1 février 2018

Temps de lecture : 4 min

Le crowdfunding invente d’autres formes de médias

Quatre ans après le Prix Pulitzer du pure player d'investigation étasunien, " InsideClimateNews ", The Guardian Australie lance un " média dans le média " 100% environnement et enquête. Pour exister et jouer son rôle de contre-pouvoir, ce projet éditorial utile et ambitieux sollicite le soutien financier des citoyens.

Quatre ans après le Prix Pulitzer du pure player d’investigation étasunien,  » InsideClimateNews « , The Guardian Australie lance un  » média dans le média  » 100% environnement et enquête. Pour exister et jouer son rôle de contre-pouvoir, ce projet éditorial utile et ambitieux sollicite le soutien financier des citoyens.

 » Eh, camarade t’as pas cent balles ? « . Sur les plateformes de financement participatif -devenues une cash machine-, les médias puristes revendiquant un  » autre journalisme  » sont devenus le clochard analphabète de Coluche. C’est malheureusement le prix de l’indépendance économique et donc in fine éditoriale, seule capable de rabougrir la défiance grandissante et inquiétante des citoyens envers les médias généralistes traditionnels. En 2015, le pure player, Byline, proposait aux lecteurs d’être le rédacteur en chef et le contributeur financier unique de tous ses articles,  » parce que mélanger une pub de plus en plus native avec l’éditorial remet sérieusement en question la crédibilité des médias « , dixit Seung-yoon Lee, son co-fondateur. Deux ans plus tard, Explicite et Ebdo en France invitent, eux aussi, le crowdfunding dans le journalisme indépendant en ligne. Inspiré par les campagnes de financement populaire des plateformes thématiques  » This Land is Your Land « ,  » Break the Cycle  » et  » The Mother Load  » des éditions US du quotidien britannique, The Guardian Australie sollicite, à son tour, le lecteur-payeur pour financer un journalisme environnemental d’investigation. L’objectif a été atteint en 24 heures.

Lancée le 30 janvier à 6h, l’opération de crowfdunding est un succès révélateur d’une appétence réelle pour l’enquête journalistique. Surtout quand elle s’attaque aux  » menaces trop ignorées des dangers écologiques « , comme l’explique le quotidien australien sur la page de sa série online  » Our Wide Brown Land « , une sorte de média dans le média dédié à l’environnement. En 48 heures, la plateforme a récolté plus de 100 000 euros. Après moins d’une journée, l’objectif initial de 50 000 euros était dépassé et revu à la hausse à 150 000 euros. En presque trois jours, la campagne prévue pour s’étaler jusqu’en mai, a déjà amassé 115 000 euros. En France, en 45 jours sur Kiss Kiss Bank Bank, Ebdo avait réussi à lever 409 000 euros et Explicite, 165 000 en dix jours de moins.

 » Le soutien financier volontaire de nos lecteurs représente une source de revenus de plus en plus significative pour notre journal. Au contraire de beaucoup d’autres médias, nous avons choisi de ne pas avoir de paywall, pour que tout notre contenu reste accessible gratuitement « , argumente le journal pour justifier ses appels au peuple. Depuis l’an passé dans le cadre d’une politique assumée de diversification des revenus, The Guardian Australie propose des abonnements à 10 euros par mois ou 100 euros par an tout en sollicitant également le don one shoot, même de 1 euro. Précision importante, la quête de financement des séries spéciales comme  » Our Wide Brown Land  » ne s’inscrit dans aucun de ces deux programmes de collecte de fonds.

Les marques aussi sont les bienvenues pour mettre des sous

Pour convaincre lecteurs et simples curieux de supporter ses travaux, la nouvelle page 100% environnement du site web propose déjà plusieurs contenus au long cours. Dont une enquête sur la disparition inquiétante des barrières de protection de Dame nature. » Avec ce soutien, nos reporteurs spécialisés vont pouvoir enquêter pour comprendre les maux mais aussi les solutions écologiques. Le travail déjà accompli a été guidé par les recommandations et conseils des scientifiques, qui connaissent parfaitement les urgences. Nous savons que nos lecteurs son très concernés par la santé environnementale de leur pays et nous aimerions ensemble continuer ce qui a été commencé « , argumente Lenore Taylor, journaliste influente du quotidien.

Est-ce qu’une marque est la bienvenue pour soutenir elle aussi ces projets éditoriaux d’investigation indépendante ?  » Nous sommes ouverts pour que celle qui le souhaite égale le montant total récolté auprès des lecteurs », répond le journal dans AdNews. En fin de chaque article en ligne du Guardian britannique, si vous ne l’avez pas encore remarqué, un paragraphe intitulé  » Puisque vous êtes là  »  justifie la politique globale de contributions populaires du groupe :  » De plus en plus de gens nous lisent mais les revenus publicitaires baissent. Nous souhaitons rester ouverts à tous et gratuits autant que possible en ligne, vous comprendrez donc pourquoi nous avons besoin de vous. Le journalisme d’enquête demande beaucoup de temps, d’efforts et d’argent « . Le lecteur est alors invité par carte de crédit à y aller de son aumône.

L’investigation est l’âme de nos démocraties, elle peut donc être participative

Crée en 2008 aux Etats-Unis grâce à des fonds privés -dont ceux du Rockfeller Brothers Fund- InsideClimateNews ne joue pas dans la même cour que le Guardian ou bien celui de ProPublica et du Huffington Post, les deux autres médias online lauréats du Prix Pulitzer. Média d’investigation spécialisé, InsideClimateNews -récompensé en 2013 pour son enquête sur une marée noire dans l’état du Michigan en 2010- est entièrement dédié aux sujets liés au changement climatique, ses causes et ses conséquences, délaissés par les médias classiques.  » C’est l’histoire la plus captivante et intéressante de notre époque « , justifie son patron, David Sassoon. Pour lui   » l’investigation est l’âme de nos démocraties « .

Justement, avec la croissance du contenu de marque et la régression générale de la presse généraliste, l’avènement du journalisme pointilleux de long format constitue un équilibre obligatoire ? Oui. À l’heure du Twitter News Network, de l’info mâchée  » socialisée  » et du breaking news roi, le Web peut aussi fournir du journalisme d’enquête, léché et de fond. Et après tout pourquoi ne pas demander au citoyen de combler les lacunes budgétaires ou le manque d’audace des médias existants.

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