Début 2018, un nouvel hebdomadaire, Ebdo, est en kiosque. Pour reconquérir un lectorat populaire qui a tourné le dos à la presse, son agence de pub a pondu une campagne axée sur des valeurs fondamentales : celles que doit porter une presse indépendante.
» Les mots sont de grands magiciens et de redoutables entraîneurs de foules « . Chef de l’Etat pendant la Grande Guerre, Raymond Poincaré est bien placé pour savoir que si une image vaut mille mots, ceux, que Victor Hugo décrit comme » les passants mystérieux de l’âme « , possèdent face à la foule une puissance de mobilisation et d’adhésion unique. Face aux valeurs d’instantanéité et d’immédiateté de la vidéo auxquelles adhèrent par pragmatisme économique les média d’infos classiques pour faire face aux pure-players vidéo, les mots opposent celles du recul, du temps, de l’analyse, de la hauteur. Pour mieux défendre in fine la vision puriste d’un nouveau journalisme indépendant qui, faisant du neuf avec du vieux, re-pense une presse censée regagner la confiance des citoyens. Cette mission, c’est celle dont se targue le nouvel hebdomadaire Ebdo, lancé le 12 janvier par Rollin publications (XXI, 6 mois), sur la promesse déjà entendue et un brin éculée d’une info traitée autrement.
Pour promouvoir son arrivée en kiosque tout en assumant d’emblée son ambition -devenir le porte drapeau du renouveau de la presse- Ebdo a choisi Plus Plus Plus, selon le communiqué de presse de l’agence, devant Publicis Conseil et Relaxnews. Créée en octobre 2017 par Mickael Jeanne, ancien DC (Les Gaulois, H Paris) et Lionel Cassou, ancien DGA (The Brand Nation, Y&R, Leo Burnett, EuroRSCG), la nouvelle agence de pub a pondu une campagne » promouvant avant tout les valeurs fondamentales du journal, en donnant un point de vue fort sur le métier, sur ce qu’il devrait être « , dixit Lionel Cassou. C’est à dire un journal indépendant, libre, sans pub, accessible à tout public, participatif et au prix de l’abonnement selon les ressources de ses lecteurs. Un modèle économique utilisé par le récent 8ème Etage qui revendique aussi son indépendance.
Le journal dirigé par l’ancien député et ministre, Thierry Mandon, s’est d’ailleurs construit avec le soutien actif des lecteurs, qui ont été plus de 6000 à se pré-abonner à l’automne 2017 sur la plateforme KissKissBankBank lors de la campagne de financement participatif. Les échanges avec ces lecteurs se poursuivent grâce à la plateforme digitale » La Source « . Dans cette veine, Agence Plus Plus Plus a pensé une opération de lancement inédite chez les commerçants de proximité (boulangerie, boucherie) et sur les marchés.
» L’enjeu c’est d’abord la sincérité de la promesse «
Pour Lionel Cassou, l’enjeu est important: » L’époque a besoin de changement, dans la presse comme dans beaucoup d’autres secteurs, c’est la fin d’un » système » que les gens réfutent. Ebdo doit incarner ce changement « . Entretien avec un pubard convaincu.
INfluencia : un média, qui plus est print et nouveau, n’est pas un produit comme les autres. Comment assurer sa spécificité, avec quelles visions et ambitions publicitaires et où doit s’arrêter le rôle de l’agence ?
Lionel Cassou : bonne question ! Un média n’est en effet pas un produit comme les autres et la richesse de son contenu nous oblige à beaucoup d’humilité de notre coté. Notre rôle est d’arriver à formaliser avec force leurs convictions, de donner de la hauteur de vue au propos avec une campagne qui a du sens et touche les gens. Nous les avons aussi aidé à remettre les choses en perspective par rapport au contexte dans lequel il se trouve. C’est comme ça qu’est née la signature » À chaque époque son journal « , qui colle à l’image du renouveau de la presse incarnée par Ebdo. Ils avaient conscience de ce qu’ils étaient en train de créer, nous les avons aidé à le formaliser avec une signature et une campagne ambitieuse qui traduit cela. Qui plus est les projettent dans une forme de modernité incontestable tandis que la question du support papier devient secondaire. Ce qui était aussi notre objectif.
IN : qu’est-ce qui prime aujourd’hui pour un média print dans sa stratégie de com pré-lancement ?
L.C. : je dirais que c’est plutôt qu’est ce qui prime aujourd’hui pour le lancement d’un journal, qu’il soit print ou digital, ce sont les mêmes enjeux au fond. C’est d’abord la sincérité de la promesse que le journal fait à ses lecteurs, surtout quand on parle d’un média qui traite chaque semaine de sujets de société et qui entend renouveler le genre. Il faut sceller un pack de confiance avec son lectorat dés le départ. Mais c’est aussi les moyens que l’on va utiliser pour diffuser nos messages qui sont importants. Pour Ebdo, on a cherché à jouer au maximum la carte de la proximité, avec de l’affichage sauvage dans les grandes villes de France par exemple, ce qui n’est pas commun pour le lancement d’un journal. Avec une opération inédite dans des commerces de proximité et sur les marchés pour aller à la rencontre des lecteurs. Sans oublier le digital, qui est fondamental dans notre strat de com, pour aller toucher des cibles affinitaires, tester des messages. Nous diffusosn largement la campagne sur le web et les réseaux sociaux, et nous travaillons la prescription auprès des leaders d’opinion du secteur des médias, mais aussi plus largement de ceux qui partagent les valeurs du projet.
IN : donc comment lancer un média print aujourd’hui en tenant compte des deux contextes et écosystèmes (média et pub) et des cibles ?
L.C. : pour être honnête, le contexte économique de la presse n’est pas rentré en ligne de compte dans notre réflexion. Nous n’avons jamais chercher à défendre la presse papier ou même la presse en général. Notre objectif était de traduire le plus fidèlement possible la promesse que fait Ebdo à ses lecteurs pour les convaincre de lire le journal. C’est pourquoi à chaque valeur que l’on énonce dans la campagne, nous donnons la résultante comme preuve. En revanche, nous avons eu et nous avons toujours, une réflexion approfondie sur les cibles de conquête du journal. Dés le départ, Thierry Mandon, directeur de la publication, nous a dit qu’il voulait reconquérir un lectorat populaire qui a tourné le dos à la presse, une presse parisienne, distante, coupée des gens. On a intégré ce postulat dans notre campagne en reprenant des valeurs universelles comme liberté, égalité, fraternité pour parler d’Ebdo, mais aussi dans notre ciblage, sur le digital et sur le terrain, avec les actions que l’on mène. Je pense qu’Ebdo aura réussi son pari s’il arrive à convaincre des lecteurs qui ne lisent plus la presse. En tout cas, nous allons continuer à travailler sur ces cibles, notamment en digital, pour les inciter à lire Ebdo.