Alors qu’une centaine de ses joueurs, la plupart afro-américains, sont au coeur d’un affrontement médiatico-politique avec Donald Trump, la NFL et ses droits de retransmission online symbolisent la bataille ultra concurrentielle que se livrent les géants du web sur un marché de la vidéo digitale qui ne cesse d’exploser.
En moins d’un an, le président des Etats-Unis a donc réussi l’exploit historique de se mettre à dos les acteurs majeurs des deux principaux sports professionnels de l’Oncle Sam: la NBA (basket) d’abord, en annulant d’un tweet d’adolescent vexé la traditionnelle visite de l’équipe championne à la Maison-Blanche ; la NFL (football américain) ensuite en injuriant comme un vulgaire beauf de comptoir la centaine de joueurs qui depuis les incidents de Charlottesville snobent l’hymne national et le drapeau étoilé avant chaque match. En traitant un frondeur charismatique de « fils de pute qui doit être viré » ,Trump s’est même mis à dos les propriétaires milliardaires des franchises NFL, qui jusque-là le soutenaient dans son action politique. Si le patron de la NBA soutient sans le moindre bémol ses joueurs, l’hypocrisie et la prudence des dirigeants de la NFL affectent l’image de leur ligue. Mais alors que les audiences TV sont pour l’instant en très forte baisse, Amazon, Twitter et Facebook se battent eux à coup de très gros chèques pour se payer les droits de retransmission sur la Toile. C’est la confirmation de la difficile chicane vidéo prise par les médias et réseaux sociaux, alors que le digital veut détrôner la TV comme premier canal de diffusion.
Dans le jargon sportif, on appellerait cela se tirer la bourre. La saison dernière, la NFL avait conclu un accord inédit avec Twitter pour la retransmission gratuite de dix matches le jeudi soir. L’opération a été un succès d’audience, ouvrant l’appétit de la concurrence. Pour la saison débutée il y a plus d’un mois maintenant, c’est Amazon qui a raflé la mise: les dix matches du jeudi sont accessibles aux abonnés Prime. Quid de Facebook ? Un an après le partenariat de Twitter avec la NBA pour la diffusion d’une émission d’avant-match en live streaming, le premier réseau social du monde a tout récemment annoncé que les résumés de tous les matches de la NFL seront bientôt disponibles gratuitement sur sa plate-forme après chaque journée de championnat. En mai, Facebook avait déjà signé un accord avec la MLB (baseball) pour diffuser vingt matches de saison régulière en direct. Un mois plus tard Twitter tombait d’accord avec Fox Sports pour assurer le streaming en direct de matches de la Ligue des champions (football). Si vous doutiez encore par zèle d’entêtement que Twitter, Amazon et Facebook font de la vidéo, et notamment du divertissement sportif, un axe majeur de développement, vous pouvez enlever vos oeillères.
La bataille des trois mastodontes pour la constitution d’une offre de contenus exclusifs passe évidemment aujourd’hui par les grands rendez-vous sportifs, ces jeux du cirque modernes d’une plèbe en demande de diversion. Faire oublier et compenser constituent aujourd’hui les premières vertus de l’entertainment. Si la religion n’est plus franchement son opium, désolé Karl, le peuple est par contre complètement accroc au divertissement vidéo. C’est sa cocaïne. Logique donc que les GAFA et Twitter se ruent sur l’aubaine pour nourrir un marché digital qui ne cesse de grossir en même temps que les capacités technologiques des smartphones et des réseaux web accroissent le champ des possibilités. Les chiffres publiés dans le dernier rapport de Business Insider sur la vidéo sociale parlent d’eux-mêmes.
Le gâteau de la pub TV à subtiliser pèse 180 milliards
Citant une étude de Zenith analysée par Recode en juillet dernier, rappellait que la publicité vidéo sur le digital devrait progresser de 23% en 2017 pour dépasser les 25 milliards d’euros. D’ici 2019 la vidéo online pourrait représenter 31% du display publicitaire global sur le digital, alors qu’aux Etats-Unis les dépenses dans la social vidéo dépasseront les 3 milliards d’euros, soit 20% des revenus publicitaires totaux des médias sociaux. « Le but ultime des acteurs majeurs de la vidéo digitale est de créer un marché qui peut concurrencer et éventuellement surpasser celui de la télévision. L’an dernier par exemple, Google a réussi à persuader Interpublic de transférer quasi 250 millions d’euros de budgets TV vers YouTube », explique Business Insider.
Pour la première fois depuis l’avènement de la vidéo online et sur les médias sociaux, 2016 a vu la dépense publicitaire sur le digital dépasser celle sur la télévision. Toujours selon Zenith , la consommation moyenne de vidéos online par le citoyen lambda sera de 47,4 minutes en 2017 avec une hausse de 35% du visionnage sur mobile. Pas étonnant donc que les plate-formes sociales investissent pour se doter de librairies de contenus exclusifs de qualité, capables de gonfler les recettes par du pre-roll et du mid-roll. Il est intéressant de constater que l’étude fait d’Instagram le principal outsider et le futur premier concurrent de YouTube. « Les médias digitaux mettent le paquet sur la vidéo pour récupérer une partie des 180 milliards qui sont dépensés dans la pub TV classique. Pour les marques, comprendre les différences entre chaque plate-forme est crucial », résume Business Insider.