Le 1er avril, on s’amuse. McDonald’s fait mieux et brise les codes de la « journée des farces ». Au menu ? Une campagne produit quelque peu… inattendue. Mais qui ne sera pas pour déplaire aux clients. A consommer sans modération.
Pour les professionnels de la communication, les études qualitatives et de tendances qui analysent le vécu et les attentes des clients ont toujours été des outils précieux pour élaborer une campagne marketing. Mais parfois, il faut savoir prendre des risques et s’écouter en tant que consommateur et se dire si c’est bon pour moi, c’est bon pour les autres. L’instant T ou l’intuition et l’instinct viennent alimenter et enrichir l’insight. Entreprendre pour mieux surprendre ?
Exactement le pari réalisé par l’agence DDB Paris pour cette campagne de McDonald’s qui emmène les consommateurs sur une fausse vraie ou vraie fausse piste -comme vous voulez- à l’occasion du 1er avril. Mélanie Pennec, directrice de création chez DDB°Paris et tête pensante de cette opération explique : « Quand on élabore une campagne, l’intuition ne fait pas tout. Elle te guide mais il faut savoir l’appuyer, la nourrir avec des éléments concrets qui ne peuvent venir que du ressenti client. Le problème de toute intuition est que souvent elle ne s’applique qu’à ton milieu familier. Il est donc nécessaire de prendre du recul pour sortir de notre propre microcosme. Il ne faut pas oublier que notre objectif principal est bien de combler les attentes des consommateurs, pas uniquement les nôtres ». Un pari donc, mais qui, comme nous allons le voir, est gagné d’avance. « Winner takes all », comme on dit au Casino.
Un concept issu de la veille sur les réseaux sociaux
Un concept tout droit sorti d’une veille attentive sur les réseaux sociaux. L’enseigne y a trouvé le terrain de jeu propice à cette récolte de « moments de vie et de toutes ces petites vérités qui accompagnent une marque », tels que les décrit Mélanie Pennec . L’objectif étant de comprendre le rapport qu’entretiennent les Français avec le clown le plus célèbre de la planète mais qui -bien en phase avec la stratégie de la marque- s’adapte localement aux goûts et aspiratioons de ses fans. Le meilleur moyen de renouveler son image.
Et elle poursuit : « Nous avons pu recueillir énormément d’histoires différentes car quel que soit notre âge, on a tous une anecdote à raconter à propos de McDo. Des commentaires du style : « j’adore tel ou tel hamburger, quand revient-il en magasin ? ». De tous ces bruits de couloirs, un en particulier a retenu notre attention. On ne compte plus le nombre de fois ou nous avons pu lire le post : « j’adore retrouver des potatoes dans mon sachet de frites et inversement » ». Ce genre de détail, qui peuvent paraître anodins de prime abord, ont une importance capitale dans le ressenti client.
Le mi-frites/mi-potatoes : vrai ou faux produit ?
Une fois l’idée de créer ce sachet « hybride », mi-frites mi-potatoes, pour satisfaire tous les gourmands de pommes de terre, il fallait trouver le moment propice pour lancer l’opération. Mélanie Pennec précise : « ce genre de campagne nécessite un contexte temporel adéquat pour ne pas avoir l’air gratuite. Le constat établi, la date du 1er avril était l’évidence même. C’est une journée à part, propice aux bavardages et à la communication sur les réseaux sociaux. Les gens partagent leur amusement ou leur déception concernant l’annonce de telle ou telle marque qui s’avère être un Poisson d’avril. Nous avons aimé l’idée de détourner les codes de cette journée des farces pour laisser penser que notre opération était fausse afin de surprendre encore plus au moment de la révélation ».
Tout l’enjeu était alors de ne pas se faire griller par les clients. « Quand tu élabores ce genre de projet, tu ne peux jamais prévoir son succès. Et comme ici, le nerf de la guerre était de réussir à présenter cette annonce comme un leurre, nous avons donc opté dans les premiers temps de la campagne pour des visuels assez basiques, afin de laisser penser que l’annonce se contentait de rebondir sur la date. Que nous nous étions juste pliés à la tradition des blagues sans trop nous y impliquer. En parallèle, nous avons mûrement réfléchi avec McDo au ton que devait adopter le community manager afin d’annoncer le produit sans trop en dévoiler et établir une connivence avec les clients tout en restant mystérieux pour susciter leur curiosité ».
Un dispositif interactif, 100% digital
Un dispositif en toute cohérence, 100 % digital. Logique selon Mélanie Pennec : « Le pari du tout digital est tout à fait compréhensible. Notre concept créatif découle directement des conversations et des expériences en magasin des clients partagées sur les réseaux sociaux. De plus, y susciter leur engagement est un bon moyen de les remercier ».
Aucune plateforme n’a été mise de côté, du compte Twitter éphémère avec le #FritesPotatoes à la page Facebook alimentée d’un post tous les deux jours pour faire « monter la sauce », en passant par Snapchat nourri d’une multitude de SnapAds. Leur point commun : annoncer l’arrivée des fameuses frites-potatoes pour le week end du 1er avril, mais en toute complémentarité.
Un annonceur qui se mouille est toujours gagnant
A l’heure où nous écrivons ces lignes, cette volonté de détourner les codes du 1er avril semble bien fonctionner. Il n’y a qu’à observer les milliers de tweets et de commentaires laissés par les utilisateurs sur les pages Facebook et Twitter : « encore un poisson d’avril d’annonceur », « 1er avril = fake news », ou même « quelle bonne idée ! Dommage qu’elle ne soit qu’une farce ». Autant dire que la révélation de l’opération attendue pour aujourd’hui risque de surprendre pas mal de monde… et de faire encore plus parler…. et de créer du trafic supplémentaire dans les restaurants.
Pour Mélanie Pennec, au delà de ses retombées immédiates et de la connivence suscitée, cette campagne est prometteuse : « une opération marketing d’une telle ampleur basée sur une création de produit est assez rare pour être soulignée. Généralement, les clients sont plutôt réticents à se mouiller de la sorte, ou alors de façon ponctuelle et à petite échelle en filmant une fois le produit puis se limitant à le relayer sur Facebook et basta. Dans ce cas précis, nous avons eu la chance de pouvoir mobiliser les quelques 1400 restaurants implantés en France tout en ayant une grande liberté créatrice et de maîtrise. On se pose donc naturellement la question de savoir jusqu’où on peut aller dans ce type d’insight/intuitif. Aujourd’hui, une création de produit mais demain tout est possible » . Ce qui est sûr, c’est que McDo aime la créativité et en joue régulièrement dans ses prises de parole ou avec son logo.