C’est un fait, l’entertainment n’a jamais été autant au cœur de nos sociétés qu’à l’heure actuelle. Les signes ne trompent pas : les secteurs du jeu vidéo et des séries sont en train d’exploser, les consommateurs sont en quête perpétuelle d’expériences divertissantes et les professionnels du marketing et de la publicité n’ont de cesse d’injecter les bonnes pratiques de l’entertainment dans leurs travaux.
Nous avons de plus en plus de temps à accorder aux divertissements pour nous détendre et nous distraire, mais il semblerait que l’entertainment, dont les jeux vidéo font partie, ait à présent une nouvelle vocation : celle d’éveiller nos esprits. En effet, le divertissement a plusieurs facettes; une, purement distrayante, commerciale et industrielle, et une autre, visant à éduquer, élever et cultiver au travers d’expériences enrichissantes.
La complexité de ce secteur soulève un certain nombre de questions : la promesse aspirationnelle que semble faire l’entertainment est-elle fondée et tenue ? L’entertainment a-t-il un véritable impact sur nos sociétés, et si oui, dans quelle mesure ? Influence-t-il notre société au point de la gamifier ?
Une promesse aspirationnelle : l’entertainment nous rend-il meilleur ?
Ces vingts dernières années, la promesse faite par l’entertainment a largement évolué. Le secteur du jeu vidéo est à ce sujet l’un des plus représentatifs de cette mutation. A l’époque, les jeux étaient valorisés pour leur fonction primaire : divertir. La communication autour des sorties était axée sur les caractéristiques de base des jeux et faisait principalement appel à l’esprit joueur et compétitif de ses cibles. En 1999, la publicité télévisée de Tomb Raider : La Révélation Finale, 4ème opus d’une des franchises de jeux d’action-aventure les plus célèbres, se conclut sur ces quelques mots : ” Will the next tomb Lara Croft enters be her own ? Get the game, find out ! ” (La prochaîne tombe que Lara Croft découvrira sera-t-elle la sienne ? Achète le jeu et découvre la réponse !). Et pourtant, 16 ans plus tard, des titres tels que la série des Assassin’s Creed jouent de plus en plus avec des notions éditoriales aspirationnelles : en signant “ Oppression has to end ” (L’Oppression doit prendre fin) pour Syndicate en 2015 et “ Rise ” (Soulevez-vous) pour Assassin’s Creed 3, au lendemain du Printemps Arabe en 2012.
De plus en plus de séries et jeux vidéo ont pour ambition de faire davantage que du pur divertissement. On note, par exemple, Life Is Strange de Square Enix, qui a sorti très récemment son prequel “ Before the storm ” (Avant la tempête) avec une campagne signée “ One person can change everything ” (Une personne peut tout changer) ou encore la série Netflix, Thirteen Reasons Why, qui met sur la table certains sujets tabous tels que le suicide, le deuil, l’adultère, l’amitié, le viol et la dépression. Telles sont les promesses de l’entertainment d’aujourd’hui. Mais sont-elles toujours tenues ou servent-elles uniquement à la communication ? Il est difficile de répondre à cette question de façon tranchée, au risque de faire une généralité inexacte. Une chose est sûre, Life Is Strange et Thirteen Reasons Why ont généré énormément de conversations et ont, a priori, aidé de nombreux fans dans leur vie personnelle.
Il faut rappeler que cette tendance aspirationnelle va aussi de paire avec une grande mutation dans la conception des jeux vidéo, qui tend désormais à accorder autant d’importance au scénario et à l’immersion narrative qu’au gameplay. Aujourd’hui, les gamers ont besoin d’histoires auxquelles s’accrocher, et surtout de personnages auxquels s’identifier. On constate également que de plus en plus de séries nous surprennent avec des scénarios plus enrichissants et des personnages moins parfaits mais plus réalistes. On remarque d’ailleurs que Netflix a opté pour un traitement plus humains de ses héros Marvel : sous le prisme du “ street level superheroes ”, ces personnages ont des pouvoirs mais restent de simples êtres humains. En créant des conversations autour de thématiques nouvelles, l’entertainment devient acteur du développement culturel. On peut estimer que la promesse aspirationnelle est en partie remplie.
L’influence de l’entertainment sur nos sociétés
Les grands acteurs du divertissement ont un impact qui se dessine clairement dans nos vies et sur nos comportements. Le besoin de storytelling et d’immersion ainsi que la quête constante d’expériences se font ressentir chez la grande majorité d’entre nous. Alors que les choix présentés aux consommateurs n’ont jamais été aussi multiples et que l’on tend à aller vers un mode de consommation en “ self service ”, la nécessité de divertir à tout prix, partout, tout le temps et de manière personnalisée et contextualisée est de plus en plus forte. Nous avons aujourd’hui la capacité de choisir ce que l’on veut consommer, où et quand on le souhaite. Le divertissement est partout et l’augmentation de notre temps libre accentue son omniprésence. Les personnes qui utilisent les transports en commun s’ennuient ? Proposons leur une application de jeu smartphone pour y remédier ! La publicité classique n’arrive plus à toucher les jeunes ? Proposons leur de vivre des expériences et développons l’advergaming pour y remédier !
La société puise désormais dans les grandes forces du cinéma et du jeu vidéo pour se restructurer et moderniser son fonctionnement. La gamification est une réalité tentaculaire qui prend place dans des milieux que l’on soupçonnait à peine. Dans le monde du travail : des entreprises font le choix d’un management gamifié pour motiver leurs salariés, les processus de recrutement et de formation intègrent désormais des jeux ou “ serious games ”. L’éducation commence aussi à intégrer le jeu vidéo, comme en Norvège, où l’eSport (jeu vidéo compétitif) est enseigné au lycée avec comme supports des jeux tels que Counter Strike : Global Offensive, League of Legends, Dota 2 et Starcraft II. L’expérience d’achat et de fidélisation en magasins s’accapare aussi les bonnes pratiques du jeu vidéo. On pourrait même en venir à se demander si la quête de performance sociale (avoir le plus d’amis sur les réseaux sociaux et le plus de likes sur une photo de profil) ne serait pas, elle aussi, influencée par les codes du gaming ?