3 décembre 2017

Temps de lecture : 3 min

Musique: le Hang ou l’art du marketing de la rareté

Conçu en 2001 et distribué au compte goute à des initiés mélomanes, cet instrument aux allures d’ovni a suscité un engouement mondial auquel ses créateurs ne s'attendaient pas. Résultat, des amateurs du monde entier se sont rendus dans la manufacture suisse pour en acheter un, sans succès. Car à l’image des baguettes dans Harry Potter, à chaque Hang son unique propriétaire.

Conçu en 2001 et distribué au compte goute à des initiés mélomanes, cet instrument aux allures d’ovni a suscité un engouement mondial auquel ses créateurs ne s’attendaient pas. Résultat, des amateurs du monde entier se sont rendus dans la manufacture suisse pour en acheter un, sans succès. Car à l’image des baguettes dans Harry Potter, à chaque Hang son unique propriétaire.

Le Hang, qui signifie main en dialecte bernois, est un instrument acoustique suisse de la famille des tambours d’acier (steeldrums) élaboré par Felix Rohner à partir de la fin des années 70. Au sein de sa manufacture bernoise nommée PANArt, le mélomane a consacré près de 40 ans de sa vie aux tambours d’acier, et notamment au Hang, jusqu’à fabriquer un bijou acoustique à l’architecture  » ovni  » et aux sonorités à la frontière entre la harpe et la cloche. Ce n’est pas seulement l’instrument qui est extraordinaire, mais aussi l’approche commerciale et marketing du produit. A travers une distribution ultra sélective et un marketing de la rareté assumé -bien qu’à l’origine non souhaité par ses fondateurs- la manufacture bernoise a réussi un coup de maître : faire de son instrument un des objets les plus convoités du début du XXIème siècle tout en limitant drastiquement sa distribution. Au point de devenir un mythe contemporain.

De l’ultra sélectivité au mythe

En 2001, après l’expertise et le long travail de physiciens et techniciens du son, le Hang est finalisé et disponible à l’atelier bernois, sur leur site internet ainsi que dans certains magasins suisses et internationaux. Une distribution ouverte contrebalancée par le coût élevé de l’instrument : 2400 francs suisses. Et pourtant, en 2005, 4300 Hangs sont déjà vendu. C’est ce décalage entre le désir d’achat frénétique et le temps de conception qui va contraindre Felix Rohner et sa compagne Sabina Schärer à freiner la vente et entrer dans un marketing de la préciosité non désiré. Le couple ferme leur adresse mail professionnelle, abandonne leur réseau de concessionnaires nationaux et internationaux ainsi que la partie commerciale de leur site internet. Leur petite entreprise conditionne même l’achat du Hang à l’envoi d’une lettre « de motivation » destinée à comprendre l’intérêt profond de l’acheteur. Malgré ces nombreux garde-fous, la demande ne faiblit pas. PANArt prend la nouvelle décision de limiter l’acquisition d’un Hang à la venue des intéressés dans son atelier. Le couple s’explique : « nous ne sommes pas une entreprise capitaliste qui a vocation à maximiser ses profits et s’intégrer à la consommation de masse. Le temps nécessaire à la fabrication d’un Hang fait que la demande est bien supérieure à l’offre, ce qui nous oblige à sélectionner les acquéreurs ».

La manufacture passe in fine d’une distribution ouverte à une distribution radicalement sélective corroborée par un prix très élevé. Et s’inscrit alors dans un marketing de la rareté qui reprend les codes du luxe : prix élevé, préciosité, distribution au compte goutte… donnant de facto une valeur symbolique immense au Hang. Pourtant, les décisions de Felix Rohner et Sabina Schärer n’avaient comme objectif que de préserver le caractère mystique et ésotérique de leur instrument sans propension marketing. Mais c’est presque mécaniquement que, face à cette rareté, l’obsession des potentiels consommateurs explose : « les gens sont venus de partout dans le monde, de l’Alaska, de Taiwan, de Chine, souvent sans rendez-vous… Vous pouvez imaginer leur déception quand ils ont compris qu’ils repartiraient bredouilles. Certains expriment leur frustration, leur colère ou se mettent à pleurer toute la journée… ».

Un engagement sur l’honneur : ne jamais revendre son Hang

Malgré ces digues posées, politiciens, médecins, psychologues ou passionnés de spiritualité cherchent à se procurer le mythique instrument. Car le Hang a des effets thérapeutiques exceptionnels, notamment la diminution de la pression artérielle de celui qui le joue. La sélection se fait par différents critères : la vision qu’à l’intéressé de la musique autour de la création et du partage, son influence sur l’être humain en terme d’ancrage spirituel, le rapport entretenu avec la société de consommation… Acheter un Hang nécessite de passer un véritable entretien pour différencier le consommateur de celui qui cherche l’éveil. Les heureux élus sont d’ailleurs liés à un engagement moral : ne jamais revendre leur Hang.

Et pourtant en 2015, sa fabrication est définitivement arrêtée. Une décision symbolique car, pour notre plus grand plaisir, PANArt travaillait déjà sur de nouveaux modèles de tambours d’acier non médiatisés. Un exemple, le Gubal, qui reprend certains principes du Hang tout en introduisant quelques nouveautés, notamment le corps de résonance rond à col incurvé. Comme le dit Antoine Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Avec une expertise forgée sur plus de 40 ans de travail, on peut être sûrs que Felix Rohner et Sabina Schärer sauront créer de nouveaux instruments hors du commun. La priorité désormais, c’est de maintenir l’ésotérisme consubstantiel aux tambours d’acier conçus par l’entreprise. Si vous n’êtes pas convaincus, jetez un œil aux vidéos situées en bas de la page : vous pourrez rapidement comprendre à quel point le Hang est un instrument comme vous n’en avez jamais vu. 

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