Comment analyser les intentions du langage visuel dans les contenus sociaux ? Puisque 63% d’entre-eux sont agrémentés d’images, McCann Worldgroup France répond par une étude pour s’immerger dans la part manquante du social listening.
Certaines études peuvent provoquer des prises de conscience et des profondes remises en question. Quitte à ce qu’elles soient précipitées. D’autres font aussi mal aux agences qu’un high kick de Patrice Evra, comme celle de la plateforme de contenu earned ou UGC, Olapic. Et oui, les consommateurs français font sept fois plus confiance aux photos postées sur les réseaux sociaux qu’aux publicités traditionnelles. Forcément ça interpelle. Transformation digitale oblige, le social media représente aujourd’hui le principal défi de l’engagement marketing et publicitaire. Sur la Toile, les marques ont besoin de réactivité, de ciblage, de pertinence, d’identité et d’identification. Pour tous ces leviers, le langage visuel est devenu primordial, mais encore faut-il que la pub dispose des outils pour mieux comprendre ses intentions.
Pour faire évoluer son approche social media en s’appuyant sur les expertises existantes, McCANN France a lancé, l’hiver dernier, LIVE, sa nouvelle méthodologie globale social media du groupe. Presque un an plus tard, l’agence s’est lancée dans un travail de recherche quasi scientifique pour gratter sous la carapace des images postées sur les réseaux sociaux. Récompensée par le Grand prix de l’IREP -à qui McCann avait présenté son projet, l’étude permet le développement d’une solution capable d’analyser une grande quantité d’images. Comment ? En s’appuyant sur un outil d’intelligence artificielle ainsi qu’une méthode d’analyse sur laquelle l’agence va continuer à travailler pour la prochaine étape dédiée à ses clients.
Comme l’expliquait le roi du smiley, Nicolas Loufrani, dans la dernière Revue INfluencia : » il existe aujourd’hui un besoin humain de communiquer et de communiquer le plus rapidement possible et de la manière la plus précise possible « . Il passe par les images. L’enjeu derrière l’étude de McCann est donc important et mérite qu’on prenne le temps d’en parler avec Pierre-Jean Bernard, Head of Social Media, et Régis Langlade, Strategic & Channel Planning.
IN : quelle était l’intention de départ quand vous vous êtes lancés dans cette étude comparable à un travail de recherche et avez-vous été surpris par les résultats ?
Pierre-Jean Bernard : les outils d’analyse visuelle existent déjà mais ils se contentent de repérer les présences de logos. Ce n’est pas une brique neuve mais pour nous, planneurs, elle reste trop légère pour vraiment bien comprendre les usages de visuels dans un environnement donné. Avec cette étude on tient un sujet de recherche, c’est une chance de pouvoir y consacrer autant de temps. A date, les conclusions de la première étape de l’étude sont inédites. Elles confirment que pour l’instant la machine sans l’analyste, ça ne marche pas. On s’est rendu compte en testant les outils que l’intelligence artificielle peut facilement décrire des grands corpus mais n’est pas capable d’analyser l’intention des images. L’IA peut aiguiller et donner des pistes mais l’insight, la transformation passent forcément par l’analyse humaine. On a tendance à faire croire que la donnée de la machine a valeur d’insight, ce n’est pas vrai. Peut-être que dans cinq ans cela aura changé. On a partagé publiquement les résultats de cette étape de méthodologie mais ceux de la deuxième étape, qui consistera à définir un ou deux thèmes précis en fonction des intérêts de nos clients et des visuels disponibles, seront réservés à nos clients.
Régis Langlade : il s’agit de comprendre le sens profond des images dans leur utilisation sur les réseaux sociaux. Pour être pertinent statistiquement, il faut constamment creuser pour comprendre l’histoire qui se cache derrière chaque élément statistique. Le sens profond des images et de ses intentions reste l’apanage de l’Humain. Il a fallu plonger dans cette abîme de contenus et plus tu creuses, plus c’est pertinent.
IN : quand la pub analyse plus en profondeur les intentions des images postées sur les réseaux sociaux, enclenche-t-elle la fin de la candeur dans le post des images ?
P-J. B. : sur les réseaux sociaux la mise en scène de soi au travers de posts visuels existe déjà, l’intention n’est pas innocente et on veut en comprendre le sens. Il y a toujours une raison derrière une image postée par un utilisateur ou un influenceur Pour la déchiffrer on s’appuie sur une grille d’analyse sémiologique développée pendant ce projet, elle constitue une base académique reconnue qui restreint la subjectivité.
R.L. : la stat permet de comprendre un ensemble et son analyse qualitative est limitée. On ne va pas tuer le sens de l’intention.
IN : a contrario le risque d’exacerber la mise en scène existe-t-il ?
P-J.B. : le consommateur d’aujourd’hui est déjà un marketeur, il connait les ficelles et ne tombe plus dedans. Le constat actuel est que la réclame a mauvaise pub et qu’il faut trouver une communication plus honnête et plus authentique. Peut-être qu’il va se passer exactement la même chose dans la communication visuelle sur les réseaux, qu’une nouvelle tendance au retour à l’authentique et au spontané naîtra en réponse à une sur-mise en scène. L’opposition contenu éphémère versus contenu durable existe déjà : le premier est plus spontané, le second beaucoup plus dans la mise en scène.
R.L. : c’est déjà exacerbé aujourd’hui, ça le sera juste à plus grand échelle selon moi. Il y a déjà des codes dans les images, on cherche à les comprendre. Comprendre comment une catégorie de contenus est normée de telle ou telle manière pour orienter la création de contenu en amont.
IN : peut-on dire que la finalité réside, ici, dans la pertinence ultime, le fantasme de tout publicitaire ?
R.L. : il y a deux façons de voir la finalité, qui est bien sûr la création pour le client d’un contenu le plus efficace possible sur la cible : l’analyse des contenus les plus performants pour identifier ce qui marche le mieux ou bien se dire au contraire que tout le monde fait la même chose et d’identifier des territoires plus vierges à préempter.
P-J.B. : dans la deuxième étape, il va s’agir aussi d’analyser la relation entre le visuel et le texte. On peut déjà constater à plein de reprises qu’il existe des gros décalages mais on part quand même un peu dans l’inconnu. On sait qu’il y a des corpus très normés et très homogènes, mais on ne sait pas si on trouvera des micro-opportunités importantes.
IN : toute l’industrie est sommée de comprendre les conséquences de l’avènement du langage visuel sur les réseaux sociaux. Cette étude n’est-elle donc qu’un passage obligé ou constitue-t-elle une réelle valeur ajoutée ?
P-J.B. : un peu des deux. Le sens de l’histoire est d’aller vers de plus en plus de contenus images et vidéos, donc les agences doivent aller dans cette direction. Mais à date, pour analyser l’image telle que nous avons commencé à le faire, les outils adaptés n’existaient pas donc notre démarche constitue une réelle valeur ajoutée.
R.L. : à la base, on a vu cela comme une valeur ajoutée et on s’est aperçus que c’était une obligation. Mais cela demande du temps et des moyens, donc une réelle volonté stratégique de l’agence. Nous voyons cette étude comme de la R&D de planneur stratégique, et faire ce travail de recherche est une chance.