La digitalisation a durci les exigences vis-à-vis des marques : celles-ci doivent être responsables, montrer patte blanche… Mais la tâche n’est pas aisée, car dans le même temps, les consommateurs doutent de tout.
Savez-vous que, selon une étude récente, fumer une cigarette par jour réduirait de 17% le risque d’accident cardio-vasculaire ? Que les yaourts Activia contiendraient de la gélatine de porc ? Que manger des bananes ne ferait pas grossir ? Que Brigitte Macron serait en réalité un homme ? De ces quatre affirmations, une seule est vraie (les bananes ne feraient pas grossir… jusqu’à preuve du contraire). Mais c’est surprenant, et cela a capté votre attention. Sur la Toile, le flux d’informations cherchant votre attention est permanent : peu importe qu’elles soient vraies ou non, ce qui compte c’est qu’elles soient cliquées, repostées, ou qu’elles vous aident à gagner les prochaines élections.
La post-vérité définit une ère où l’émotion suscitée par une information a plus de valeur que sa véracité. À l’heure de la digitalisation, ce phénomène devient un enjeu de société majeur. D’autant que la confiance dans les institutions traditionnelles (politiques, médiatiques, industrielles et marketing…) s’effondre. Dès lors, qui est dépositaire de la vérité ? Quelles sources croire ? Comment être certain de la véracité d’une information ? Quel chiffre, quelle étude soi-disant scientifique ne seront pas contredits par une autre donnée soutenant le contraire ? Face à cela, des chroniques médiatiques fleurissent ( » Le vrai du faux » sur France Info, » Checknews » de Libération…), permettant aux grands médias d’information de regagner leurs lettres de noblesse journalistiques. Et côté politique, un projet de loi anti fake-news est à l’œuvre, pour endiguer les dérives complotistes du phénomène.
Un consommateur pris dans la spirale de la post-vérité
Mais côté industriel et marketing, rien de tel. Pourtant, le monde de la consommation n’échappe pas à ce phénomène, en particulier le domaine potentiellement anxiogène de la grande consommation, et les indicateurs de confiance dans les marques sont en chute chronique depuis des années. Deux facteurs contribuent à expliquer la situation : la surinformation et son lot d’injonctions contradictoires (il faut consommer sain, naturel, éthique, mais aussi se faire plaisir, optimiser son temps, etc.) et la fragilisation du statut des marques (les scandales sont à présent hebdomadaires -Cash Investigation). Tout ceci est source de frustration pour le consommateur et le plonge dans un état irrationnel, de colère : il ne peut se dépêtrer d’une information pléthorique qui, parce qu’elle est pourtant disponible, le responsabilise et le culpabilise, convaincu que les marques sont corrompues, il ne fait plus confiance à personne.
Ce contexte durcit les exigences vis-à-vis des marques, voire des entreprises derrière elles : on attend qu’elles montrent patte blanche, concernant leurs produits, mais aussi leur politique RSE, leurs valeurs, leur vision, leurs intentions… Mais voilà : une réponse rationnelle de la part de la marque -et typiquement la transparence- ne constitue pas nécessairement une réponse pertinente à l’état d’esprit irrationnel du consommateur. Pris dans la spirale de la post-vérité, le voilà qui doute de tout : la justification est suspecte, la patte blanche semble cacher le vice, une preuve en appelle toujours une autre, sans fin.
La transparence, une réponse insuffisante
Pour restaurer une relation saine, de confiance avec les consommateurs, il faut sans doute intervenir à plusieurs niveaux, ne pas se limiter à la réponse évidente de la transparence : on peut ajuster son message et doser sa présence -au lieu d’en dire le plus possible, on peut en dire le moins possible (le low marketing), on peut simplifier son discours, son offre, pour regagner en audibilité. On aussi peut redéfinir la relation avec le consommateur : accepter de descendre la marque de son piédestal pour la co-construire avec son client, pour l’intégrer au cœur de l’ADN de marque (ex : C’est qui le Patron ?), au cœur de ses communications, ou encore, faire intervenir l’endorsement. Et vous, sur votre catégorie, sur votre marque, à quels enjeux la » post-vérité » vous confronte-t-elle ?