La culture rap/hip-hop a envahi le marketing et la communication. En devenant influenceurs, grâce leur identité et leur musique, les artistes font la pluie et le beau temps…A Marseille, aussi.
Dans le top 10 des albums les plus écoutés en France en 2017, cinq sont des albums de rap. Sur les 10 singles, six impliquent au moins un rappeur. Une progression sensible puisque « Dans les années 90 explique Aisha Fragione, manager du groupe IAM, « les statistiques étaient de deux albums achetés par foyer par an en moyenne, contre douze albums par foyer aujourd’hui ». Une tendance observée sur le web, graal des millenials, que confirme le SNEP (syndicat national de l’édition phonographique) dans une étude qui affiche cette progression fort respectable.
Le luxe s’encanaille
Revers de la médaille, les stratégies marketing sont chaque fois plus élaborées, et l’aura des rappeurs est telle que les marques de luxe s’encanaillent en promouvant ces influenceurs urbains qui les rendent « branchés ». A$AP Rocky, rappeur New Yorkais, est devenu égérie de Dior. Virgil Abloh, conseiller mode de Kanye West, est depuis mars dernier le nouveau directeur artistique des collections masculine de Louis Vuitton. En France, la tendance peine certes à s’installer, mais un groupe comme PNL a été invité à un défilé Chanel, tandis que le rappeur parisien Georgio est devenu égérie de Givenchy.
Rappeurs influenceurs
Pour gérer cette transformation, les maisons de disque ont, elles aussi, évolué en profondeur. « Ce sont des personnes sorties tout droit d’écoles de commerce qui gèrent cette activité », poursuit Aisha Fragione. « Avant c’était plus familial, pas vraiment développé et ça ne rapportait pas autant d’argent ». Une professionnalisation que les anciens rappers condamnent mais qui attire les milieux de la mode à l’affût de la tendance qui fait vendre.
Marseille joue la crédibilité locale
Mais dans le rap comme dans le reste, à Marseille, on ne fait pas les choses comme ailleurs. A l’heure de la mondialisation des influences et des stratégies globales de communication, gérées depuis les buildings vitrés de grandes multinationales, les artistes marseillais continuent de creuser le sillon de la crédibilité locale. Leurs producteurs ont gardé leurs bureaux dans les quartiers populaires de » leur » ville. Cité pionnière dans le rap depuis les années 80 du siècle précédent, elle a vu grandir des générations successives de rappeurs entre ses murs. De IAM à JuL en passant par Soprano qui a fait salle comble au mythique stade Vélodrome en 2017. La pérennité d’un groupe comme IAM, qui a fêté en 2017 les 20 ans de son album « L’école du micro-d’argent », est certainement due à cette fraternité marseillaise.
Un mur couvert de disques d’or
Les nouveaux rappeurs phocéens qui parviennent à se faire un nom, comme Naps ou encore JuL, sont perçus comme les minots de la ville, créant une proximité locale, tremplin pour une gloire nationale voire internationale. « Notre chance c’est d’être proches de tous les rappeurs. Nous ne sommes pas de simples producteurs, nous encadrons les artistes, non comme des produits mais comme des hommes », revendique Michael Ristorcelli de chez BeatBounce, qui assure l’enregistrement des albums et le tournage de clips de rappeurs de Marseille ou d’ailleurs. Une des preuves de cette fraternité réside dans le couloir d’entrée de leur locaux : un mur couvert de disques d’or et platine délivrés par les rappeurs récompensés. En effet, chacun s’est promis d’accrocher lui-même, son trophée en cas de récompense. Le dernier en date est l’album de Alonzo, qui a reçu une certification platine en décembre 2017.