Les marques ont du mal à concevoir leur avenir, pas seulement parce que la révolution technologique est rapide. On vous explique pourquoi.
Le futur nous fascine tout autant qu’il nous inquiète. Le futur est devenu une obsession chez nos contemporains. Pourtant, comme l’affirmait le chanteur Dominique A avec ironie : « on sait ce qui nous attend : la mort. C’est pourquoi je ne déteste pas la nostalgie ». Deux raisons principales expliquent cette difficulté à prédire le futur.
La première découle de la société toute entière qui raisonne à court terme. On ausculte les cours de la bourse au jour le jour. Les bonus sont payés en fin d’année. On rechigne à envisager l’avenir, source d’un changement qui peut bousculer les habitudes. Nous courons à la catastrophe écologique mais tant que nous ne serons pas gravement touchés dans notre quotidien, rien ne sera fait. C’est ce que j’appelle le syndrome du rond-point. On sait que le carrefour est dangereux mais on attend la première victime pour réagir. La seconde relève de la manière dont on pense le futur, un monde fantasmé issu d’une imagination fertile ou délirante, alors qu’il suffit de s’intéresser à l’instant T.
Le court terme et l’instant T trop ignorés
Comme l’affirmait le philosophe Gaston Berger : « étudier le futur consiste à perturber le présent ». À l’image de la créativité, la prédiction du futur consiste à relier entre eux, des signes, émergents ou non, forts ou faibles, pour dessiner de nouvelles perspectives.
Un exemple ? Nos experts avaient anticipé le mouvement kraft dans la bière en établissant les bonnes connexions entre des phénomènes concomitants et en apparence, indépendants les uns des autres : le déclin de la masculinité traditionnelle, le mépris croissant des marques globales, l’explosion du « do it yourself », le désir de consommer local, la plus grande simplicité de la livraison à domicile, le réchauffement climatique ou la régulation plus stricte sur l’alcool.
Les marques et les médias à la traîne face aux changements de société
Les marques ont du mal à anticiper les changements de société. La Commission européenne annonçait dès le début des années 2000 que le carburant diesel poserait un problème de santé publique. Il a fallu pourtant attendre le scandale Volkswagen. Le mouvement féministe a accéléré ses revendications depuis 2010 alors que dans le même temps, la publicité continuait à utiliser des images dégradantes de la femme. Celui de #Metoo a brutalement mis fin à ces dérives.
Il s’écoule du temps avant qu’un phénomène de société ne soit pris en compte par les marques et les médias. Graham Molitor affirme qu’il faut entre 30 et 80 ans pour qu’un courant d’idées devienne mainstream. Pour l’expliquer, on peut utiliser l’analogie de l’œuf sur le plat : quand la poêle à frire est brûlante, le jaune n’est pas tout à fait cuit, mais il est déjà trop tard. Voyons le Brexit. La poêle, ce sont les populations des régions défavorisées de Grande Bretagne. Le blanc de l’œuf, ce sont les élus locaux et les observateurs avertis qui ont perçu le danger. Le jaune, c’est le cœur de ce Londres prospère qui ne ressent pas la même température.
Alors comment s’y prendre ?
D’abord, il faut partir d’un principe trop souvent oublié : les gens ne sont pas rationnels. Ensuite, il faut apprendre à changer de perspectives, à intégrer tous les paramètres d’un contexte donné : économique certes mais aussi technologique, social, politique et environnemental. Les prendre en compte, mais aussi, apprendre à les relier entre eux.
La prédiction du futur n’est pas un tour de magie mais la faculté de combiner et d’interpréter les signes qui sont devant nos yeux.