Les lettres d’informations se portent bien. Merci pour elles ! Et les millennials ne sont pas la seule cible qui nécessite toujours plus de contenus spécifiques et personnalisés. L’élite politique et économique des hautes sphères décisionnaires sont aussi accros aux newsletters. Le Washington Post mise à nouveau sur elles pour devenir un allié incontournable du pouvoir.
Dans nos démocraties pyramidales, quand la base rejette le sommet avec dégoût, la faillite d’un système entêté dans sa dichotomie socio-économique est envisageable. Si de plus en plus de milliardaires de la Silicon Valley se convertissent au » survivalisme » pour préparer l’écroulement prochain, c’est que le chaos de la révolution des laissés-pour-compte est possible. Le constat est flippant : le pouvoir rebute comme jamais la plèbe, persuadée que ses vaudevilles de coursives et le cynisme de son arrivisme sont à la source de tous les maux inégalitaires. Théâtre des fantasmes accusateurs d’un peuple las, Washington D.C persiste pourtant dans son gouvernement de l’élite, par l’élite et pour l’élite. Celui des cercles d’influence autant prisés que méprisés. Pour conforter son circuit décisionnaire fermé, le pouvoir des collusions, celles entre politique et économie, s’appuie sur un allié digital redoutable : la newsletter. Celle-là même que les médias réinventent pour affiner un ciblage éditorial au service de la pertinence publicitaire.
Deux ans après le lancement de ses newsletters pour VIP, intitulées 202, le Washington Post, le quotidien du Watergate désormais aux mains du nouveau roi du monde, Jeff Bezos, ajoute trois nouvelles verticales pour séduire encore mieux les insiders très influents de la capitale. Avec trois journalistes et deux enquêteurs supplémentaires, plus de l’ad tech pour vendre de la pub native, PowerPost, la plate-forme digitale centralisatrice, ajoute la santé, l’énergie et la finance à ses newsletters d’ « intelligence pour les leaders ». Déjà dans le radar de l’élite de D.C, le quotidien veut devenir une source d’infos vitale pour les maîtres du jeu de Washington.
» Pour les médias, les newsletters constituent un gros levier d’engagement avec les gros poissons de D.C, qui les utilisent pour prendre le pouls de l’actualité du jour « , explique dans Digiday, Rachel Van Dongen, ancienne plume de Politico recrutée par PowerPost. Les hautes sphères de la pyramide sont évidemment très courtisées par les annonceurs, surtout ceux à qui profitent la densité et l’opacité du pouvoir. Les trois nouvelles newsletters de PowerPost ont déjà vendu du display et des campagnes de contenu personnalisé, intitulé BrandBriefs, à des mastodontes comme Pfizer, U.S. Bank et Koch Industries, la multinationale des ultra-conservateurs et climato-sceptiques frères Koch.
Et si la vérité marketing était macro et pas micro ?
Sans révéler le nombre d’abonnés à PowerPost, le quotidien national de la capitale fédérale assure que son porte-étendard, The Daily 202 est une des cinq newsletters les plus lues de la centaine réalisée et envoiyée par email via Carta, le système de management des newsletters anciennement appelé Paloma conçu in house par le Post. Comme toutes les autres newsletters 202, les nouvelles verticales prennent le pari de textes très longs de 3000 mots, en opposition à la stratégie de snacking prise par Politico et Axios avec leurs newsletters, Playbook et Top Ten. D’après Rachel Van Dongen des sondages réalisés auprès des lecteurs, actuels et potentiels, assurent qu’ils sont demandeurs de cette longueur. Sans surprise, PowerPost s’est appuyé sur Twitter, le réseau social le plus utilisé par ses cibles, pour attirer des nouveaux abonnés par des campagnes payantes.
Mais si le Graal se trouvait au-delà même de la micro-influence, quelque part dans la masse, auprès des consommateurs lambdas et des user generated cultures ? INfuencia se posait la question en juin dernier. D’après la donnée TGI de Kantar Media, 30 % de la population active en France est en effet un adviser : quelqu’un, qui sans être influenceur, commente ou laisse des notes, des avis sur internet. D’ailleurs, en parallèle de PowerPost, le Washington Post a lancé l’hiver dernier une newsletter hebdomadaire qui recense les meilleurs commentaires des lecteurs sur sa plateforme.
Avec ses taux d’ouverture au dessus des 20%, la newsletter continue d’être considérée comme un levier d’engagement quasi incontournable pour les médias. Tablant sur notre bonne volonté, ils nous en abreuvent à qui mieux-mieux, certains de rendre service au lecteur impatient, trop content de centraliser sa curation sur sa boîte email. Le problème est que saturation et trop plein calment vite les ardeurs initiales de l’inscription enthousiaste. Quand le manque de temps de nos sociétés trop pressées rattrape notre quotidien, la newsletter doit fourbir ses armes contre l’infobésité. Comment ? En ciblant. Gustave & Rosalie parle de » logique de proximité et de de mécanique narrative » pour justifier ses nouveaux rendez-vous hebdomadaires pour millennials parisiens.