6 février 2018

Temps de lecture : 5 min

Chère transformation digitale, il va falloir faire votre introspection

Est-il temps de changer de braquet et de vraiment évoluer ? Est-il temps d'adopter une décennie de technologie et d'innovation ? Eh bien oui, le temps est venu de fondre le digital dans notre quotidien pour qu'il ne soit plus associé à la transformation. On a exploré ce sujet à bord d'un TGV à 320 km/h avec des experts de la communication en route pour les Sommets du Digital à La Clusaz.

Est-il temps de changer de braquet et de vraiment évoluer ? Est-il temps d’adopter une décennie de technologie et d’innovation ? Eh bien oui, le temps est venu de fondre le digital dans notre quotidien pour qu’il ne soit plus associé à la transformation. On a exploré ce sujet à bord d’un TGV à 320 km/h avec des experts de la communication en route pour les Sommets du Digital à La Clusaz.

Elle fascine ou irrite. Elle fait sourire de désarroi ou d’enthousiasme. Elle désespère ses désenchantés ou rassemble ses partisans zélés. Elle reste encore mystérieuse voire impalpable pour ceux qui ne la comprennent pas encore, par envie frondeuse ou confort paresseux. Mais elle peut aussi être logique et évidente et facile pour ceux, agiles, qui s’amusent avec elle comme un gamin le 25 décembre avec son cadeau de Noël. Nous y sommes tous confrontés dans notre quotidien personnel ou professionnel, qu’elle a profondément modifié depuis dix ans à coup d’innovations technologiques. Elle, c’est la transformation digitale. La fameuse. L’intrigante. À trop se vendre comme un progrès pour le citoyen-consommateur qu’elle assure servir avec la bonté d’un domestique de Molière, la transformation digitale en oublie de faire son introspection. Magnanime, INfluencia l’a fait pour elle dans le TGV entre Paris et Annecy, sur les rails pour Les Sommets du Digital.

En dix années de profonde transformation par l’innovation technologique, l’industrie de la communication a testé mille choses, fait un pas en avant, puis encore deux avant de reculer pour mieux avancer. Aujourd’hui nous entrons dans l’ère de l’adoption. Celle qui va faire le tri. Mais on se demande quand même quand la transformation digitale va-t-elle s’arrêter, ou muter ?  » La transformation digitale aura une fin mais ce ne sera pas une fin en soi. Cette transformation est surtout culturelle, elle nécessite d’apprendre que rien ne sera plus pareil. Il faudra accepter une remise en question permanente. Le digital accélère l’innovation, bonne ou mauvaise. Le changement permanent fera partie de notre quotidien. Nous sommes dans une phase de friction intermédiaire dans laquelle le digital n’est qu’au début de la société fluide qu’il est en train de construire « , répond Philipp Schmidt, Chief Transformation Officer chez Prisma Media et Managing Director de Prisma Media Solutions.

Que veut le consommateur, c’est la vraie question

 » Nous sommes en train de passer dans une société fluide « , confirme Pascal Picq, paléoanthropologue français, maître de conférences du Collège de France  » On oublie que l’Humain est une espèce capable de s’adapter constamment et à tous les âges, même si on n’apprend pas de la même manière à tous les âges de la vie « . Pour Laura Pho Duc, directrice communication et marketing d’Alibaba France,  » la transformation digitale est impalpable. Et n’est, in fine, que la conséquence logique d’une réponse très poussée des entreprises aux besoins viscéraux des consommateurs.  » L’Homme a toujours voulu se rendre la vie plus facile. Uber a juste simplifié et fluidifié en enlevant des frictions, tout simplement » argumente-t-elle  » L’Homme a toujours créé des nouvelles technologies pour améliorer son quotidien et le digital, c’est du confort. On crée en même temps qu’on adopte et nos enfants vont continuer cette évolution avec une adoption naturelle des technologies qu’ils auront toujours connues. Que veut le consommateur, c’est la vraie question. Amazon pousse peut-être une attente mais il ne l’a pas créée « .

