Si la publicité s’est longtemps construite sur du packshot édulcoré et un arrière-gout parfois artificiel, le phénomène inverse gagne du terrain : la publicité testimoniale. Laquelle puise ses sources dans la réalité et l’authenticité, flirtant avec le photo journalisme pour mieux séduire une génération non filtrée. La preuve avec deux campagnes tout juste sorties.
Selon une récente étude de l’agence McCarthy Group, 84% des millennials affirment ne pas aimer la publicité, jugée trop fallacieuse. Un constat implacable qu’anticipent certaines marques en faisant appel notamment à un registre plus authentique. Deux exemples très récents l’attestent : la campagne DDB°Paris pour l’Agence de Biomédecine et celle de DigitasLBi pour Nissan. Lesquelles ont plusieurs points en commun : un format vidéo court (de 1 à 1 minute 30), une série d’épisodes avec différents personnages et une approche « photo journalistique » en termes d’image et de narration.
Des films qui mordent le réel
Lorsqu’on prend l’opération de DDB°Paris pour le don d’organes, la parole est essentiellement donnée à 5 greffés. Leur témoignage personnel est particulièrement audible car, en plus d’être la preuve vivante que donner sert une cause vitale, il contient une charge émotionnelle rare. D’autant plus dans la publicité où règnent encore des scénarios artificiels à la « 99 francs ». En répondant aux questions les plus posées par le public sur le site, Jean Claude, Chloé ou Arthur, dont le corps accueille un organe étranger, ont un discours informatif et lucide qui légitime la publicité. Emotion, information et nouveau regard, DDB°Paris mobilise toute la palette de la sensibilisation. Et permet à l’émetteur d’être au plus proche du terrain, de valoriser ses interlocuteurs et ainsi de dédramatiser la situation. Après tout, le don d’organe est un sujet sensible. Adopter un registre testimonial et une approche sans filtre permet d’embrasser toute la complexité de la question.
Du côté de la vidéo signée DigitasLBi pour Nissan, le pari était plus risqué. Comment parler d’une voiture en jouant sur le registre du témoignage ? En mettant en lumière des hommes de l’ombre du football. Un secteur qui rassemble pour un angle qui détonne. Au lieu de braquer les projecteurs sur les stars du ballon rond, les créatifs se concentrent sur les coulisses en donnant le micro à Lee, le jardinier, Levis, l’agent de maintenance ou Victoria, la photographe. Une métaphore qui sort de l’imagerie construite à coup d’effets spéciaux et d’onirisme véhiculé par la plupart des marques automobiles. Nissan s’ancre ainsi dans le réel comme une enseigne du quotidien : le produit est mis en situation et s’adapte aux exigences multiples de ses futurs propriétaires. On regrettera néanmoins l’apparition de la voiture au début et à la fin de chaque spot : cela casse la dimension testimoniale d’une campagne qui mise pourtant moins sur le produit que d’habitude.
Un renversement des codes esthétiques
Il suffit de jeter un œil aux codes esthétiques des créatifs pour saisir le gouffre qui sépare la publicité depuis les années 60’s de celle du XXIème siècle. Aux visuels aseptisés succèdent des photos qui mordent le réel et lui rendent toute sa trivialité. A la narration spectaculaire s’ensuit un fil rouge brut proche de la réalité et qui va droit au but voire au cœur des cibles. Le rejet de la publicité édulcorée et fantasmée, mêlée à la montée du photojournalisme comme fenêtre sur le quotidien invite les créatifs à produire du contenu qui embrasse le réel
Certes, nous n’en sommes qu’aux balbutiements, mais ce type de prise de parole pourrait devenir un bon outil dans l’industrie publicitaire. Car c’est le moyen d’ancrer la consommation et le message publicitaire dans la réalité puis d’accompagner une génération devenue allergique à la bonne vieille réclame. Et pourtant, derrière ce genre de communication un peu plus brute, un peu plus réaliste, se cache toujours les mêmes produits. Mais c’est l’emballage qui crée tout à la fois désir et mystère.
DDB°Paris
DigitasLBi