16 octobre 2018

Temps de lecture : 3 min

La rentrée cinéma 2018 analysée en 10 tendances

Le cinéma, c’est comme la mode ! Il y a des tendances qui colorent l’année en cours. Les films nous tendent un miroir qui reflète les émotions collectives, la mécanique des désirs et les questions qui font sens. Raison de plus pour décrypter l’imaginaire de la rentrée depuis fin août 2018.

Le cinéma, c’est comme la mode ! Il y a des tendances qui colorent l’année en cours. Les films nous tendent un miroir qui reflète les émotions collectives, la mécanique des désirs et les questions qui font sens. Raison de plus pour décrypter l’imaginaire de la rentrée depuis fin août 2018.

Disons-le d’entrée de jeu. La tendance globale raconte comment s’en sortir dans un monde hostile et imprévisible. Mais ce qui est marquant, c’est que les récits apportent des réponses très simples et intemporelles dans un contexte complexe et en disruption. Bref, les films de la rentrée nous invitent à retrouver notre humaine condition !

D’un côté, les metteurs en scène décrivent un monde sombre, complexe, peuplé de faux-semblants. Certains arrivent à en rire avec quelques comédies, mais elles sont peu nombreuses:

1. L’altérité altérée. Le rapport à l’autre est problématique car hostile, indifférent ou fataliste: racisme, sexisme, handicap, disqualification sociale, discrimination, exploitation… (BlacKkKlansman, Invasion, Silent Voice, Vaurien, Ma fille, Blindspotting, La particule humaine). De son côté, le monde politique est vu comme une farce cynique (Le Poulain, Donbass, Silvio et les autres, Kursk)

2. Les personnages ne sont pas ce qu’ils paraissent : face cachée, infiltré, masque, jeux de rôle, ambivalence, transformation, persona, symbiote. La vérité n’est pas immédiate et le « fake » doit être décodé (L’amour est une fête, Lukas, Frères ennemis, L’ombre d’Emily, Venom, En liberté, Chacun pour tous, BlacKkKlansman)

3. Les sens et le réel sont troublés. La réalité et l’imaginaire ont des limites incertaines : surnaturel réaliste, magie, fantôme, maladresse vis-à-vis de la réalité augmentée (Invasion, J’ai perdu Albert, La Nonne, La prophétie de l’horloge, The little Stranger, Hostile, Johnny English contre-attaque)

4. La nature vengeresse est source de menace et de danger pour l’homme. Le monde animal est plus fort que l’humain (En eaux troubles, Alpha, The predator)

Dans ce climat dur, le cinéma n’oublie pas qu’il est aussi source d’espoir, de « feel good », de renaissance et d’évasion. Il nourrit une petite lueur face au chaos désenchanté :

5. Les proches, ces nouveaux inconnus à apprivoiser en dépit des différences : rivalité fraternelle à réguler, incompréhension familiale à éclaircir, habiter avec un ex,… C’est dans l’espace proche que s’expérimente l’humanité et pas dans la société (Frères ennemis, Les frères Sisters, I feel Good, L’amour flou, Leave no trace, Nos batailles, Le jeu, Yeti & compagnie)

6. Les personnages féminins font preuve de courage, de dépassement, de résilience (Voyez comme on danse, Hostile, Les oiseaux de passage, RBG, Domingo), au point de devenir parfois durs dans leur vengeance (Madame de Joncquières, Peppermint, Breaking In, En mille morceaux)

7. De son côté, le masculin est souvent diminué, fragile, accidenté, marginalisé, en souffrance,… mais en quête de renaissance :

◦ Soit avec l’amour salvateur (A star is born, Bonhomme, Sauvage, Sheherazade, Amin, Galveston, En liberté)
◦ Soit avec la paternité bienveillante (Ma Fille, Thunder Road, Leave no trace, De l’ombre il y a, Nos batailles)
◦ Soit dans l’aventure technologique (First man, Upgrade)
◦ Soit à travers le sport (Le grand bain, Chacun pour tous)

8. Les rites de passage et d’apprentissage ont à nouveau le vent en poupe dans un époque sans référent quand on est jeune. Ils permettent de se confronter au réel pour passer un cap (Première année, De chaque instant, Kin : le commencement, Le Poulain, Fortuna, Alad’2, Girl)

9. Les années 60 à 90 ont inspiré les metteurs en scène. Elles représentent un imaginaire plus simple et naïf avec des dualités tangibles: homme / femme, parent / enfant, est / ouest, confiance dans l’avenir / défiance du passé (BlacKkKlansman, L’amour est une fête, First man, Guy, Climax, Le flic de Belleville, Cold War, Bohemian Rapsody, Silvio et les autres)

10. L’art et la pop-culture apparaissent plus que jamais comme la voie royale pour s’inventer. La vie des artistes continue d’inspirer le cinéma, pour échapper à l’oppression du quotidien (A star is born, Bohemian Rapsody, The happy Prince, Under the silver lake, Quién te cantará, Dovlatov)

Cette rentrée cinéma cherche à nous rassurer sur la pérennité et la force des sentiments humains, quitte à paraître assez académique. Mais quoi de plus normal à une époque complexe, incertaine et déshumanisante ? Comme l’a dit François Truffaut, « on va au cinéma pour vivre une vie que l’on n’a pas ».

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