Décidément la relation client est sous le feu des frondeurs, bien décidés à remettre en question ses principes cardinaux pour replacer l’humain au coeur de son processus. Une étude du Boston Consulting Group conforte, elle, la place de l’Homme face aux machines. Ouf…
« Mesdames et messieurs, croyez-vous sincèrement sans tomber dans un ridicule qui n’eût été que risible si ses convictions n’étaient pas tombées dans le domaine du mythe trop tenace, que mon client veuille, ne serait-ce qu’un instant, remplacer l’Homme. Voyons, soyons un peu sérieux. Mon client est jeté aux gémonies pour un crime que non seulement il n’a pas encore commis, mais qu’in fine il ne commettra jamais. » La plaidoirie imaginaire est celle d’un avocat pas comme les autres, un robot humanoïde, qui en robe noire et épitoge blanche défend un accusé caché malgré lui dans les algorithmes surpuissants de l’ordinateur posé sur le banc: l’intelligence artificielle. Dans ce scénario de film de science-fiction, nous sommes en 2018 et l’humanité se retourne contre sa propre création. Fantasme de scribouillard ou prophétie visionnaire ? Personne ne peut le dire et c’est ce qui rend les rapports et études sur l’IA aussi intéressants. La dernière en date est celle du Boston Consulting Group. Elle s’interroge sur « la place de l’interaction humaine dans la relation client à horizon 5-10 ans. »
S’il est acquis que les nouvelles technologies continueront de transformer profondément cette expérience client remise en cause par les agences comme les start-up qui pourtant en vivent, elles ne remplaceront pas l’humain pour autant: voilà sommairement la vision des 105 cadres interrogés par le BCG en partenariat avec l’Association Française de la Relation Client. Pour 60% d’entre eux, la part de l’interaction humaine devrait rester stable ou augmenter et s’orienter vers des activités à plus forte valeur ajoutée. Pour 90% des entreprises, cette réinvention de l’humain devrait être un important levier de croissance. Son impact sera significatif sur les volumes de vente et le chiffre d’affaires à condition de ne pas se limiter au développement d’outils, mais de repenser plus largement la culture de l’entreprise, les modes de travail et la gestion des talents.
L’étude assure également que 50% des entreprises pensent que l’internet des objets et l’intelligence artificielle auront des applications concrètes dans la relation client, impactant les moyens de communication utilisés et la nature des interactions client/entreprise. Or, si pour 74% des répondants ces innovations digitales permettront d’améliorer la qualité de l’expérience client, une majorité d’entreprises n’envisagent pas une baisse de l’interaction humaine à l’avenir. En particulier, 71% des sondés considèrent qu’elle devrait rester stable voire augmenter pendant la vente.
« Ces technologies ne sont pas capables de prendre le relais sur l’interaction humaine »
« Cette étude confirme un avis partagé par de nombreux professionnels de l’expérience client, à savoir : l’interaction humaine est, et restera dans les 5-10 ans à venir, primordiale lorsqu’il s’agit d’apporter au client du conseil/expertise, de l’empathie et des services personnalisés. Mais le fait que le management de la relation client doive évoluer vers plus d’expérience ne signifie pas forcément plus d’humain », résume Karen Lellouche-Tordjman, directrice associée au Boston Consulting Group, en charge de l’expertise Marketing, Vente et Pricing. Au-delà de ce constat, que signifie cette étude ? Nous avons interrogé Karen Lellouche-Tordjman.
IN: cette étude est-elle un pied de nez aux bots et à l’IA ?
Karen Lellouche-Tordjman: elle confirme plutôt que, dans leurs formes actuelles, ces technologies ne sont pas capables de totalement prendre le relais sur l’interaction humaine. C’est d’ailleurs un des principaux enseignements de l’étude : contrairement à ce que l’on aurait pu penser, l’essor du digital n’est pas pour autant synonyme de supplantation de l’interaction humaine. Tous deux ont un rôle à jouer pour offrir une expérience client de qualité, en répondant à des attentes différentes des clients. Ils sont complémentaires et voués à être positionnés sur des aspects différents de la relation client.
IN: dans un avenir plus lointain l’IA pourra-t-il remplacer l’Homme. Ou en ce qui concerne la relation client la machine ne sera t-elle toujours qu’un complément ?
K.L-T: aujourd’hui, la machine est capable de se substituer à l’interaction humaine pour la gestion d’actes simples, sans grande valeur ajoutée pour le client, mais elle n’est qu’un complément. L’état actuel des technologies ne permet pas de remplacer la valeur ajoutée de l’humain, et d’après notre étude, ce sera toujours le cas dans 5-10 ans. Ce qu’elle sera en mesure d’effectuer dans un avenir plus lointain, et notamment si elle saura faire preuve d’empathie, appartient cependant aux domaines des suppositions. Il est encore difficile de définir si et quand l’IA pourra remplir ces fonctions. Sans compter qu’il y a toujours un décalage entre l’état de la recherche et l’adoption dans les modes de travail des entreprises.
IN: quelle sera selon vous la relation client de 2050 ?
K.L-T: qui en 1990 aurait pu imaginer à quoi allait ressembler la relation client en 2017 ? La relation client est en perpétuelle évolution, elle doit constamment s’adapter aux attentes des consommateurs, elles-mêmes façonnées par de multiples tendances et facteurs (sociétaux, environnementaux, technologiques, etc….). La relation client de 2050 sera donc très différente de celle d’aujourd’hui, et c’est la seule chose que l’on peut affirmer avec certitude !