Avec l’organisation à but non lucratif Creative Spirit, la pub veut être le fer de lance de la lutte contre la discrimination professionnelle envers les handicapés mentaux. La campagne de lancement aux Etats-Unis veut aussi convaincre que la diversité est une bonne chose pour les agences.
Honnie par les ennemis de la bien-pensance supposée des bobos intellos-gauchistes qui vivent dans leur bulle de bienveillance, la société inclusive symbolise, par le débat virulent qu’elle suscite, la débilité de ces guéguerres idéologiques. Les chapelles qui s’opposent sont tellement ethno-centrées qu’elles en oublient le bon sens de l’humanisme universel sur lequel reposent encore nos sociétés occidentales démocratiques. Aux Etats-Unis, 85% des handicapés mentaux sont sans emploi, vouloir changer cette donne cynique devrait relever du devoir moral. Pour le lancement chez l’Oncle Sam de l’agence australienne à but non lucratif Creative Spirit, la pub met les mains dans le cambouis. Avec une dose d’auto-dérision et un message économique comme argument de persuasion.
Lancée en 2011, Down under par Droga 5 Australie pour convaincre l’industrie publicitaire d’embaucher plus de déficients intellectuels et cérébraux, Creative Spirit a pu compter sur la collaboration de trois agences et d’une boîte de prod pour réussir son arrivée aux Etats-Unis. Intitulée très justement » The Pitch « , la campagne a été conjointement pondue par Publicis New York, Rauxa, Marcel Sydney et Independent Media. En utilisant la double perception agence-client qui donne aux pitchs leur terreau moqueur, les cinq spots réalisés par Ned Benson, le cinéaste derrière la trilogie » The Disappearance of Eleanor Rigby » réussissent deux choses : faire sourire et crédibiliser le bon sens et l’intelligence des handicapés. Pour ce qui est du message économique » l’inclusion n’est pas seulement une obligation morale mais c’est aussi bon pour le business « , le ton un peu trop cul-cul et surjoué des directeurs créatifs le plombe un tantinet.
Face à la fausse modestie de l’auto-satisfaction de quatre patrons créatifs outre-Atlantique -Jeff Kling de Fallon Minneapolis, Pete Favat de Deutsch’s, Jeff Benjamin de Barton F. Graf et Jamie Robinson de Joan Creative, la campagne TV et online oppose la vision de quatre handicapés qui pour l’occasion se sont retrouvés à juger la prestation de son espéré(e) futur(e) patron(ne) dans la peau du client et pas celui de candidat à l’embauche. La pertinence et l’humour de leurs commentaires sont touchants et c’est le meilleur atout de » The Pitch « .
130 000 emplois d’ici 2020
» On veut forcer à regarder plus loin que le soi-disant handicap et à dépasser les idées préconçues. Cette collaboration a été très émouvante et nous a beaucoup appris à nous, publicitaires. Tous les participants à cette campagne ont compris au plus profond d’eux-mêmes la puissance des différences de perspectives », explique Ned Benson. Pour Laurel Rossi, CEO de Creative Spirit, » le manque d’opportunités professionnelles pour les personnes déficientes intellectuellement est un des plus gros défis de diversité à laquelle notre société est confrontée. Pourtant personne n’en parle « . Andy Bird, CCO de Publicis New York se félicite pour sa part d’être impliqué dans un projet qui » peut avoir un impact réel sur le statu quo dans (notre) industrie « .
Savoir que 50 agences sont intéressées pour faire évoluer les choses et signer la promesse d’engagement de Creative Spirit est déjà une victoire. Il y a six ans, l’organisation à but non lucratif était créé sur la base d’une ambition globale : que chaque agence de pub en Australie emploie une personne déficiente intellectuelle d’ici 2021. L’objectif de Creative Spirit aux Etats-Unis est plus chiffré : 130 000 embauches d’ici 2020 dans les médias, la pub, le marketing et les nouvelles technologies.