Comment une mère inexpérimentée peut se servir avec efficacité de la visibilité offerte par des billboards et comment la publicité peut avoir un impact sur les problèmes de citoyen. Telles sont les deux questions posées en filigrane par » 3 Billboards, outdoor Ebbing « . Un long métrage où les panneaux d’affichage tiennent la tête d’affiche et où les maux cherchent à s’exprimer par les mots. Puissant et émouvant, surtout à l’ère du soi-disant tout numérique.
« Billboards, outside Ebbing », réalisé par Martin McDonagh, est une vraie réussite. Pas seulement par son jeu d’acteurs, sa mise en scène et son histoire qui nous plongent aux tréfonds de l’Amérique dans toute sa réalité. C’est aussi une réussite car ce long métrage nous raconte sans concession tout en saisissant au cordeau la psychologie de chacun de ses personnages et les problèmes de société du pays, le moyen mis en œuvre par une mère qui a besoin de savoir qui a assassiné sa fille. Et qui, 7 mois après, n’en peut plus d’attendre face à la lenteur de l’enquête et à l’absence de communication et d’empathie de ceux qui la mènent.
Et ce moyen n’est autre que 3 panneaux d’affichage plus ou moins abandonnés pas très loin de chez elle mais suffisamment grands, parfaitement en enfilade et bien en bord de route pour interpeller qui de droit. A savoir les policiers et les édiles qui semblent sommeiller dans leur routine ou fatalisme. Aussi pacifiques qu’impressionnants, ces panneaux habillés de leurs affiches rouges barrées d’accroches noires pour simplement apostropher le shérif et réclamer que l’affaire soit résolue, créent instantanément l’événement tout en donnant une autre définition de la vengeance. Dérangeant en effet le voisinage localement et plus loin, ils alertent d’autres médias notamment des chaînes de télévision qui viennent sur place en reportage. Et surtout ils poussent les responsables à la réactivation des recherches, et a, enfin, prendre en considération la revendication de cette mère en lui fournissant quelques explications. Bref leur visibilité et leur effet de répétition créent l’émoi et les discussions au point d’être incendiés, mais c’est sans compter un deuxième jeu d’affiches, compris dans la location des panneaux, qui permet à cette mère tenace de ne rien lâcher.
La puissance d’un support et d’une accroche répétée
Au delà du drame, ces 3 billboards qui tiennent le rôle principal mettent en évidence quelques enseignements révélateurs sur nos sociétés soi-disant dématérialisées et individualistes. Tout d’abord, même en 2018, tout ne passe pas que par le numérique et les réseaux sociaux, surtout quand il s’agit d’humain, tandis que l’affichage outdoor tient encore ses promesses en terme de puissance et de mise en lumière d’un message. Mais aussi qu’il est bel et bien un support adéquate pour les coups médias… et pas seulement pour le fun. Puisqu’ici, au centre d’une peinture abrupte de la société américaine et absolument pas garant d’un happy end, il permet d’aborder un sujet grave et bien loin des préoccupations mercantiles ordinaires.
Enfin, ces supports de com extérieure utilisés de façon très particulière confirment combien la publicité est bien ancrée dans les mœurs au point que n’importe quel citoyen sans expérience peut s’en servir à son tour -et peut-être aussi bien qu’un pro de la créativité et du mediaplanning- comme un moyen de pression utile et très puissant en ouvrant par les mots le débat… un outil bien plus puissant et efficace que celui des armes, un des fléaux de ce pays. Même si la question de leur utilisation reste en suspens jusqu’à la fin, parce qu’on n’est pas au pays de Oui-Oui. Alors pas étonnant que ce film, un des favoris aux oscars, ait remporté 4 Golden Globes, dont celui du meilleur film dramatique, et surtout conquis le public français au regard de ses entrées.
Pour en savoir plus sur 3 Billboards cest pas ici.