Philipp Schmidt ne dit pas autre chose quand il constate que  » le pouvoir est passé de l’entreprise aux consommateurs, qui ont le pouvoir de tuer une industrie vieille de 200 ans « . Et si comme il le dit,  » il faut accepter que demain n’est pas écrit « ,  » l’autre question essentielle concerne la capacité d’acquiescement des citoyens et des politiques. Elle seule pourra permettra le changement sine qua non instigué par ce  » monde nouveau qui n’a rien à voir avec ce qu’on a connu lors des deux derniers siècles « , dixit, Pascal Picq.  » Cette transformation se fait en trois temps : le temps de l’innovation et de la technologie, le temps de l’Homme et de son accaparement, et le temps social. Quand il y a un décalage dans ce triptyque, c’est là que les crises apparaissent « , analyse le prospectiviste, Philippe Cahen  » Aux Etats-Unis le phénomène des  » morts de désespoir « , chez les 45-55 ans blancs qui se suicident, stigmatise un malaise d’incompréhension devant une phase de heurts où tout s’accélère et explose « .

 » Nous vivons le plus gros choc générationnel de l’Humanité « 

 » On est passé d’un modèle d’économie de la demande structurelle à un monde parfaitement darwinien, dans lequel la création d’une innovation technologique, comme une application, se fait sans sélection préalable. Pour une certaine partie de la population ce futur là n’est pas fait pour eux. Réfléchir au monde d’hier avec les technologies du monde de demain crée ce sentiment de mise à l’écart. Le basculement se fera vite mais en créant une bipolarisation énorme. L’enjeu de l’accélération est donc crucial, il décidera des conséquences de cet impact inévitable « , ajoute Pascal Picq  » le moment charnière sera 2020 et les prochaines échéances électorales décideront de la face du changement. Plus les gens sont dans une instabilité plus ils se replient « . Philippe Schmidt préfère lui parler de l’urgence  » à créer l’encadrement de la société nouvelle que l’on doit inventer ensemble. Il n’y a jamais eu autant de facilités de création. Il faut donc bien travailler le cadre éthique, c’est à dire les valeurs « . Savoir aujourd’hui si l’intelligence artificielle du futur sera  » Terminator  » ou  » 2001 Odyssée de l’espace  » ne tient donc qu’à nous, humains. Justement, faut-il distinguer ubérisation et transformation digitale et doit-on en avoir peur ou l’embrasser ?

 » On ne connait pas encore les métiers de demain, il faut donc redonner confiance aux gens. La France est un pays cartésien : on a un problème, on divise. Or, plus les gens sont spécialisés, moins ils sont créatifs et moins ils sont employables « , répond indirectement Pascal Picq.  » Le problème ce n’est pas l’emploi mais l’employabilité, confirme Philippe Cahen  » C’est fondamental de le comprendre et cela passe par l’enseignement et la formation. Nous vivons le plus gros choc générationnel de l’Humanité, celui entre les baby boomers des 30 Glorieuses et les millennials. Et celui qui a 34 ans aujourd’hui ne comprend pas la génération qui suit. C’est du jamais vu « . Même son de cloche chez Laura Pho Duc :  » Il ne faut pas lutter contre les machines mais au contraire mieux éduquer nos enfants pour justement leur apprendre les différenciants de l’Homme « .

En pub : dépasser les situations paradoxales et se mettre sur la ligne de départ

Pour les publicitaires, la transformation exige de résoudre des situations parfois paradoxales,  » car avant, on nous demandait de faire uniquement de la communication. Maintenant on nous demande en plus de prouver que notre travail fait vendre. Cette transformation de notre activité nous force à repenser notre métier. C’est un grand changement dans notre rapport avec les annonceurs « , explique Olivier Bouas-Laurent, co-fondateur de l’agence Mademoiselle Scarlett. Et si on doit vraiment parler d’introspection, il faut aussi revenir sur certaines valeurs professionnelles qui faisaient le beau temps avant le numérique.  » Il faut réintégrer le digital comme un véritable outil de travail créatif et non uniquement comme un coup par clics. Et dans un deuxième temps, il faut arrêter de tester « , affirme Cyril Attias, fondateur de l’Agence des Médias Sociaux, spécialisée en influence  » C’est bon, on a assez fait de  » test and learn « . Maintenant on est sur la ligne de départ « .

Clairement, pour être dans le bon timing la réflexion des cinq prochaines années devra se concentrer sur l’organisation et l’orchestration du temps. Que l’on soit professionnel ou consommateur. Mais surtout comme l’a subtilement suggéré Philipp Schmidt en fin de discussion :  » On va devoir répondre à la paresse du consommateur, qui elle, n’a pas de limite « … Bonne transformation à tous.

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