L’e-commerce -ou commerce électronique- connaît actuellement un véritable essor au Congo-Brazzaville. Le « lèche-vitrine en ligne », selon sa dénomination sur place, commence à s’installer dans les habitudes de consommation des quelque 5 millions d’habitants de ce pays d’Afrique centrale.
Cette appétence pour l’e-commerce depuis 2015 environ est bien évidemment plus tardive que celle dans la plupart des pays développés. Toutefois, ce retard s’explique aisément tant du point de vue de l’offre que de la demande, au regard des contraintes rencontrées sur place tout au long des quatre étapes usuelles de ce qu’il est convenu de nommer la chaîne de valeur du e-commerce (marketing, transaction, logistique, service après-vente).
Un rapide point chronologique et contextuel
Le Congo-Brazzaville voit néanmoins apparaître nombre d’entreprises innovantes dans son paysage économique. Elles cherchent toutes à répondre aux usages et aux contraintes locales, parfois de façon tout à fait inventive. Citons par exemple Défi Congo, basé à Pointe-Noire, la capitale économique du pays. Cette société qui se propose « d’anticiper et de résoudre vos problèmes » a débuté par l’import et la vente de matériaux dans le secteur pétrolier (catalogue de 1 700 pages avec 75 000 articles) avant d’élargir son offre, en 2016, avec des accessoires de mode, des vêtements, des produits de décoration, des équipements sportifs spécialisés, etc.
Concrètement, lorsqu’un client est intéressé par un produit proposé par un site marchand, comme l’américain Amazon, le chinois Alibaba ou le français Rue du commerce (Groupe Carrefour), il constitue un panier et envoie simplement une capture d’écran de celui-ci à la société Défi Congo, qui prend le relais jusqu’à la livraison. Au regard des problèmes liés au débit souvent trop faible et au coû parfois prohibitif de l’accès à l’Internet dans le pays, Défi Congo a décidé de poursuivre le développement de cette activité en ouvrant, début 2017, un espace aménagé avec accès à des ordinateurs. L’idée est de faciliter ainsi « le lèche-vitrine en ligne » jusqu’à la prise de commandes. De ce fait, les clients qui le souhaitent ou qui n’ont pas accès à Internet chez eux peuvent se rendre dans ces locaux pour passer leur commande. Cette solution, qui repose de facto sur la mise à disposition à la fois de l’Internet, de catalogue(s) en ligne et de terminaux de saisie, est de plus en plus fréquente. Notons aussi que la ville de Pointe-Noire héberge le siège du site numéro un de la vente en ligne au Congo-Brazzaville dont le nom est Asepeli et qui propose même de vendre « vous-même » en ligne sur sa marketplace.
La confiance au cœur du développement
Toutefois, la mise à disposition d’infrastructures et de terminaux ne suffit pas. Elle peut être une condition nécessaire mais ne sera aucunement suffisante à la réussite d’un projet d’entreprise de commerce en ligne ! En effet, même avec le boom du paiement mobile, les entreprises du e-commerce sont assez vite confrontées à la délicate problématique de la confiance (celle de l’acheteur envers le vendeur). Dans ce cas, l’existence d’une boutique traditionnelle (qui devient en fait un showroom) et la présence de vendeurs en chair et en os (qui se différencient des avatarsdes sites web marchands) sont des atouts majeurs pour les consommateurs congolais.
Nous pourrions citer d’autres exemples, comme ceux des enseignes GIA Markets et Brazza shop, dans la distribution, ou encore Nourishka dans le secteur des produits de beauté. Ces entreprises, basées physiquement à Brazzaville, qui est la ville la plus peuplée du pays, proposent directement leurs produits en boutique ou via des applications mobiles ou encore sur les réseaux sociaux (Facebook ou Instagram notamment suite à la disparition annoncée de Google+) pour atteindre un maximum de consommateurs.
Malgré ces succès notables, le développement du commerce en ligne se heurte encore et toujours à de nombreux obstacles liés aux contenus et aux contenants de ce type de commerce. Nous ne reviendrons pas sur les infrastructures réseau insuffisantes en l’état (même si les travaux actuels avec notamment l’installation de la fibre optique entre le Gabon et le Congo semblent de bon augure). Insistons surtout sur les difficultés opérationnelles liées aux phases de livraison (quelle adresse ?) et de stockage des produits (comment ? où ?). Insistons aussi sur le recours trop systématique à l’argent liquide (cash) qui n’est ni souhaitable pour l’acheteur, ni pour le livreur, et qui pourrait être remplacé et sécurisé par le paiement mobile via une technologie robuste comme MoMo, par exemple.
Finalement, au Congo-Brazzaville comme ailleurs, la progression future du « lèche-vitrine en ligne » reposera essentiellement sur deux piliers. Tout d’abord, la confiance dans la sécurité des systèmes de paiements (qu’ils soient dématérialisés avant la livraison, ou prévus en cash à la livraison) puis la confiance dans le bon produit qui devra être livré au bon endroit, au bon moment et en bon état !
Des initiatives à encourager
Aujourd’hui, la plupart des acteurs de la vie économique congolaise sont, semble-t-il, mobilisés pour lever ces obstacles et avancer dans le développement de l’e-commerce. C’est le cas des opérateurs téléphoniques (MTN Momo, Airtel) qui travaillent de concert sur un portefeuille électronique pour favoriser le paiement via le téléphone en sécurisant les paiements. C’est le cas aussi d’acteurs majeurs de l’économie comme La Société des postes et de l’épargne du Congo (SOPECO).
C’est également le cas de l’exécutif, qui s’est doté d’une Direction générale de l’économie numérique en mars 2018, et qui croit au potentiel du commerce en ligne et à ses vertus pour le tissu local. C’est enfin le cas au niveau réglementaire avec des mesures incitatives telles ces lois favorables à l’économie numérique. Ainsi, nous pouvons citer le ministre des Postes, des télécommunications et de l’économie numérique –Léon Juste Ibombo– qui souligne que « Internet sera le canal par excellence par lequel seront vendues à grande échelle les créations artistiques de nos artisans » dans des propos rapportés par le site Portail242.Info.
Il est important de noter que le ministre a d’ailleurs rencontré le vice-directeur général du logisticien Jet Log Afrique, qui est en train de constituer un immense réseau en Afrique de l’Ouest. Ils ont évoqué une possible mobilisation du réseau de la Société des postes et de l’épargne du Congo. Léon Juste Ibombo s’est aussi entretenu récemment avec Emmanuel Zanghieri, qui dirige le fournisseur de connexion à bas coût OFIS, pour étendre la couverture réseau dans le pays en déployant des zones équipées wifi.
Et des mini-hubs à déployer…
Nous conclurons en soulignant que c’est en fait un e-commerce hybride qui émerge au Congo-Brazzaville. En témoigne une nouvelle fois l’apparition de centres de distribution de proximité. Il s’agit de « mini hubs » centrés sur la livraison. Dès lors, ils vont faciliter les échanges entre commerçants et clients et sécuriser le « dernier kilomètre ». Tous ces espaces aménagés vont donc paradoxalement, au travers d’une nouvelle logistique urbaine, introduire encore plus de proximité au travers du « e » de e-commerce !
Cet article a d’abord été publié sur The Conversation.