiques dans le monde ont permis à de nombreuses nouvelles histoires politiques de s’écrire avec, indépendamment des messages de fond, des partis-pris de représentation et de rapports à l’information forts. Ces nouveaux rapports à l’information font vaciller encore plus la confiance de l’ensemble des citoyens envers la plupart des émetteurs. Aujourd’hui les médias, et si demain, il s’agissait des marques ?
Dans Libération, le 17 mai dernier, Jean-Marie Dru s’est fendu d’une tribune dans laquelle il expliquait combien Emmanuel Macron à l’Elysée incarnait la disruption en politique. En effet, par sa volonté de rassembler les contraires politiques tout en les assumant en une seule représentation qui est sa vision de la charge présidentielle « jupitérienne », pour reprendre l’expression consacrée, il s’est assuré un état de grâce présidentiel inédit en France au XXIème siècle. Et cet état de grâce lui permet de remporter le second round électoral, à l’importance aussi grande que le premier : les législatives.
Certes, l’histoire présidentielle d’Emmanuel Macron n’est pas encore très longue. Mais, du Louvre à l’investiture, de Trump à Versailles, il a su montrer, aussi bien sur le plan national qu’international sa maitrise des symboles essentiels à la représentation de la France.
Sa parole, rare, prend plus de poids, bien qu’elle frustre les médias. Son audace lui permet non seulement d’aller troller Donald Trump en anglais, sur CNN, avec son propre slogan détourné au profit de la planète, mais encore d’affirmer à Versailles, à deux mètres de Vladimir Poutine, quels sont ses points de désaccord avec lui.
Marie-France Garaud, éminence grise de l‘Elysée pompidolien affirmait volontiers que la politique était « d’abord une histoire de rapports de domination entre êtres humains, puis une question de maitrise des symboles ». Force est de reconnaître que l’histoire écrite par Emmanuel Macron, un mois après son élection semble calquée sur cet adage politique.
Fake News, quand le mot donne le vrai
Cependant, si l’histoire écrite par Macron étonne et surprend au XXIème siècle par son classicisme assumé, l’information médiatique doit faire face à l’apparition de problèmes d’un nouveau genre : les fake news.
Popularisées par Donald Trump et par l’utilisation abusive qu’on lui en prête lors de sa campagne, elles consistent en l’affirmation en tant qu’informations de simples rumeurs, de nouvelles peu vérifiées, ou simplement d’histoires de communication purement inventées dans le but de nuire à son adversaire direct.
Outre, le discrédit qu’elles jettent sur l’ensemble des corps médiatiques, ces Fake News renvoient notre époque à l’un des plus anciens débats philosophiques, qui obséda le Moyen-Age durant près de 800 ans : la querelle des Universaux. L’un des aspects de cette passionnante question philosophique était le rapport du mot au vrai et à l’universel : pour l’un des camps, le nominalisme, la formulation simple du mot était, en elle-même capable de donner une certaine forme de réalité universelle aux choses. Ainsi, en disant ou en écrivant licorne ou dragon, voire en les dessinant, une réalité universelle est conférée à ces concepts purement imaginaires. Pour les réalistes au contraire, seule la chose existant en soi est réelle et renvoie à un concept universel, et les mots n’en sont que de simples vecteurs d’expression, incapables en soi de créer un nouvel universel. Ainsi, la licorne a t elle un fondement dans les réalités du cheval comme du narval, et c’est de ces réalités distinctes que, par un effort d’abstraction et d’hybridation, la licorne est créée, de manière purement artificielle.
Jusqu’à l’apparition des Fake News, les médias comme les politiques respectaient globalement un pacte de réalisme tacite qui permettait aux citoyens de se fier à eux et de leur prêter leur confiance. Avec l’irruption des Fake News, une forme de nominalisme a fait son entrée dans le champ de l’information politique. C’est le mot, ou l’affirmation qui donne le vrai, indépendamment de toute réalité. Le motif de crédibilité face à deux informations contradictoires ne dépend donc plus du fond de ces informations, ni de leur objectivité, mais simplement de la pertinence et de la fiabilité de l’émetteur, soit des critères d’interprétation purement subjectifs. Après tout, nul ne peut davantage vérifier les informations de CNN que celles de Russia Today ? Alors, pourquoi se fier à l’un plutôt qu’à l’autre ?
Au final, face à cette explosion du pacte de l’information, il ne reste plus alors qu’une question à se poser pour chaque citoyen : à quelle source d’information prêter le plus confiance ?
L’enjeu : devenir un émetteur légitime
Qu’il s’agisse de Macron comme des Fake News, le cœur du problème en communication est donc absolument le même : il s’agit de persuader et de convaincre de la légitimité et de la crédibilité de l’histoire que l’on veut raconter. Et pour cela, il convient d’apporter un maximum de preuves, non pas de la crédibilité de son histoire, ce serait trop simple, mais de sa propre légitimité d’émetteur, réaffirmer son droit à la parole. Pour cela, mythes et symboles sont d’un grand secours, car ils dépassent la simple affirmation de soi pour la placer dans un cadre plus universel, d’où, naturellement, la communication du bon message est simplifiée. En bref, adopter une posture de communication qui dépasse le commerce, puis la démontrer par le commerce.
Certes, les marques ne sont pas menacées de défiance de la même manière que les représentants politiques. Elles n’engendrent ni le même amour, ni la même déception, ni le même attachement émotionnel. Mais dans un contexte où les marques suivent souvent la voie tracée par les médias comme les politiques, la synthèse de la preuve et de l’histoire peut permettre de pallier ce manque de confiance dans l’émetteur. Plus la posture sera évidente et rehaussée par des motifs de crédibilité forts, moins le consommateur pourra émettre de doutes sur la qualité de ce qui est proposé à l’achat.
C’est ainsi que le Papier plein d’Histoires de Castorama, par exemple, peut légitimement prétendre devenir un cas emblématique et un étendard de l’enseigne. Grâce à ce cas, ce nouveau produit permet d’ancrer le nouveau positionnement de l’enseigne sur les liens et les belles histoires créées par le bricolage : le support de cette posture n’est plus simplement un film télévisé descendant, mais un dispositif complet et complexe irriguant l’ensemble de la marque, de la communication au produit, en passant par les RH, afin qu’elle incarne véritablement l’ensemble de ce lien. Et c’est par la prolifération de ces points de contact, par les actions commerciales et la synthèse des preuves qu’elle invoque et des mythes qu’elle génère qu’elle apparaitra aux yeux de sa cible comme le partenaire évident et légitime sur son secteur.
What If…
Et si, plus encore qu’une simple preuve, l’histoire devenait le produit, comme le fait par exemple la start-up, Histoires de Boîtes, qui crée pour les enfants des livres d’histoires qui se transforment en boîtes, afin que l’enfant découvre son histoire en jouant dedans ?
Et si une grande agence de presse comme Reuters ou l’AFP profitait de ce climat de méfiance entre les journalistes et le grand public pour réaffirmer sa légitimité en tant que source d’informations par rapport aux réseaux sociaux et autres générateurs de fake news ?